Pandémie d’État

Nous devons réduire le pouvoir de l’État au strict minimum, sinon la prochaine menace pour notre sécurité entraînera une perte encore plus grande des libertés individuelles. Nous aurions dû apprendre cette leçon après la Première et la Seconde guerre mondiale, mais nous ne l’avons pas fait. L’État a provoqué ces guerres et s’est développé encore plus grâce à elles.

Dans la vie, il nous faut constamment faire des compromis entre la vie, la liberté et la propriété.

Lorsque on pend sa voiture pour aller faire un tour, on échange vie contre liberté : marcher est plus sûr que conduire. Lorsque on prend sa voiture pour aller travailler, on échange vie contre liberté et propriété. Dès que l’on sort du lit, on fait ces compromis, et on le fait si souvent que, la plupart du temps, on ne se rend même pas compte que l’on les fait. En effet, la vie entière est une série de compromis continus. Cependant, pour cette pandémie, les politiciens ont décidé qu’ils connaissaient le meilleur compromis pour tout le monde et que, tels des moutons, il nous faudrait accepter aveuglément ces édits étatiques. Ils ont même essayé « d’infantiliser » leurs populations (par exemple, une large part de la propagande du COVID utilisait des dessins animés enfantins) pour étouffer toute dissidence.

La justification générale de ces dictats étatiques est que les décisions individuelles sur la vie, la liberté et la propriété ne tiendraient pas compte des effets externes sur la vie, la liberté et la propriété des autres. Ne pas porter de masque peut propager la maladie, affectant ainsi la vie et la liberté d’autrui. On dit que les individus sont imparfaits et égoïstes.

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La Chine masquée, symbole d’une pandémie démocratique.

Imparfaits et égoïstes

Pourtant, l’État est lui-même une association d’individus, cela ne le rend-il pas également imparfait et égoïste ? Ou bien avons-nous [par chance] des dirigeants qui seraient des individus irréprochables et altruistes ? Comment [alors] s’assurer que de tels individus sont au pouvoir au bon moment ? Par ailleurs, une stratégie unique peut-elle être optimale pour tout le monde et comment déterminer cette optimalité sans stratégies de comparaison ? (Voir ici et ici.)

Selon l’argument de John Stuart Mill dans On Liberty (1859, chapitre III) :

« L’esprit d’amélioration n’est pas toujours un esprit de liberté, car il peut viser à imposer des améliorations à un peuple non consentant… mais la seule source infaillible et permanente d’amélioration est la liberté, puisque par elle il y a autant de centres d’amélioration indépendants possibles qu’il y a d’individus. »

Mill soutient que les individus font des compromis différents et poursuivent des voies différentes vers des stratégies individuelles. Ce processus d’essai et d’erreur basé sur une information imparfaite aboutira finalement [par conjonction] à une stratégie globale ou à des stratégies adoptées volontairement par d’autres. Il s’agit d’un processus semblable à celui du marché (actions volontaires mutuellement bénéfiques) et il sera plus bénéfique, donc, plus populaire et accepté que la stratégie unique actuellement appliquée par pratiquement tous les États.

Trop d’ski

La France a fermé toutes ses stations de ski pendant l’hiver 2020-21, violant les droits de propriété des propriétaires. La Suisse était ouverte au ski, mais avec des restrictions supplémentaires en matière de liberté et de propriété. Quelle stratégie était la meilleure ? Avant de répondre, pourquoi sommes-nous obligés de choisir entre deux stratégies au lieu de plusieurs ? Les propriétaires de stations individuelles auraient pu prendre ces décisions et d’autres concernant l’utilisation de leur propriété.

Où est l’indignation face à ces restrictions des libertés fondamentales ? Possédez-vous un bien si vous ne pouvez pas en disposer comme vous le souhaitez ? Bien sûr, laisser chacun trouver une stratégie est jugé chaotique, et nos dirigeants étatiques bienveillants ne peuvent concevoir de permettre une telle solution. Pourtant, tout comme un processus de marché concurrentiel correspond à l’efficacité de Pareto, ce semblant de chaos aurait conduit à un résultat social mieux accepté.

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L’ère où il convient d’idolâtrer jusqu’aux médias.

Démocratie

Cette pandémie nous a enseigné une multitude de leçons sur la liberté et la démocratie.

Premièrement, la démocratie n’est pas une garantie de liberté ni de protection contre le despotisme. L’avantage de la démocratie est qu’elle est plus susceptible d’assurer la paix puisque elle opère un transfert pacifique du pouvoir d’une majorité à une autre. Cependant, la démocratie peut être aussi despotique que toute autre forme de gouvernement. Les gens oublient qu’Hitler fut élu démocratiquement et que de nombreux Allemands eurent connaissance de l’holocauste [1] pendant la guerre.

La démocratie doit avoir un règlement pour protéger les minorités de la majorité. Aux États-Unis, c’est soi-disant la Constitution. Mais ces règles doivent être explicites et contraignantes. Aujourd’hui, personne ne sourcille à l’idée de taxer les milliardaires pour financer les programmes sociaux. Or ces milliardaires sont une infime minorité (700 dans ce cas), mais disposent néanmoins des libertés fondamentales de vie, de liberté et de propriété. Voter pour limiter les libertés des autres ou des minorités est une entreprise risquée, car la chance peut tourner, comme l’ont découvert de nombreux Juifs avant même la Seconde Guerre mondiale.

Deuxièmement, la police peut rapidement devenir un instrument de despotisme. Aujourd’hui, en France, la police arrête quand on traverse une rue dans un marché ouvert parce que l’on ne porte pas de masque. Pour entrer dans de nombreux commerces, on doit être vacciné. Pourtant, l’un des piliers fondamentaux de la liberté, développé par John Locke et d’autres, est un droit naturel immuable sur son propre corps.

Troisièmement, on peut identifier les hommes politiques, du sénateur au sombre suppléant, qui respectent et valorisent les libertés individuelles, et ceux qui considèrent les libertés individuelles comme un obstacle à leur vision du bien et du mal.

Cesser d’idolâtrer

De nombreuses personnes, même celles qui ne se classent pas parmi les libéraux, comprennent que des libertés fondamentales ont été perdues au cours de ces deux dernières années. Une façon de ramener le pendule en arrière est d’avoir un débat sérieux et de rédiger une législation pour limiter la portée des actions du pouvoir. Comme Bastiat l’a clairement indiqué (ici) dans son ouvrage fondamental, le rôle unique ou exclusif de l’État [s’il doit en avoir un] est la défense de la vie, de la liberté et de la propriété d’un individu, et rien d’autre.

Il nous faut cesser d’idolâtrer les pilleurs et exiger que la fonction de l’État soit utilisée pour protéger, et non pour piller, la vie, la liberté et la propriété.

 

Franck Hollenbeck

Article initialement paru au Mises Institute.

[1] Toute politique étatique s’étalant sur plusieurs années est susceptible d’être favorisée par une majorité silencieuse de citoyens.