Une question d’approximation lexicale

Dans la foulée du mouvement des gilets jaunes et aux violences policières qui répondaient à celles des premiers, de nombreux commentateurs (politiques, syndicalistes policiers, journalistes…) utilisent à tout bout de champ le mot « légitime » sans que personne ne s’offusque de cette association de « légitime » avec violence. Tentons donc ici d’y voir plus clair dans le bon emploi des mots.

La première difficulté à laquelle nous sommes confrontés est que de nombreuses définitions sorties des dictionnaires font la confusion entre « légitimité » et « légalité ». Dans la langue française, deux mots différents ont toujours deux significations différentes. Il nous faut donc les appréhender. Et c’est a priori sur le plan juridique que nous devons trouver les nuances puisque leur préfixe « lex » se réfère à la loi. Cependant, là encore, si nous nous en tenons à des définitions basiques, ces deux mots sont associés au « droit positif », c’est-à-dire aux lois écrites par les hommes, ce qui concourt à renforcer l’erreur d’interprétation juridique.

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Un boxeur vient faire le gilet jaune…

Droit et droit

Le droit positif est l’assemblage des lois écrites par les législateurs. Le droit positif est donc très lié au régime politique. Ce qui est légal dans un pays, ne l’est pas dans un autre, et inversement. Ce qui légal un jour, ne l’était pas hier et ne le sera plus un autre. La légalité repose sur l’arbitraire des gouvernants qui utilise le droit positif pour faire admettre par la force, ce que les individus n’acceptent pas par adhésion ou conviction.

S’il est défini, le « droit positif », qui a besoin, par définition, d’être écrit pour être… légal, c’est qu’il existe un droit négatif, qui n’a pas besoin d’être écrit pour être… légitime. Ce droit est encore intitulé « droit naturel », car ses lois sont issues de la nature des choses.

Dans le droit positif, la légalité permet au gouvernant de disposer et de sanctionner le citoyen récalcitrant selon des règles écrites. Le droit positif, qu’il soit politique ou religieux (le droit divin qui est aussi un droit positif, écrit par l’homme), vont tous dans ce sens : permettre à l’autorité d’affirmer son pouvoir. Nous trouvons surement des règles de bon sens qui découlent de la nature des choses dans tout droit positif, mais ce dernier repose plutôt sur la morale ambiante des hommes qui disposent du pouvoir quel qu’en soit sa forme. Chaque droit positif tente ainsi de modeler un citoyen ou un fidèle : celui qui s’écarte du droit chemin édicté, n’échappe pas à la punition. Et l’autorité se dote alors des moyens de coercition pour faire appliquer les lois établies.

Dans le droit négatif, l’homme qui bafoue une loi qui n’a pas besoin d’être écrite pour s’appliquer, se verra sanctionné par expérience, peu importe la manière. La légitimité est fondée sur le respect de la nature des choses, au risque de subir un malheur en cas de viol. Le principe de base du droit naturel se fonde sur le principe de non-agression. La morale repose sur une réalité réciproque de ne pas faire à autrui, ce que l’on ne veut pas qu’autrui nous fasse. À ce stade, intégrons le fait que la légitimité de la nature des choses précède toute forme de légalité.

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La loi enfle, le droit reste…

La nature des choses est intransigeante avec l’homme

Pour comprendre ce que sont les lois de la nature des choses, prenons un premier exemple des plus basiques : la gravité. Ce n’est pas parce que l’homme ignorait la « loi sur la gravité » qu’il n’y était pas soumis depuis la nuit des temps et ce n’est pas parce qu’il l’a découverte et mise en équation, qu’il peut la bafouer sans conséquence, même si des niais peuvent s’y essayer. Ainsi pas besoin d’être écrite par l’homme pour que ce dernier soit ainsi obligé d’en tenir compte pour s’éviter des problèmes. Nous pourrions écrire ou ne pas écrire dans le droit positif qu’il est interdit de se jeter d’une falaise, cela ne change rien à l’affaire : tout homme doit connaître les conséquences du fait de bafouer cette loi, pour lui-même et pour les autres.

D’autres lois de la nature des choses, notamment dans les relations sociales entre les hommes, sont plus complexes et difficilement accessibles sans une formation approfondie. Pour que le Droit Naturel soit reconnu des membres d’une société, il est une condition sine qua non : que chacun d’eux soient hautement éduqués. Une éducation au Droit Naturel assurerait à chacun la justice, du fait qu’il s’applique à tous de manière égale en tout lieu et en toute époque, et contrairement à ce que les gouvernements monopolistiques véhiculent, permet la forme la plus évoluée dans la coopération humaine.

Dans l’éventualité d’une application du Droit Naturel, le contrat (exclusivement de nature privée) entre individus est la base du droit positif. Nous aurions tous (enfin tous les individus honnêtes) à y gagner à l’application du Droit Naturel en remplacement de l’actuel droit positif arbitraire et constructiviste. Mais autant dire qu’à notre époque, il serait utopique, même dans les pays dits développés, d’envisager une telle hypothèse. Jusqu’au moment où des opportunités de sécession s’ouvriront lorsque la situation européenne se dégradera définitivement.

Icare

La chute d’Icare, par Rubens.

Légitime, afin de mieux vous taxer…

Prenons un exemple où « légitime » est volontairement utilisée comme source de confusion : « l’enfant légitime ». L’enfant légitime était défini comme l’enfant d’un couple marié pour le distinguer de l’enfant naturel d’un couple non marié (généralement celui qui était issu d’un adultère) ! Tout simplement parce que l’état encadrait le couple marié et contrôlait ainsi la transmission du patrimoine par la loi. Mais quel que soit l’enfant, légitime ou naturel, point besoin de l’état pour qu’il soit. Et pourtant l’état s’était permis d’utiliser le terme « légitime » surtout pour mieux contrôler les citoyens et son patrimoine.

Certes sur ce sujet, la loi a été modifiée depuis peu d’années, mais la mainmise de l’état dans les affaires privées va bien au-delà de la garantie des droits naturels de toute personne. Là encore, l’état n’a aucune légitimité à connaître en détail ce que les citoyens possèdent mais il s’octroie la légalité de le faire… pour des questions de fiscalité, prouvant une fois de plus que ses services violent le principe de non-agression.

justice

Justice aveugle, justice bâillonnée, n’est pas justice.

Et légitime pour mieux vous manipuler

Ainsi, pour revenir à notre introduction, reprenons l’exemple de cette fameuse « légitime violence ». Terme tellement aberrant : comment a-t-on pu permettre d’accepter d’accoler « légitime » à « violence » ? Comme s’il existait une rationalité à exercer la violence. La violence de l’état ne peut être que légale, c’est-à-dire que la violence qu’il est susceptible d’exercer, ne peut être qu’encadrer par la loi. En situant son action en dehors de la loi, l’état n’a plus de légalité. Personne ne peut détenir une légitimité à exercer la violence. Car en quel honneur, l’état, qui n’est qu’un concept arbitraire derrière lequel s’abritent des hommes pour abuser de leur pouvoir, pourrait avoir une légitimité à user et abuser de la violence envers d’autres hommes ? Pour se protéger du peuple ?

L’état, dit de droit… « positif », se doit de respecter la loi écrite par les hommes, ne peut se retrancher que derrière la légalité pour user de la violence. L’état, concept non naturel et arbitraire, n’a aucune légitimité à agir de manière violente : il est lui-même soumis au principe de non-agression… cependant, il ne faut pas s’illusionner : la légalité comme la légitimité peuvent être bafouées. Quelle est la différence ? Si la violence légale devient illégale (certains cas de figure de la police envers les gilets jaunes), elle se règle dans des tribunaux du droit positif avec toutes les incertitudes qui existent entre les faits et ce qui est écrit dans les lois.

Lorsque la violence légale est illégitime (prise de pouvoir par un dictateur en dehors des règles de droit par exemple), la violence du pouvoir entraîne la violence d’une ou plusieurs autres parties en réaction, jusqu’à un retour vers le principe de non-agression pour l’ensemble des parties. Pas besoin de lois écrites pour faire cesser ce qui n’est pas légitime : un jour ou l’autre, ce qui n’est pas légitime finit par tomber. La difficulté avec le droit positif, c’est que ce qui n’est pas légitime, à cause de l’abus de pouvoir du législateur et du constructivisme démocratique, s’ajuste avec le temps lorsque le citoyen finit par constater qu’il est victime du système. Le vol fiscal avec tout son cortège de subventions aux partis politiques, syndicats, associations, presse en sont quelques exemples qui évoluent et évolueront encore.

Qui sème le vent récolte la tempête, dit le dicton.

Pour en revenir à notre exemple sur la violence légale qui viendrait à s’exercer de manière illégitime, se défendre de l’abus de pouvoir est lui absolument légitime. Chacun prend alors les moyens qu’il estimera nécessaire pour s’opposer et ne plus avoir à subir cette violence pour en revenir au principe de non-agression. Dans le domaine de la « légitime défense », elle doit se regarder dans le cadre de son exercice au sens du droit américain. Le droit positif français s’érige en défenseur des coupables qui sont les victimes potentielles de la société. Chacun peut juger cela caricatural, mais si nous prenons les expériences d’intrusion dans des propriétés privées qui ont tourné au désavantage des criminels, c’est la victime qui s’est retrouvée en prison. Aussi c’est une inversion des valeurs de base du Droit Naturel qui totalement inadmissible et qui laisse la porte grande ouverte à la multiplication des agressions.

Ce qui est caricatural, c’est d’estimer que la situation américaine de légitime défense, c’est le Far West. La légitime défense de ses droits naturels a toujours été une règle qui permet de pacifier le monde. Mais si le cercle des nations tentent de construire des lois positives de paix, aucune loi écrite ne règle et ne réglera les abus du pouvoir… seule la légitime défense le permet. On peut d’ailleurs constater que tout état qui dérive vers la dictature (il en est ainsi des démocraties) désarme ces citoyens.. La grande imposture du droit positif est d’avoir aussi dévié de son cadre originel qui était la limitation du pouvoir et de l’abus de pouvoir afin de réduire la violence légale et illégale. La société s’est faite dépossédée de son action pour voir les systèmes politiques orienter le droit positif vers le constructivisme social… pour le plus grand malheur des hommes.

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Les principales figures de l’école autrichienne.

Et comme un grand nombre de ces derniers ignorent que les lois de l’économie reposent aussi sur le Droit Naturel, les politiciens se sont engouffrés progressivement dans la spoliation des propriétés privées. Évidemment, lorsque nous évoquons l’économie, nous ne parlons pas de la sauce économique déversée par les médias et leurs économistes de pacotille, mais de l’économie politique exposée initialement par les philosophes des Lumières, aujourd’hui exclusivement reprise par l’école autrichienne d’économie. L’économie politique étant largement bafouée par les politiciens de France et de Navarre, le retour de bâton se retrouvent systématiquement dans les crises, quelque soit la dénomination qu’elles peuvent prendre : monétaires, financières, sociales etc…

À la source des violences, nous pouvons noter le système étatique qui s’est emparé sous de nombreux prétextes fallacieux et par la force de nombreux sujets qui concernent la décision et la propriété individuelle :

  • Le contrôle de la monnaie par les états ou les banques centrales = agression de la décision individuelle et de la propriété privée,
  • La fiscalité = agression de la décision individuelle et de la propriété privée,
  • Les subventions = agression de la décision individuelle et de la propriété privée,
  • Le monopole public = agression de la décision individuelle et de la propriété privée, etc…

Ce sont certes des agressions morales au quotidien mais essayer une seule fois de refuser de payer les taxes et impôts réclamés par l’état en indiquant que vous n’avez pas signé légitimement un contrat avec lui, et vous verrez si vous ne serez pas physiquement agressé. Rousseau est passé par là. Mais prendre conscience que le fonctionnement de la société n’est pas conforme au Droit Naturel, c’est comme comprendre que le type qui veut voler depuis une falaise avec ses bras va s’écraser.

Si une urgence existe dans ce monde ce n’est sûrement pas pour le climat mais bel et bien en assurant la légitimité de l’individu à faire respecter sa propriété et son action individuelle. Ceci ne peut que s’accompagner de la suppression de toute légalité des politiciens à l’interventionnisme économique. Si vous comprenez cette conclusion, c’est que vous avez saisi la différence entre « légitimité » et « légalité ». Et surtout n’oubliez pas de reprendre et de faire connaître… Convaincre pacifiquement que l’état est un voleur moral est notre force légitime…

 

Bellegarrigue