Être libéral
Être libéral, c’est vouloir que chacun soit propriétaire de son corps, du fruit de son travail, de ses idées et soit capable d’exercer le droit naturel de se défendre contre toutes les agressions, qu’elles soient physiques, morales ou intellectuelles.
Une femme ou un homme libre et responsable maîtrise sa vie et ses aléas, sait tenir une argumentation, un raisonnement, sait communiquer à l’oral et à l’écrit avec son environnement, lire et étudier des contrats.
Une femme ou un homme libre est autonome pour ne pas vivre aux dépens des autres et profiter au mieux de ces quelques dizaines d’années que le hasard ou la nécessité lui a accordé.
Pauvre enseignement
Aussi, nous sommes atterrés de voir la faiblesse du niveau apporté par le système éducatif aux jeunes, la régression dans la capacité à se situer dans le temps et dans l’espace, à tenir un raisonnement construit, et l’incapacité à se défendre contre n’importe quelle niaiserie sans pouvoir mobiliser un esprit critique.
Nous sommes effondrés de constater que les nouvelles générations, et ce sont des victimes, pour l’essentiel ne maîtrisent pas leur langue maternelle et ne peuvent se contenter que de bribes de connaissances en langues étrangères.
Pire encore, nous avons découvert que ce naufrage était l’œuvre de « pédagogistes » multipliant les références d’un jargon incompréhensible pour l’analyse grammaticale ou l’utilisation dans les directives pédagogiques d’une novlangue invraisemblable, comme par exemple le badminton, décrit comme « une activité duelle de débat médiée par un volant » ou le canoë-kayak défini comme « une activité de déplacement d’un support flottant sur un fluide ». [i]
De nombreux enseignants « éclairés » s’indignent du recul de la connaissance de la littérature et de la maîtrise de la langue française, du niveau déplorable en mathématiques le tout confirmé par des enquêtes internationales.
À qui la faute ? Inutile de chercher loin, le coupable est trouvé !
Voici deux illustrations : les textes présentés ici remontent à 2001, mais ils sont révélateurs du socle explicatif de cette déroute.
Le cas Orsenna
Le militant socialiste, écrivain, académicien français et conseiller d’État Eric Orsenna a publié un charmant petit livre : « La grammaire est une chanson douce »[ii]. Sous la forme d’une sorte de voyage initiatique, très agréable à lire, c’est un excellent écrivain, il entreprend une défense et illustration de la langue française et déplore son recul. Il s’attaque avec justesse, sans les nommer, aux pédagogues qui ont révolutionné l’apprentissage du français, en utilisant un jargon épouvantable qui a pour effet de le compliquer et de dérouter nombre d’instituteurs.
Au cours de ses aventures, la petite fille du conte se fait enlever et se retrouve dans une île dirigée par un certain Nécrole, dont le nom évoque la mort de la littérature. Il nous est présenté dans un chapitre précédent. « Gouverneur de l’archipel » « il ne supporte pas la passion pour les mots ». Pour lui, « ce ne sont que des outils. Ni plus ni moins. » Il n’hésite pas à envoyer « des hélicoptères équipés de lance-flamme » pour brûler des bibliothèques.
Mais qui dans l’histoire, peut avoir eu l’idée de brûler des livres ? Autodafé, 1933, la référence n’est-elle pas claire ?
Ses partisans, ce sont « les hommes d’affaire, les banquiers, les économistes. La diversité des mots les gène dans leur trafic [iii] : ils détestent devoir payer des traducteurs. Et c’est vrai que si la vie se résume aux affaires, à l’argent, acheter, vendre, les mots rares ne sont pas très nécessaires. »
On ne s’attend pas à ce moment-là au coup de grâce que l’on découvre lors de l’enlèvement de la petite fille : c’est Nécrole qui forme les « pédagos » qui détruisent la langue française. Le trotskiste Philippe Meirieu, le milieu fermé des pédagogistes de l’Éducation Nationale, sont au service du milieu des affaires ! Il fallait oser !
Avec un deuxième exemple nous allons montrer la « logique » des ennemis de la Liberté sur le sujet.
Le cas Sallenave
Dans l’idée de défendre la langue française et l’ensemble de la culture et de la connaissance, il s’est créé un collectif « Sauver les lettres » formé d’enseignants s’alarmant de la baisse du niveau et de l’exigence théorique par un long processus de « déligitimation des connaissances ».
Le collectif a publié un livre, « Sauver les lettres, des professeurs accusent » [iv] qui reprend en filigrane la même thématique que celle d’Orsenna.
Alors que le collectif lui-même (page 43) fait commencer la dérive avec l’arrivée de François Mitterrand et la prise du pouvoir des « pédagogistes » par la création des chaires de « sciences de l’éducation » à l’Université et surtout la création en 1989 des « Instituts Universitaires de Formation des Maîtres » qui a imposé l’idéologie dans tous les niveaux du ministère de l’ Éducation Nationale, il est important de montrer que ce serait un complot du milieu des affaires et de la droite libérale.
Chacun sait pourtant que les syndicats marxistes cogèrent ce monstre, des nominations aux avancements en passant par les éventuelles sanctions des enseignants ; qu’ils règnent sans partage sur les méthodes et les programmes. Mais les enseignants qui se rebellent ne peuvent accepter de passer pour réactionnaires ou conservateurs. Il est donc essentiel pour eux de désigner un bouc émissaire pour assurer la fonction de paratonnerre et de détournement d’attention : le milieu des affaires et « l’Ultralibéralisme ».
Dialogue de sourds
Le livre est constitué d’un dialogue entre un « docteur en philosophie », Philippe Petit, journaliste au Journal Marianne et producteur d’une émission sur France Culture qui s’est fait une spécialité de la publication de livres d’entretien [v] et le collectif « Sauvons les Lettres ».
- Philippe Petit : « L’idéologie des pédagogistes est donc anti-intellectuelle : supprimons les exigences demandées aux élèves, actionnons la spirale du « toujours moins » parce qu’à l’école, il y a trop d’école, plaçons l’élève au centre. Sous-entendez-vous qu’elle fait le jeu de la droite ultralibérale ? »
- Réponse du collectif : « En effet la société marchande n’éprouve pas le besoin d’éduquer finement tous les élèves puisqu’il suffit pour fonctionner d’un faible pourcentage, extrêmement bien préparé… Pour cela on a besoin des théories des pédagogistes et de la gauche émotionnelle. »
Plus loin, le journaliste revient à la charge.
- Philippe Petit : « La plupart des pédagogistes sont-ils des gens de gauche ? »
- Réponse du collectif : « Oui. Mais ils plaisent beaucoup à la droite libérale qui sait aussi les utiliser, comme elle a su très bien reprendre certains mots d’ordre libertaires. Au nom d’un égalitarisme suspect – non pas l’égalité des chances mais celle des individus – on mutile en masse en déconsidérant le savoir. »
Éclate ainsi de leur part l’aveu une méconnaissance totale du libéralisme. Mais leur objet n’est pas dans la réalité, en bon Don Quichotte, ils font « sus au moulin à vent », géant fantasmé du libéralisme [vi] : l’essentiel est de frapper fort pour s’innocenter de mauvaises pensées.
Le plus terrifiant est le mot de la fin rédigé en postface par l’écrivain.vaine, Danielle Sallenave que je vous livre sans commentaires.
« Mais le nouvel ordre mondial, autrement dit le bon vieux capitalisme, n’a pas besoin d’adultes ; seulement d’enfants, soumis et fornicateurs, comme les jeunes prisonniers du Loft. »
Ni le milieu des affaires, ni les intellectuels libéraux ne participent aux travaux des pédagogues, objectifs, programmes ou méthodes. Mais c’est une affaire entendue : ils sont coupables.
« Si ce n’est toi, c’est donc ton frère » dit le loup à l’agneau.
Voilà une belle illustration haineuse du « bouc émissaire » !
Maverick
[ii] Éric Orsenna, La grammaire est une chanson douce, Éditions Stock, septembre 2001
[iii] Le mot « trafic » évoque aujourd’hui quelque chose de malsain, qu’on ne retrouve pas dans « commerce ».
[iv] « Sauver lettres, des professeurs, accusent », Les éditions Textuel, septembre 2001. (curieuse concordance de date de publication… le 9 peut-être ?)
[v] Alors que son livre est bien réel puisque je l’ai entre les mains, il n’est pas mentionné dans sa page Wikipédia.
[vi] Voir mon article : Ravages du Don Quichottisme.