« N’espérons pas mettre un terme à ce vagabondage monétaire tant que les gouvernements menaceront les capitalistes. » – Louis Baudin, La Monnaie, 1947

Viciée dès l’origine

Nous, libéraux, sommes conscients de l’imposture de la monnaie européenne.

En effet, fabriqué à partir de monnaies factices, l’euro ne peut qu’avoir les défauts de ses constituants. De plus, sa construction est viciée dès l’origine. Une monnaie unique appliquée à des économies divergentes devait fatalement aboutir aux drames que nous connaissons maintenant. Aucune des promesses qui avaient été faites à sa naissance n’a été tenue. L’Eurozone est une zone de basse croissance et de chômage élevé, plusieurs de ses États sont menacés de faillite. Le risque d’explosion n’est pas nul !

Les faux-monnayeurs qui nous gouvernent doivent abolir le cours légal de l’euro, cause aujourd’hui de la ruine de l’Europe. Nous ne voulons plus être obligés ni de payer nos dettes en euro ni d’accepter l’euro qu’on nous présente pour rembourser nos créances.

Par exemple, le boulanger pourra accepter l’euro en paiement de son pain, mais il pourra aussi dire : je ne veux pas de votre euro, merci beaucoup, mais je préfère du dollar ou de la livre sterling, ou du franc suisse, etc. De même nous pourrons dire à nos patrons : « s’il vous plaît, payez-nous autrement qu’en euro ». Ainsi sera ouverte une libre concurrence entre les monnaies. Si la concurrence est bénéfique pour l’économie, on ne voit pas pourquoi elle ne le serait pas aussi pour la monnaie.

euro

L’imposture de l’euro – Nuage des mots de l’article.

Se méfier d’une monnaie forcée

L’anglais Edmund Burke, dans ses Réflexions sur la révolution en France, remarque excellemment : « Notre papier-monnaie [en Angleterre] a de la valeur dans les transactions commerciales parce que, précisément, il n’a pas de valeur légale ; il est puissant à la Bourse parce qu’il est sans force à Westminster Hall » – symbole du pouvoir politique.

En d’autres termes, une bonne monnaie n’a pas besoin de cours légal pour circuler. Si elle s’appuie sur un cours légal, c’est qu’elle est une mauvaise monnaie – d’autant plus pernicieuse que, jouissant de ce privilège, elle tend à chasser la bonne monnaie. Jusqu’en 1870, les billets de la Banque de France n’avaient pas de cours légal (sauf entre 1848 et 1850) et ils étaient acceptés.

Au cours légal, les États ajoutent une fiscalité spécifique sur toute transaction en or qui dissuade les citoyens d’utiliser autre chose que du papier étatique. L’abolition du cours légal n’aboutira à une véritable concurrence entre les monnaies que si elles sont placées fiscalement sur un pied d’égalité – fiscalité inique et confiscatoire.
L’abolition du cours légal aura une autre conséquence : tout un chacun doit être libre de conclure des contrats libellés en or. Par conséquent, tout un chacun doit aussi pouvoir ouvrir à la banque des comptes courants ou à terme en or. La liberté ne se divise pas. Il convient de franchir un pas de plus par le rétablissement de la liberté de frapper des monnaies-or dans les ateliers existants.

À ce stade, une monnaie-or entrera en compétition avec les euros, dépourvus, rappelons-le, de cours légal. Et plus la Banque centrale européenne fabriquera des euros, comme elle le fait aujourd’hui, contrairement à ses propres règles, pour venir au secours des banques et des États en difficulté, plus la monnaie-or sera recherchée – ce qui, déjà, inspirera plus de sagesse au gouverneur de la Banque centrale européenne qui triche avec les traités européens. Sans cours légal, la bonne monnaie chasse la mauvaise.

Or en réserve ?

Les différentes banques centrales seront alors amenées à remettre en circulation les tonnes d’or qu’elles ont en réserve depuis qu’elles les ont confisquées à ceux qui les lui avaient confiées en août 1914, quand ont été déclarées inconvertibles les monnaies des pays belligérants.

Évidemment, cet or monnayé pourra circuler non pas seulement physiquement, mais aussi sous forme de billets ou de comptes courants bancaires, convertibles à 100% en or.

Pour les petites transactions, le métal argent sera introduit et utilisé exactement dans les mêmes conditions. Il faudra éviter tout rapport fixe entre monnaie-argent et monnaie-or – comme c’était le cas dans beaucoup de régimes « bimétalliques », ce qui les a rendus inefficients. Là encore, le jeu libre du marché sera chargé d’établir au jour le jour les rapports entre ces deux monnaies.

Les banques centrales seront désormais dépourvues de ce pouvoir monétaire dont elles ont tant abusé en régime d’inconvertibilité. En fait, elles n’auront plus de raison d’être dans ce Gold Standard d’un nouveau genre où la quantité de monnaie en circulation est déterminée par le jeu du marché. Du même coup, les États ne pourront plus utiliser les banques centrales pour financer leurs déficits avec de la fausse monnaie.

Même introduite dans un seul pays, la nouvelle monnaie-or sera capable d’attirer à elle l’ensemble des pays européens, et non pas une partie d’entre eux comme c’est le cas pour l’euro. Si seulement deux pays à l’intérieur de l’Union européenne adoptent les mesures que nous préconisons, la monnaie-or deviendra leur commune unité de compte, sans aucune intervention étatique, simplement par le libre choix des individus. C’est bien ce qui s’est passé entre Florence et Gênes, puis Venise à la fin du XIIIe siècle.

Gold Standard ?

Ce processus pourra être aisément étendu, non seulement aux autres membres de l’Union européenne qui hésitent aujourd’hui à entrer dans l’Euroland, comme la Pologne ou la Tchéquie, mais aussi à des pays européens qui n’en veulent pas comme la Grande-Bretagne. Il n’est pas interdit d’espérer que des pays non européens adoptent à leur tour cette monnaie – et sera rétabli ainsi, peu à peu, le Gold Standard qui a fait la fortune du XIXe siècle, mais sous une nouvelle forme, décentralisée – un Gold Standard à l’abri des grands coups d’autorité qui l’ont ruiné, puisque les réserves d’or seront disséminées dans des millions de poches ou de coffres.

Le règne abusif et dangereux de l’étalon-dollar, qui permet aux États-Unis de financer leur « déficit sans pleur » depuis 1944 (accords de Bretton Woods), sera enfin terminé.

Dans un tel univers à monnaie unique, ni guerre commerciale ni guerre monétaire ne seront plus possibles.

Couverture de Libres !

 

Philippe Simonnot, in Libres !, 2012