To Risk Or Not To Risk

Au sein de la société, les individus se catégorisent en rapport à leurs opinions politiques. Cependant il est évident que même les militants, voire les dirigeants d’une même mouvance politique, ne s’accordent jamais pleinement sur tous les sujets sociaux pris de manière séparée. La nature humaine est autre chose que le classement d’objets selon des critères définis « scientifiquement ». Alors quand nous poussons l’exercice à l’ensemble des individus, nous sommes en face d’un échiquier politique qui verrait son nombre de cases s’accroître toujours au maximum du nombre de combinaisons possibles. Nous sommes donc très loin d’une dichotomie qui verrait la séparation des individus en 2 camps résumés par exemple à « oui » ou « non », ou “bon” ou “mauvais”. Et pourtant, l’imaginaire collectif actuel veut qu’il en soit ainsi. Ou du moins veut-on le faire croire.

Dans les sujets de sociétés, au cœur des relations interpersonnelles, nous trouvons les échanges économiques et non économiques. Sur ces derniers, les relations sont a priori « saines » et fondées sur le volontariat. Si une personne n’est pas satisfaite de la situation, elle ne perd rien et ne gagne rien économiquement. Elle se trouve libre de rompre la relation sans avoir à se sentir lésée ou redevable. Dans les relations qui mettent en œuvre des échanges économiques, le gain ou la perte vont fonder la notion du risque : l’individu se trouve placé devant le choix de prendre le risque ou de ne pas le prendre.

risquer

Vivre, c’est risqué et risquer.

Risquer pour Vivre

Les organisations contemporaines ont beaucoup de mal avec cette approche du risque. Elles se croient suffisamment développées pour le négliger, voire le nier. Pour preuve, les dirigeants français ont inséré dans les textes constitutionnels de la République le « principe de précaution », avouant leur aversion à la notion de risque, ainsi que leur manque de courage politique en cédant à la facilité démagogique, pour gagner les élections et amadouer l’électeur. Or le risque est dans la nature des choses : la vie est un risque permanent où 100% des êtres vivants sont malheureusement mortels. (Ou heureusement car sinon pourquoi agir et donc pourquoi vivre ?) L’économie étant un champ du domaine de l’action humaine, elle repose obligatoirement sur le risque. Le nier par la législation ne le fait pas disparaître. Et l’introduction de ce « principe de précaution » dans la vie quotidienne des individus, c’est tout simplement refuser le droit à la vie à ces individus. Et c’est, pour apporter du grain à moudre aux marxistes, poursuivre dans l’exploitation de l’homme par l’homme. Nous allons voir pourquoi.

Il est dans la nature des choses que toute personne cherche à limiter le risque qu’il est amené à prendre. Le risque se calcule en fonction de l’individu qui va être amené à dépenser de l’énergie et du gain et de la perte qui sont potentiellement attendus. Limiter le risque, c’est limiter l’énergie dépensée. Ainsi dans l’organisation interne des atomes qui composent le corps humain, il est dans la nature des choses, en cas de réaction moléculaire, que les électrons prennent la configuration dans leurs couches et sous-couches leur permettant de minimiser leur énergie. À leur instar, l’humain minimise ses efforts dans ses actions interpersonnelles afin de maximiser ses gains et minimiser ses pertes. Si la physique-chimie permet d’appréhender les mécanismes des bilans énergétiques dans les réactions moléculaires, la comptabilité permet de traduire la compréhension économique des actions humaines : les recettes sont mises en face des dépenses, et au bilan nous obtenons un bénéfice ou un déficit.

Taleb

N. Taleb, « Jouer sa peau » / « Skin in the Game ».

Jouer sa peau

Dans « Jouer sa peau », N.S. Taleb montre que si nous ne pouvons jamais convaincre quelqu’un qu’il a tort de refuser le risque, la réalité le peut. Quand chacun joue sa peau, il est alors possible de se placer à une véritable égalité face aux risques, comme tous les atomes d’oxygène sont placés à égalité face aux réactions moléculaires. Ainsi les erreurs que chacun peut commettre sont formatrices : l’erreur doit être acceptée, comme le risque. Elle est à considérer comme une conséquence et non une cause. C’est le risque et les erreurs qui sont à l’origine de la destruction créatrice. Le risque filtre ainsi la reproduction de l’erreur. Tout l’inverse du principe de précaution qui fragilise toujours plus ceux qui prennent des risques en protégeant ceux qui n’en prennent pas. Avec comme conséquence le dépérissement de ma société où l’échec est vécu comme une honte.

À ce stade, il est bon de rappeler, pour l’athée que je suis, les racines chrétiennes de la civilisation occidentale et de la France en particulier. En effet, sauf erreur de ma part, que la Bible ait pu commettre dans sa rédaction, des erreurs économiques : l’école d’économie autrichienne, par son approche subjective de l’économie, rejoint ainsi le raisonnement biblique qui valorise l’individu et sa liberté d’agir. Le sacrifice de Jésus (celui qui a donc risqué sa vie pour le groupe alors qu’il n’est pas coupable afin d’éviter que ne se perpétue les sacrifices humains inutiles) est le symbole du pardon de l’échec individuel pour permettre à tout individu placé dans une telle situation de rebondir. Contrairement à l’approche collectiviste des autres religions où l’individu doit d’abord se sacrifier pour sa communauté religieuse. Ainsi, le Hara-kiri est probablement le pire des actes de sacrifice individuel pour éviter la honte de l’échec.

Hara-kiri

Mise en scène de Hara-Kiri Seppuku.

Contrats Volontaires

Cette dichotomie humaine sur l’acceptation du risque ou le refus du risque se développe également comme un cancer avec métastases dans les états-providence, à l’instar des religions collectivistes. La laïcité est ainsi une autre forme de religion qui se veut englober les autres religions, l’État se voulant ses lois au-dessus des textes religieux… et quid de l’athéisme ? Or nous avons là un curieux mélange du spirituel avec le temporel. L’expérience montre que l’état n’a aucune capacité à se placer au-dessus du spirituel : là encore il existe un aveuglement à suivre strictement ses propres règles de séparation de l’état et des religions pour respecter la liberté individuelle : croire ou ne pas croire dans son espace privé sans aucun prosélytisme de quiconque dans les relations interpersonnelles. Dans les faits, l’état produit l’inverse de ce qu’il affiche : conflits au lieu de paix, injustice au lieu de justice, esclavagisme moral au lieu de liberté, soumission collective au lieu de la responsabilité individuelle.

Si l’état devait être respectable en ne voulant pas être soumis à différents risques tout en appliquant le principe d’égalité pour tous les citoyens, il aurait dû (et devrait) penser toutes ses fonctions en les séparant de l’économie. Ainsi l’issue est de s’en remettre aux contrats volontaires avec ses citoyens et les organisations de ses citoyens, à l’instar de la religion chrétienne qui s’en est remis aux dons volontaires. Ce sera la plus grande conquête des prochaines décennies : que la responsabilité individuelle soit reconnue comme indispensable dans les relations interpersonnelles d’une société évoluée et sortir de cette utopique providence collective qui refuse le risque par la spoliation fiscale. La raison et la passion sont dans la nature des choses au sein de tout individu : le chemin de la servitude (volontaire ou pas) doit être quitté pour emprunter celui de la liberté de choix. Ce chemin n’est pas une utopie, c’est celui que la civilisation humaine trouve petit à petit en se défaisant des mythes et des peurs qui ponctuent chaque époque.

 

Bellegarrigue