« Internet est la première création humaine que l’humanité ne comprend pas, la plus vaste expérience anarchiste jamais vécue. » – Eric Schmidt

Internet, arme précieuse

Internet, le « réseau des réseaux », est l’arme la plus précieuse dont disposent les libéraux et humanistes du monde entier pour faire triompher leurs valeurs. Si habituellement je me méfie des certitudes, j’en ai pourtant une : Internet nous verra gagner, notre victoire est inscrite dans la nature même du paradigme de l’information numérique circulant sur un réseau distribué et sans gouvernance centrale.

Les attaques contre la liberté sur Internet n’ont jamais été aussi nombreuses et violentes, provenant essentiellement de l’État et de ses structures satellites. Après un âge d’or durant lequel Internet s’est développé sans trop d’entraves, selon un ordre spontané et harmonique, cet « excès de liberté » a fini par faire peur aux gouvernements qui se sont empressés de réglementer, taxer, surveiller, prohiber. Du scandale de la NSA révélé par Edward Snowden aux fuites de mensonges d’État par Wikileaks, la liste des méfaits n’est que trop longue. Considérons simplement que la répression et les menaces sont importantes et grandissantes, car ce qui nous intéresse ici, c’est pourquoi et comment nous allons l’emporter.

Pour les libéraux moralistes, la liberté sur Internet va de soi par principe et ne devrait être soumise à aucune exigence « d’efficacité ». Quant aux libéraux utilitaristes, préoccupés par le bon fonctionnement d’un système, leur logique favorise un Internet non régulé, car ce réseau est un moteur puissant pour la prospérité des sociétés humaines dans l’échange et la paix. Si l’on considère, comme de nombreux économistes, que sur le marché des idées le système le plus efficace finit toujours par émerger, alors tous les espoirs nous sont permis, puisque Internet est d’autant plus efficace qu’il est libre. Toutefois, le régulateur n’ayant que faire de telles considérations morales ou même utilitaires, on peut hélas se demander ce qui pourrait bien le retenir de légiférer à outrance. Nous allons proposer une réponse d’économiste.

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La liberté par Internet – Nuage des mots de l’article.

L’exercice de la raison ouvert à l’individu

Qu’est-ce qu’Internet, sous l’angle économique ? C’est un formidable vecteur d’accès à la connaissance, un outil facilitant toutes les formes de coopération. De l’invention des premiers outils à la conquête spatiale, l’histoire a prouvé que rien ou presque n’est impossible à l’homme s’il sait placer la connaissance au-dessus des croyances et la coopération au-dessus des conflits. Si les hommes décidaient de reconstruire la Tour de Babel, rien ne l’empêcherait à l’ère du numérique. Le savoir est le capital le plus précieux des économies développées. Aujourd’hui, des géants comme Google rachètent des entreprises en millions de dollars du fait du capital humain qu’elles recèlent. Via la connaissance, l’exercice de la raison est ouvert à l’individu et son indépendance devient réelle.

C’est pourquoi les oppresseurs ont toujours porté une grande attention à l’éducation des jeunes : pour en faire des esprits dociles. Jamais l’accès à toutes les formes de connaissance n’a été aussi aisé qu’à ce jour, des encyclopédies gratuites et collaboratives aux outils de traduction en passant par les MOOC. [1] Une simple connexion au réseau, et quiconque peut s’informer, s’exprimer publiquement, s’éduquer, échanger en groupes, accéder à presque tout ce que l’esprit humain a pu produire à ce jour.

Comme l’imprimerie donna une accélération historique à la diffusion et au stockage du savoir, le numérique et Internet suppriment la contrainte géographique et limitent fortement les coûts de diffusion. Les journalistes, les éditeurs n’ont plus le monopole de la parole publique, ils sont dépassés par l’information massive depuis tout point du réseau. Chacun peut aider à propager les idées libérales avec des moyens même modestes. Nous voilà libérés de l’élite au pouvoir qui a pu nous tenir à l’écart de l’agora jusque vers la fin du XXe siècle.

Si un être humain bien éduqué peut déjà faire beaucoup, c’est avant tout dans la coopération que les projets ambitieux prennent vie. Complémentaires, connaissances et compétences libèrent un potentiel d’innovation phénoménal, qui suppose de communiquer. À cet égard, Internet permet l’échange par texte, audio ou vidéo, sans limitation à deux individus comme à l’époque du téléphone. Les plateformes web offrent désormais un espace de rencontre à une multitude d’acteurs qui peuvent choisir quand, comment et avec qui communiquer.

Connaissance, coopération et indestructibilité du réseau Internet sont les trois forces qui rendent notre victoire inéluctable. La vérité n’a jamais eu autant de force qu’aujourd’hui.

Trois exemples

L’information, la vérité, ne connaît pas de frontières, et les gouvernements qui choisissent le socialisme échoueront à masquer leur échec face aux pays qui auront suivi le marché libre. La connaissance ne peut nous être ôtée, c’est une arme qui est en nous de façon irréversible, elle bénéficiera avant tout aux idéaux conformes à la réalité, donc avant tout au libéralisme.

La chute de l’État-providence, voire de l’État lui-même, est inscrite dans la possibilité de se passer de lui et de ses agents. Trois exemples. Qu’est-ce que le Bitcoin, sinon une monnaie saine à l’abri des manipulations de l’État, court-circuitant les banques centrales ? [2] Qu’est-ce que le financement participatif (crowdfunding), sinon la liberté de placer son épargne au service de projets d’entrepreneurs hors du système coûteux et hyper-réglementé des banques ?

Qu’est-ce que l’impression 3D, sinon la possibilité de fabriquer des objets issus du génie créateur dispersé autour de la planète, circulant sous forme de patrons électroniques ? L’impression 3D a de plus ouvert la voie à la fabrication d’armes à feu par le citoyen pour sa propre défense, portant un coup très rude au monopole des armes détenu par l’État. [3]

Construit de manière distribuée et dépourvu d’intelligence centrale vulnérable aux attaques, Internet ne peut pas être « coupé » par l’État si ce dernier se sentait menacé pour sa sûreté. Qu’il neutralise une partie du réseau, le reste fonctionnera encore. Tout ordinateur connecté à un point du réseau trouvera toujours un chemin alternatif pour joindre un autre ordinateur. Internet est virtuellement indestructible, sauf à imaginer une attaque planétaire et simultanée sur tous les nœuds du réseau, bien peu réaliste. À l’échelle nationale, des régimes comme la Chine, l’Iran, la Turquie échouent à faire taire les dissidents disposant de moyens techniques contournant les interdictions, moyens fournis par des « hacktivistes » luttant pour la liberté.

Libres !!

Couverture de Libres !!

La liberté suppose la libre expression et la libre coopération, Internet est donc l’espace de la liberté par excellence. Le contournement des monopoles y est lancé, l’inutilité nocive des agents étatiques y éclate au grand jour. Les interdictions pourront pleuvoir ; peu applicables, elles resteront vaines. Tout porte à croire que l’ère de la Liberté n’a jamais été aussi proche.

 

Boris Navio, in Libres !!, 2014

[1] Les MOOC (Massive Online Open Courses) sont des cours en ligne massivement diffusés et librement accessibles, le plus souvent gratuitement. Les meilleurs professeurs des meilleures universités se retrouvent ainsi dans n’importe quelle salle de classe.

[2] Le terme Bitcoin désigne à la fois un système de paiement à travers le réseau Internet et une unité de compte utilisée par ce système de paiement ; on parle de monnaie cryptographique puisque c’est un système mathématique perfectionné qui sécurise les transactions sans passer par un tiers de confiance. La quantité de bitcoins émis par le système est définie à l’avance et personne ne peut en émettre et créer de l’inflation, à la différence des monnaies comme le dollar ou l’euro.

[3] Le Liberator, arme à feu fabriquée à partir de pièces imprimées en 3D, est létal bien qu’en plastique. Il a été suivi depuis par d’autres modèles en métal plus perfectionnés ; nous n’en sommes qu’au début.