Sauver ce qui l’est déjà
Au 1er juillet, sauf révolution peu probable, la vitesse sur les axes secondaires à double sens passera de 90 km/h à 80 km/h, pour un réseau routier concerné de 400.000 km. L’argument étatique « imparable » pour cette généralisation d’un test aux résultats qui n’ont rien démontré, vise à une réduction de 300 à 400 du nombre de morts.
Sauver des vies est évidemment fondamental et le gouvernement agit pour le plus grand bien de tous, c’est bien connu. Dans ce cas, pourquoi diable un autre gouvernement n’a-t-il pas pris une telle mesure, et ce depuis les années 60 ?
Ce sont tous des criminels qu’il faut juger au plus vite mais il semble que dans ce domaine Oscar Wilde donne la réponse : « La fatalité veut que l’on prenne toujours les bonnes résolutions trop tard ». Mais est-ce là une résolution qui verra le nombre de morts baisser ? Comme toute décision prise à la hâte avec d’autres objectifs, il y a fort à parier que cette réduction soit hypothétique et que de tels résultats n’arriveront en réalité qu’avec l’évolution des technologies, une fois de plus.
Limite radar dare…
Car en même temps qu’il est annoncé la volonté de réduire de 3 à 4 centaines de morts, il est évoqué que le nombre de flashes avec les nouvelles technologies embarquées à bord de véhicules banalisés doit passer de 2 à 12 millions.
Associé au fait que les amendes ont été doublées de 45 à 90 euros pour les petits excès de vitesse ou que les entreprises ont été contraintes de dénoncer les chauffeurs, nos énarques y voit une belle opportunité de faire rentrer de l’argent dans les caisses exsangues d’un état en voie de décomposition et qui ne sait toujours pas comment réduire ses dépenses. L’utilisation de la technique des vases communicants entre le contribuable pressurisé et l’automobiliste s’avère une astuce de plus en plus périlleuse qui va encore grossir les rangs des abstentionnistes lors des futures élections. Et ce ne sont pas les quelques vies humaines prétendument sauvées qui y changeront grand chose.
Les objectifs
Étudions par exemple les réalités des statistiques provenant de la sécurité routière sur la France métropolitaine. Tout d’abord, en 2017, le nombre de morts sur l’ensemble du réseau routier s’établit à 3.456 personnes (!), soit un état stable par rapport à 2016 qui en comptait hélas 21 de plus. Un peu moins de morts, mais un peu plus d’accidents et de blessés. Nous restons dans des statistiques des années précédentes. En 2013, le nombre de tués était descendu à 3.250. Si objectif du gouvernement il y a réellement, il est donc de passer sous la barre des 3.000 morts en France métropolitaine pendant 2 ans. Devons-nous ouvrir ironiquement des paris ?
Regardons encore plus dans le détail à partir des statistiques de 2014 (pour ne pas être taxé de partial, prenons la source ONISR). Tout d’abord la sécurité routière prend beaucoup de précaution sur les facteurs de cause : « On ne peut pas établir de hiérarchie entre tous ces facteurs d’accident. Parce qu’un accident peut comporter plusieurs facteurs et parce que les procédures d’évaluation ne sont pas identiques pour chacun. »
Les faits
Le premier aveu est déjà de dire que finalement un accident ne survient pas du fait d’un seul facteur de risque.
La vitesse excessive serait impliquée dans 26% des cas. La répartition des tués s’effectue ainsi :
- Piétons : 499
- Cyclistes : 159
- Cyclos : 165
- Motards : 625
- Automobilistes : 1.663
- Poids lourds : 56
- Transport en commun : 9
- Utilitaires légers : 143
Pour un total officiel en 2014, de 3.364 tués (écart de 45 si nous faisons la somme de cette répartition, mystère des statistiques pour des inclassables ?).
Et oui, nous sommes sur des statistiques, à savoir que chaque année, il y a des fluctuations autour de valeurs, elles-mêmes variables, tenant compte de l’évolution de la sensibilité éducative de la population à la conduite sûre, de la vétusté et de l’état du parc automobile ou du réseau routier.
On peut par exemple, constater que dans les DOM-TOM, les statistiques de mortalité sont bien plus élevées qu’en Métropole, et ces trois facteurs ne sont sûrement pas étrangers à la différence de niveau d’éducation de la population. Mais existe-t-il réellement un traitement a posteriori sur ces statistiques ? Evidemment non, puisque les politiciens ou les médias s’emparent de la valeur brute annuelle sans autre considération que de dire que le nombre de morts augmentent ou diminuent.
La technologie
Tomberons-nous sous la barre des 3.000 morts ? Ne doutons pas que les médias ou le gouvernement sauront trouver des réponses que le bilan soit favorable ou pas. Indiquons cependant qu’il y aura une baisse, non pas liée au 80 km/h, mais au fait que les technologies d’assistance à la conduite et à éviter de prendre des prunes vont progresser pour limiter leurs effets négatifs sur le porte monnaie de chaque automobiliste.
Le coût d’une application mobile valant moins chers que le moindre PV, celui qui prend la route prendra les mesures pour s’en doter dès que le poids des PV par inattention deviendra trop lourd. Gageons que les constructeurs vont également ne pas vouloir en rester là. Nous verrons de plus en plus d’informatique connectée présente dans nos automobiles et des partenariats se nouer entre les constructeurs et les GAFA, pour le plus grand bien de la bourse des individus au détriment de l’appétit trop vorace des politiciens.
Ainsi les plus anciens qui ont vécu l’obligation de mettre la ceinture, l’habitude de la mettre n’a pas été immédiate. Chacun pouvait se faire sanctionner par simple oubli. Les constructeurs les plus innovants avaient précédé les contraintes, mais au fur et à mesure, les véhicules ont été dotés d’informations visuelles et sonores qui empêchaient l’oubli du port de la ceinture.
Aujourd’hui, le PV pour « non port de la ceinture » est exceptionnel. Le même modèle de situation va migrer vers la limite de vitesse. Il est vraisemblable que les limiteurs de vitesse vont devenir plus intelligents, et si nous n’en sommes pas encore à la Google-car pour tout le monde, chacun pourra dans un futur proche ne plus être surpris par un dépassement de vitesse abusivement placé, même si déjà des applications nous fournissent des informations visuelles et sonores.
Adieu veaux, vaches, cochons, couvées, les gouvernants devront se serrer la ceinture au lieu de se comporter en bandits de grands chemins. À ce petit jeu-là, les voleurs ne sont jamais les gagnants.
Vache à lait
Il ne fait pas de doute que l’automobiliste est bien la vache à lait économique de chaque gouvernement, la sécurité étant le prétexte un peu simpliste pour celui qui se penche sur la question.
Il faut ainsi noter que 77% des tués en voiture le sont en rase campagne, que sur les accidents d’automobilistes, 1 tué sur 2 l’est dans un accident sans tiers (c’est-à-dire sans aucun autre véhicule, ni piéton) et 1 sur 4 est mortellement touché dans une collision frontale.
Que ce soit à 90 ou 80 km/h, est-ce que cela épargnera des vies dans ce type d’accidents ? Et dans les autres cas ? Car si l’énergie transmise à un être humain lors d’un choc est proportionnelle au carré de la vitesse, la réduction à 80 km/h avec des piétons, cyclistes, cyclos, motos n’entraînera pas grande modification des résultats d’un accident sur les tissus humains par rapport à un impact à 90 km/h.
La technologie, mieux que l’état.
Aussi, préférons faire confiance à l’évolution des technologies pour préserver des vies humaines, plutôt que de faire confiance à des mesures gouvernementales qui ne font que suivre l’émotion du moment ou le besoin de remplir les caisses de l’état.
Le mode de déplacement individuel restera une priorité de chacun, peu importe les contraintes. Le progrès s’accommode des contraintes pour les faire disparaître. La révolution est en marche, mais pas celle que l’on croit, ni par ceux qui ont le pouvoir. Là encore, la liberté est le chemin qui contredira toutes les feuilles de budgets de l’énarchie.
Rouler à 200 ou 300 km/h pour monsieur tout le monde est peut-être une utopie au sein de l’état français d’aujourd’hui… mais demain sera un autre jour.
Bellegarrigue