« Les hommes naissent ignorants, mais non stupides. Ils deviennent stupides suite à l’enseignement. » – Bertrand Russell

Sérieuses lacunes

Engagée avec les autres pays européens dans la stratégie de Lisbonne en 2000, qui voulait faire de l’Europe une grande économie de la connaissance qui soit la plus compétitive au monde d’ici à 2010, la France a, pour ce qui la concerne, visiblement échoué.

Épinglée successivement par les rapports de l’Institut Montaigne [1] et PISA de l’OCDE [2] la France subit un verdict sans appel : notre système éducatif ne parvient pas à réduire les inégalités sociales. Pire : il les aggrave et laisse, pour couronner le tout, 40% des élèves sortir de l’école primaire avec de sérieuses lacunes en lecture, écriture et calcul.

Cela correspond chaque année à plus de 175.000 élèves en difficulté et 105.000 en très grande difficulté qui ne peuvent probablement rien attendre de plus de l’Éducation nationale. Leur sort est scellé par un système dont on ne peut clairement plus rien attendre, nonobstant les réformes annoncées successivement depuis les 30 dernières années.

À cela viennent s’ajouter d’autres chiffres, comme ceux du harcèlement à l’école, ou d’autres considérations morales comme l’enseignement à l’école publique (et laïque) de valeurs de plus en plus envahissantes qui restreignent un peu plus chaque jour l’exercice du droit fondamental de tous les parents de pouvoir « choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants ». [3] (Lire aussi [4] et [5].)

école

L’école à domicile – Nuage des mots de l’article.

Enfants, quel avenir ?

Ainsi de plus en plus de parents s’interrogent, conscients de l’enjeu que tout cela représente pour l’avenir de leurs enfants. Il est bien légitime alors qu’ils n’aient pas envie d’attendre les résultats formidables promis par les ministres qui se suivent et se ressemblent dans leur incapacité à trouver des solutions efficaces, pour prendre les choses en mains et sortir leurs enfants de ce système délétère.

La première démarche de ces familles consiste à se tourner vers un établissement d’enseignement privé et, selon leurs convictions et leurs choix éducatifs, à y chercher tantôt simplement plus de rigueur ou d’encadrement, tantôt un enseignement qui mette en œuvre des pédagogies alternatives qu’ils pensent plus respectueuses de leur enfant en tant qu’individu.

Pour d’autres qui n’ont pas accès à ces écoles différentes, ou parce qu’elles n’apportent encore pas la solution qui leur convienne, la solution est de déscolariser leur enfant pour choisir ce que leur permet la loi : faire « l’école à domicile », ou plus exactement pratiquer l’instruction en famille.

On estime actuellement à 40.000 le nombre d’enfants qui ne sont pas scolarisés et qui suivent une instruction au sein de leur famille.

Parmi eux, certains sont inscrits à des cours par correspondance, d’autres sont instruits par leurs parents selon différentes méthodes, et enfin certains pratiquent ce qu’on appelle le unschooling, mot anglais difficilement traduisible, qui marque une absence d’enseignement à proprement parler mais qui se base sur des apprentissages libres et autonomes au rythme des expériences de la vie de l’enfant.

Et ça marche

Et tout cela marche.

Une fois éloignés du système, qui n’a visiblement pas d’ambition plus élevée que de produire une masse uniforme de citoyens qui ne (se) posent pas trop de questions et adhèrent sans protestations aux idéologies des gouvernements successifs, une fois débarrassés de la contrainte quotidienne de se plier à un rythme de vie décidé par une poignée « d’experts » dont on peut douter qu’ils aient un jour croisé ne serait-ce qu’un élève, une fois libres de travailler quand ils sont prêts et de se reposer quand il en ont besoin, les enfants développent des capacités d’apprentissage insoupçonnées.

Apprendre redevient un élément intrinsèque de leur être. Ils le font bien et ils le font vite. Là où l’école y passait autrefois un trimestre, voilà l’enfant qui assimile (et pour de bon) en trois jours. Car l’homme est fait pour apprendre, nous l’avions presque oublié. Mieux, il ne peut pas s’en empêcher, qu’on l’y autorise ou pas.

Bien sûr, beaucoup de parents seront amenés à se poser des questions plus pragmatiques.

Quid de leur compétence, du temps qu’ils vont pouvoir consacrer à leur enfant, leurs horaires de travail seront-ils compatibles avec ce mode d’instruction ?

Vrai rôle des parents

Mais dans le monde d’aujourd’hui, où l’accès à la connaissance est à portée de tous via Internet, où l’on peut trouver des cours d’enseignement général ou universitaire gratuitement, où des millions de livres, de films, d’archives documentaires sont consultables à toute heure du jour et de la nuit, les parents ont-ils vraiment à tenir le rôle de professeur ?

Ne peuvent-ils pas simplement envisager de n’être qu’un mentor, un simple (mais indispensable) accompagnateur de la démarche individuelle de leur enfant vers ses propres choix de vie ?

Il s’agit alors de s’assurer que les conditions matérielles et affectives soient réunies pour permettre de répondre au besoin de connaissance et d’apprentissage que l’enfant exprime, qu’il puisse trouver en nous-mêmes, chez un autre adulte, ou dans un autre groupe l’accompagnement dont il a besoin au moment où il en a besoin.

L’école à domicile, c’est la liberté de pouvoir choisir, puis de mettre en œuvre librement, les meilleurs outils et la meilleure instruction pour nos enfants, de leur transmettre cette liberté en leur apprenant à penser par eux-mêmes, à ne plus étudier pour donner satisfaction à un professeur, mais dans le but de construire sa propre vie, de faire ses propres choix et d’en assumer la pleine responsabilité.

C’est la liberté de pouvoir s’affranchir d’une institution qui tente de nous obliger à consommer sa mauvaise cuisine et qui, à bout de souffle, ne mérite que de s’écrouler sous son propre poids, pendant que nos enfants, libres et autonomes, construiront le monde libéral de demain.

Libres !!

Couverture de Libres !!

 

Caroline Hervieux, in Libres !!, 2014

[1] Bernard Hugonnier, Vaincre l’échec à l’école primaire, Institut Montaigne, Avril 2010

[2] PISA (Programme International de Suivi des Acquis)

[3] « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. » – Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948 – Article 26-3.

[4] Ivan Illich, Une société sans école, Éditions du Seuil, coll. Points Essais, 2003

[5] Sylvie Martin-Rodriguez, Les 10 plus gros mensonges sur l’école à la maison, Éditions Dangles, 2008