Saint-Valentin Comme Masque

Vendredi 12 février 2021, alors que la plupart des médias français s’intéressaient principalement à la manière dont les citoyens allaient fêter, de manière responsable et en respectant les gestes barrières, la St-Valentin qui approchait, l’État lançait une nouvelle offensive dans la guerre qu’il mène, de manière organisée et systématique, contre son peuple en restreignant une fois de plus les libertés. En effet, l’Assemblée nationale adoptait, par 78 voix contre 25,[1] l’article 21 de la loi dite « contre les séparatismes » visant à restreindre l’instruction en famille (IEF). Retour sur cette accélération de l’enrégimentement total de la population, selon le bon vieux principe : « tout dans l’État, rien contre l’État, rien en dehors de l’État » : [2]

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L’appropriation de la jeunesse par l’État

L’appropriation de la jeunesse par l’État

Depuis le XIXe siècle, les États modernes ont mis en place des politiques publiques d’enseignement scolaire, concurrençant l’instruction dispensée par les institutions privées (souvent religieuses), ainsi que l’éducation des vertus et savoirs fondamentaux à l’intérieur des familles. À bien y regarder, cette concurrence n’a pas vraiment eu lieu, certains États (dont hélas la France) n’ayant eu de cesse de lutter avec acharnement contre toute forme d’éducation autre que celle de l’État, dans le but d’obtenir une homogénéisation des populations par l’imposition d’une langue, d’une culture et de pratiques identiques. L’affaire a été joliment emballée : les défenseurs de l’école publique, gratuite et obligatoire ont expliqué leur projet en se réfugiant derrière les idéaux des Lumières, à savoir la possibilité de former des individus éclairés, débarrassés de tout préjugé, capables d’esprit critique, de la faculté de juger librement. Les esprit chagrins (dont l’auteur de ces lignes) y verront surtout le début de l’encasernement des populations subissant la propagande étatique, les poussant à accepter, une fois adultes, les formes les plus brutales de la coercition, notamment le service militaire et l’impôt… [3]

Dernier avatar de cette volonté monopolistique de l’État quant à l’éducation des jeunes générations : cet article 21 de la loi contre les séparatismes, qui restreint drastiquement la liberté éducative dont jouissaient (modérément) les parents. En effet, sous prétexte de lutter contre l’obscurantisme islamiste distillé dans des écoles semi-clandestines, le législateur a décidé d’imposer des conditions à l’IEF. Désormais, seuls les parents pouvant justifier soit d’un handicap, soit de l’état de santé, soit d’une pratique sportive ou musicale de haut niveau pour leurs enfants, pourront les instruire à la maison.

La guerre menée par l’État pour s’assurer le monopole sur la formation des jeunes esprits n’en est pas à sa première offensive : en 2016, le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti (pourtant classé à droite…) avait déjà rédigé une proposition de loi visant à soumettre la création d’écoles privées hors-contrat à l’autorisation préfectorale, officiellement là-encore pour lutter contre l’islamisme. [4]

Ainsi, on voit évoluer par à-coups le cadre législatif dans une direction de plus en plus contraignante pour quiconque souhaiterait soustraire ses enfants à la mainmise de l’état sur la jeunesse, pour des raisons diverses, au premier rang desquels le refus, légitime, d’une carte scolaire imposant la proximité avec des voisins non-choisis, ou encore l’aspiration, toute aussi légitime, à un enseignement d’une qualité, d’un rythme et d’un niveau que ne permettent pas des classes de 35 élèves, confiées à des enseignants sous-payés, sous-motivés (et souvent sous-capables), le tout dans des locaux dont l’architecture rappelle davantage l’univers carcéral que le premier lycée du nom à Athènes. [5]

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Quelle opposition pour défendre la liberté d’instruction ?

Quelle opposition pour défendre la liberté d’instruction ?

Il paraît que les oppositions parlementaires sont montées au créneau contre cet amendement scélérat. Le sympathique député centriste de la Marne Charles de Courson a même déclaré qu’il s’agissait là d’une « agression à l’égard des familles ». On ne peut qu’être d’accord avec lui. Mais dans ce cas, où étaient ce jour-là tous ces députés de droite et du centre, traditionnellement défenseurs des libertés et toujours prompts à saisir la trompette des « valeurs », de la « défense de la famille » et autres slogans destinés à prolonger leur rente d’élu en s’attirant les sympathies et le suffrage d’une frange restée saine, c’est-à-dire conservatrice de la population ? Pourquoi n’ont-ils pas honoré leur électorat en bataillant dans l’hémicycle ?

Le constat est triste pour qui pouvait encore croire en la classe politique, mais hélas l’évidence s’impose : ces êtres parasitaires ne servent à rien, ne font rien, ne défendent rien ; si ce n’est leurs intérêts propres et leurs rentes d’élus.

Faut-il espérer un quelconque mouvement du côté de la société civile ? Les plus anciens se souviendront sans doute des manifestations du printemps 1984, lorsque l’opposition à la sanie mitterrandienne, de Simone Veil à Le Pen en passant par Giscard, Barre et Chirac, était descendue dans la rue défendre « l’école libre » contre le projet de loi Savary, [6] emboitant le pas aux parents ordinaires et à leurs représentants. [7] Si à l’époque, la réactivité et la mobilisation des couches saines de la population avait pu défendre les libertés éducatives, qu’en est-il aujourd’hui ?

Force est de constater que la prétendue opposition actuelle se fait bien timide sur le sujet, voire demeure aux abonnés absents. Un seul média d’opposition s’est-il fait le porte-étendard du combat à mener ? Y a t-il une association, un syndicat de parents de l’école libre qui soit monté au front ? Silence radio.

Soyons honnêtes : l’omniprésence médiatique de la prétendue crise sanitaire a cette faculté d’occulter les manigances gouvernementales des socialistes au pouvoir. Il est difficile d’alerter des cons-citoyens davantage préoccupés par l’accès aux vaccins et aux créneaux de vaccination en régions. Les mesures sanitaires font en outre bien les choses : se réunir pour défendre les libertés est devenu quasi-impossible du fait des règlements, arrêtés et décrets multiples empêchant les réunions et manifestations publiques.

Partant de ce constat, qu’est-il possible de faire ?

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Quelles solutions contre la mainmise de l’État ?

Quelles solutions contre la mainmise de l’État sur nos enfants ?

La stratégie de résistance passive

Celle-ci consiste en deux temps :

  • Envoyer ses enfants dans une école contrôlée directement (école publique) ou indirectement (école privée sous contrat) par l’État ;
  • Reprendre avec eux systématiquement ce qui a été vu en journée, vérifier, corriger et délivrer un enseignement vrai, dont la qualité est contrôlable et contrôlée par soi-même, indépendant de toute propagande étatique.

Avantages : c’est sans doute la solution la moins risquée sur le plan pénal et la plus économique sur le plan matériel, puisqu’elle ne nécessite a priori pas de dépenses particulières en équipements mobiliers ou immobiliers, hormis peut-être quelques manuels d’enseignement.

Inconvénients : Cela prend évidemment du temps, exige des connaissances et des compétences pédagogiques et didactiques qui ne sont pas forcément naturelles à tout le monde. Cela place les enfants dans une situation inconfortable, en les obligeant à faire preuve de dualité, à un âge où se construit, s’affirme leur personne et leur façon de penser, et où pratiquer le double-discours et avancer masqué sont une prouesse difficile.

La stratégie d’évitement : « l’asile » éducatif

Cette solution consiste quant à elle à scolariser ses enfants dans des pays où l’instruction reste libre, dans une école librement choisie par les parents. Cette solution n’a, au demeurant, rien d’original : sans forcément impliquer l’expatriation des parents, elle permet de choisir un enseignement adapté aux besoins de l’enfant et potentiellement, de l’ouvrir à d’autres modes de pensée que ceux en vigueur dans l’hexagone.

Avantage : Cette solution permet d’éviter de confier ses enfants à l’Éducation Nationale et, contrairement au choix de l’école hors-contrat, ne subit la présence d’une épée de Damoclès que le législateur peut choisir de faire s’abattre quand bon lui semblera, en déclarant ces écoles hors-contrat illégales au prétexte d’un quelconque menace séparatiste.

Inconvénient : Outre la séparation des enfants vis-à-vis de leur famille (qui peut être plus ou moins bien vécue), il y a évidemment l’aspect financier qui peut être un frein pour les plus modestes…

La dissidence active : désobéissance civile et clandestinité

Sans doute la plus risquée, mais aussi la plus noble car la plus conforme aux principes de la liberté, cette stratégie nécessite deux étapes :

  • Obtenir d’un médecin de famille et partisan des libertés un certificat médical de complaisance ;
  • Organiser des écoles clandestines, soit à l’intérieur d’un foyer où les parents se chargent, dans le cadre de l’IEF, d’enseigner librement à leurs enfants, soit par la réunion de plusieurs familles visant à la constitution d’une école véritablement libre, où les parents pourront jouer le rôle d’enseignants ou choisir de faire appel à des personnes tierces de confiance, davantage rompues aux pratiques pédagogiques (prêtres, enseignants en rupture avec l’Éducation nationale ou enseignants hors contrat,…).

Bien-sûr, cette stratégie nécessite un réseau localisé, entre gens de confiance et suffisamment discrets pour passer sous les radars de l’État : exit donc les extrémistes et grandes gueules de tout poil. Ce choix, parce qu’il est sans doute le plus conforme au principe de la liberté, sera le plus attaqué par l’État, qui refusera , à la manière de l’ogre, qu’on lui soustraie les corps et les esprits des individus mineurs à éduquer. L’assistance de juristes qualifiés et la constitution d’un trésor de guerre sera à prévoir en cas de poursuites de la part de l’État…

Conclusion

S’il est difficile voire impossible de définir quelle solution adopter, celle-ci relevant du choix et des moyens de chacun, il n’en reste pas moins que les attaques systématiques de l’État contre la liberté éducative, qu’elle se manifeste dans le cadre d’écoles hors contrat ou à la maison, amènent désormais à réagir contre cette poussée coercitive.

Parce qu’il en va de notre liberté et de celle de nos enfants, il devient nécessaire d’informer, en usant de tous les relais possibles, les parents contre cette agression caractérisée. Plus que jamais, appelons à la séparation des écoles et de l’État !

 

Thierry Martin

[1] Soit un total de 103 députés votants sur 577 élus , c.à.d. environ 17,8 % . Que l’on se rassure : les 474 absents ne seront pas pénalisés outre-mesure ; ils ont même fait passer il y peu une augmentation de leur enveloppe parlementaire.

[2] Benito Mussolini, « Discours à la Chambre des Députés du 26 mai 1927 ».

[3] À ce sujet, on relira avec profit le court mais dense ouvrage de Murray Rothbard, L’Education gratuite et obligatoire, (2016, Institut Coppet, 1999, Mises Institute).

[4] La loi, heureusement, n’a pas été votée. Pour l’instant du moins

[5] Soit l’école dite « péripatéticienne », où Aristote professait son enseignement à ses disciples, dans un espace ouvert et arboré.

[6] Conformément à l’une des 110 propositions du candidat Mitterrand pour 1981, le projet de loi du Ministre de l’Éducation Nationale d’alors, Alain Savary, visait à intégrer et digérer les écoles privées au sein d’un grand service public de l’Éducation. Au plus fort de la mobilisation, le Mouvement de l’École Libre a fait descendre jusqu’à deux millions de personnes dans les rues de Paris en juin 1984. Ce mouvement aboutit au retrait du projet de loi, à la démission de Savary puis du gouvernement Mauroy tout entier au mois de juillet 1984.

[7] cf Jean-Paul Visse, La question scolaire, 1975-1984 : évolution et permanence, 1998, Presses Universitaires du Septentrion. Dans la chronologie dressée en annexe, Visse rappelle que ce sont l’UNAPEL et une partie du clergé catholique, poussés par leurs bases, qui ont lancé le mouvement de résistance au projet gouvernemental.