« Le cadavre de Pétain bouge encore ! » – Philippe Simonnot, Institut Turgot, 6 juin 2010
Retraite obligée
La retraite est une période coïncidant avec la fin d’une activité professionnelle et au gain des revenus qui y sont liés. Elle est généralement prise sur base volontaire, en raison de l’âge, de la pénibilité de l’activité ou d’un choix de vie personnel. Pour se prémunir contre la perte de ces revenus, il existe divers mécanismes allant de la solidarité familiale aux assurances, en passant par les divers régimes de protection sociale.
L’intervention de l’État tend à réduire considérablement la liberté de choix des travailleurs et des retraités, en les inscrivant dans un système obligeant les premiers à céder une part non négligeable de leurs revenus aux seconds — en vertu d’une solidarité imposée — et sans aucune garantie d’obtenir un rendement équivalent à la somme qu’ils auraient pu acquérir dans d’autres conditions.

Retraites, ou l’Avenir en Servitude – Nuage des mots de l’article.
Secours Mutuel
L’homme n’a pas attendu l’émergence de l’État-providence pour se protéger contre l’avenir et ses incertitudes. À partir de la Révolution française, les agriculteurs, les fonctionnaires, les militaires et les mineurs furent les premiers à s’assurer des régimes de retraite basés sur l’accumulation de capital. Dans ses Harmonies économiques publiées en 1850, Frédéric Bastiat insiste sur la responsabilité inhérente au système des sociétés de secours mutuel, qui fleurirent en France dès la fin du XVIIIe siècle. L’émergence spontanée de ces associations volontaires montre à quel point l’homme peut se prémunir contre les affres de l’avenir sans recourir à l’intervention de l’État. Malheureusement, la crise financière, puis la guerre, vinrent balayer ces élans prometteurs.
En 1930 apparaît un régime mêlant capitalisation et répartition, géré par des mutuelles ou des caisses syndicales. Mais l’écroulement des marchés, consécutif à la crise, généra une méfiance générale à l’égard des méthodes capitalistes.
États-providences
Il n’y a donc rien de surprenant à ce que la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale constituent un terreau fertile à la naissance des États-providences. Ruinés par le conflit, la plupart des gouvernements des États occidentaux s’empressèrent de confisquer les fonds privés au prétexte de prémunir leurs populations décimées contre l’inflation, le chômage et la maladie. La retraite par répartition a vu le jour en cette période post-totalitaire. « Ni groupement ni individu en dehors de l’État » : la formule de Mussolini résume à elle seule les politiques collectivistes qui furent mises en œuvre à l’époque. Des politiques dictées par l’urgence et la ruine.
En France, c’est le gouvernement de Vichy qui instaura la retraite par répartition, basée sur la confiscation et la collectivisation de l’épargne individuelle, en vue d’une redistribution immédiate en direction de groupes-cibles. Intégré au système de sécurité sociale au sortir de la guerre, ce régime perdure, ce qui fait dire à l’économiste Philippe Simonnot que, de nos jours, « le cadavre de Pétain bouge encore ».
Spoliation organisée
Pour les libéraux, ce système s’apparente à une spoliation (le droit de propriété du travailleur est bafoué), organisée par une structure bureaucratique incapable de penser à long terme. L’horizon lointain de la retraite crée une incertitude sur laquelle aucune solution globale ne peut peser. C’est ce que s’est efforcé de démontrer, dès 1920, l’économiste Ludwig von Mises. Pour lui, le calcul économique en régime collectiviste est tout simplement impossible. En fixant l’âge légal à 65 ans, le chancelier Bismarck, père de la retraite par répartition à la fin du XIXe siècle, ne prenait d’ailleurs aucun risque : c’est approximativement à cet âge moyen que décédaient ses contemporains.
La gestion centralisée des retraites se heurte à plusieurs obstacles. Aucun gouvernement ne peut tenir compte des spécificités de chaque travailleur : son âge, sa résistance physique, ses aspirations personnelles à terminer plus tôt ou plus tard sa carrière professionnelle. Incapable de formuler une réponse individuelle à ces revendications légitimes, le gouvernement ne peut vendre que des promesses.

60 ans max ? Nous finirons sans retraite.
Corporatisme
C’est la raison pour laquelle seuls les groupes facilement identifiables (fonctionnaires, militaires, enseignants, etc.) sont capables de se voir octroyés des « droits acquis », comme la retraite anticipée ou les régimes spéciaux. Ces droits sont toujours obtenus au détriment des individus moins organisés, qui se voient contraints de les financer.
Les demandes incessantes des corporations ne sont pas les seuls facteurs mettant en péril ce système. En supprimant tout lien entre l’effort (la cotisation) et la récompense, la retraite par répartition incite ses acteurs à profiter des effets d’aubaine pour décrocher au plus vite, et pour des efforts minimaux, ses droits acquis. En outre, la stabilité budgétaire de l’ensemble doit sans cesse être maintenue par des ajustements conjoncturels dépendant de la croissance, du taux d’emploi, de la fiscalité, etc.
Cela n’empêche nullement ces régimes d’être en faillite, pour la bonne et simple raison que les caisses sont vides par définition. Partout dans le monde, les gouvernements ont laissé aux générations futures le soin de porter la dette contractée par leurs aînés. C’est ce fardeau qu’on affuble du nom de « solidarité ».
Collectivisation = Ruine
Or, les principes de l’économie sont implacables : comme la collectivisation des terres a conduit des millions de Soviétiques ou de Chinois à la famine, comme la collectivisation des moyens de production a ruiné les économies de nombreux pays, la collectivisation de l’épargne individuelle crée des générations de retraités de plus en plus pauvres. Près de quatre-vingts ans plus tard, rien n’a changé : l’avenir des travailleurs se dessine dans l’insécurité financière et la servitude.
Le caractère obligatoire, confiscatoire et paternaliste de ces systèmes étatiques de retraite heurte les défenseurs de la philosophie libérale. Pourquoi les gouvernements devraient-ils fixer pour chacun de nous un âge « idéal » de départ à la retraite ?
Au nom de quoi devraient-ils déposséder les travailleurs du fruit de leur travail ? Et, surtout, de quel droit se permettent-ils de nous priver du choix de préparer notre retraite comme nous l’entendons ?

Couverture de Libres !
Ludovic Delory, in Libres !, 2012