Double témoignage
En plein dans l’actualité covidienne, ce texte d’Artois fait coup double, selon nous, il est un double témoignage. De la colère et du combat de l’auteur de ces deux volumes, Les Réprimés 1 et 2, qui a notre soutien dans sa lutte exemplaire contre le Léviathan, lutte dont l’échec apparent aura pourtant été un succès dans sa symbolique. Et il témoigne aussi de la colère plus sourde, plus contenue d’Artois lui-même, qui s’exprime dans la dissection froide, analytique, que fait ce démocrate désabusé. Colère froide face au constat d’une démocratie (avec ses institutions, sa justice et son droit « positif ») qui aura fait la preuve, illustrée par Les Réprimés, de son passage de l’autre côté, obscur. Gageons que sa colère, voire aussi la vôtre, pourrait bien demain venir à leur dire « Assez ! »
Vu d’Ailleurs
Vain Recours ?
Un petit livre est paru récemment, Les Réprimés 2 dans lequel l’auteur, Virginie Anselot, exprime sa colère face à la politique liberticide et illibérale menée pendant l’épidémie de coronavirus, et dans lequel elle décrit aussi son combat contre la justice. Elle a en effet déposé un recours auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour faire condamner la politique du gouvernement français, comme il est en théorie possible. Ce recours n’a pas été très loin, un service malencontreusement nommé service de filtrage ayant répondu que la requête ne remplissait pas les conditions pour être examinée, sans pour autant les préciser.
Ce livre est un témoignage de combativité, mais, face à un rejet aussi rapide, malgré une demande argumentée devant la CEDH, il pose aussi la question des recours réels que nous avons en tant que citoyens face au gouvernement, qui est quand même supposé être sous notre contrôle, en vertu de la démocratie, gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. C’est la notion de recours au sens large qui pose question, à la fois les recours judiciaires, et simplement la possibilité de débattre, de contester les mesures liberticides ou illibérales, dans ce qui est supposé être un pays de débat, élément indispensable à la démocratie. La simple possibilité en tant que citoyen d’un état démocratique d’avoir son mot à dire. Car nous constatons une narration officielle, contre laquelle s’élever vous classe parmi les ennemis du peuple. Où est le débat démocratique dans ces conditions, où est la possibilité pour le citoyen de peser dans la gestion du pays ? Qu’est devenue la démocratie ?
La justice
Les démocraties sont censées être encadrées par une constitution, la loi suprême, que des tribunaux ont pour mission de faire respecter. Il y a aussi la déclaration universelle des droits de l’Homme, dont la CEDH est le tribunal, ainsi que les traités européens qui sont du ressort de la cour de justice de l’Union Européenne. En théorie, ces tribunaux garantissent les libertés fondamentales. La réalité, illustrée par la chronique que fait ce livre, est sujette à débat.
L’auteur des Réprimés n’a même pas vu sa requête examinée, sans possibilité d’appel. Pourtant, il s’agissait de la notion de liberté, un droit fondamental s’il en est, fondement des droits de l’Homme, qui mérite une réponse au fond, pas seulement sur la forme de la requête. Il y a donc une certaine marge d’interprétation subjective de la part de ces tribunaux.
Ce pouvoir d’interprétation est très large, et la CEDH est notamment une des causes du vote des Britanniques en faveur du Brexit. La CEDH condamne par exemple la loi britannique qui retire le droit de vote aux détenus. Les Britanniques considèrent que c’est une décision du ressort du pouvoir législatif, et non judiciaire. Les tribunaux peuvent ainsi empiéter sur le pouvoir législatif, et imposer une opinion, qui est imposée au nom d’une loi suprême, mais qui reflète en fait l’opinion majoritaire du tribunal, et non la justice.
Aux USA, le débat est carrément public entre juges progressistes et juges originalistes. Les originalistes considèrent la constitution américaine comme la loi suprême, qu’ils ne peuvent interpréter que de manière limitée, le vote de la loi étant du domaine du législatif, et la constitution également. Les juges progressistes par contre s’octroient un pouvoir d’interprétation très large, en fonction de leurs convictions politiques, sans se préoccuper ni de la lettre ni de l’esprit de la constitution.
Dans ces conditions, comment assurer l’état de droit, si des gens, par le fait qu’ils sont juges, peuvent imposer une opinion ? Quels garde-feux sont alors possibles pour assurer le respect des principes fondamentaux dans une démocratie ? La question n’est même pas posée aujourd’hui. C’est pourtant une question fondamentale pour le bon fonctionnement d’une démocratie. Si les contre-pouvoirs ne peuvent pas être efficaces, la démocratie peut-elle fonctionner ? De quels recours le citoyen dispose-t-il ? Le livre contribue à répondre « aucun ».
Liberté j’effacerai ton nom
La démocratie est censée défendre la liberté de chacun. C’est l’aboutissement du Siècle des Lumières, qui a libéré l’individu des sujétions féodales, qui a affirmé la liberté de chacun en tant qu’être humain. Pourtant, ces sujétions reviennent. De manière étonnante, la liberté n’est plus en odeur de sainteté dans nos démocraties. Surtout, le simple débat autour de la notion de liberté est quasi interdit. Il est mal vu de dénoncer les mesures liberticides, illibérales, prises dans le cadre de l’épidémie de coronavirus. La contestation de la liberté est très virulente, d’ailleurs.
Une confusion est volontairement faite entre liberté et égoïsme. Bien sûr, le mot liberté est revendiqué. Mais, tout de suite, on invente des raisonnements alambiqués pour distinguer la liberté, qui est l’égoïsme, et la liberté soumise au collectif, qui serait la vraie liberté. On oublie au passage de définir l’égoïsme et l’intérêt collectif. Ce qui est imposé comme intérêt collectif peut très bien être un intérêt particulier. C’est toujours au nom de l’intérêt collectif que l’état impose un comportement, mais rien ne garantit qu’il défend l’intérêt collectif.
Dans une démocratie, ce devrait être un débat permanent : qu’est-ce qu’un gouvernement a le droit d’imposer face aux droits inaliénables de chacun, reconnus par la démocratie ? Pourtant, ce débat est non seulement inexistant, mais même rejeté. On l’a dit, en parler vous classe parmi les ennemis du peuple. La liberté, les limites de l’état, pourtant au cœur du débat constitutionnel, ne sont plus une question dont il est possible de débattre aujourd’hui. Mais, dans ce cas, comment contrôler ceux qui nous gouvernent ? Comment leur imposer des limites ? Ce n’est pas seulement d’un point de vue libéral qu’il y a un problème. D’un point de vue démocratique, que peut faire le citoyen ? En refusant le débat, nous passons des Lumières à l’obscurantisme.
La théorie du complot
Au-delà des questions portant sur les droits fondamentaux, on constate que la simple critique contre le gouvernement n’est pas acceptée. Pourtant, le gouvernement est sous le contrôle du peuple, en théorie. En démocratie, n’importe qui a le droit, théoriquement, de critiquer le gouvernement, qui se doit de l’écouter, selon les principes démocratiques. Nous avons constaté déjà que l’auteur des Réprimés a vu sa requête contre la politique du gouvernement français refusée par la CEDH. Plus généralement, dans le cas de l’épidémie du coronavirus chinois, appelée Covid 19, toute critique des politiques illibérales est qualifiée, au mieux, d’égoïste, mais de plus en plus souvent de complotiste.
Le principe démocratique suppose pourtant le débat permanent. Chacun doit pouvoir apporter ses arguments, et on suppose qu’un débat rationnel s’ensuit. Cependant, force est de constater que la rationalité n’a plus cours, hélas.
Si vous critiquez le port du masque en extérieur, même si l’OMS est dubitative quant à cette obligation, vous êtes qualifié de complotiste. Si vous mettez en avant les méfaits du confinement, et ses piètres résultats, vous êtes qualifié de complotiste. Il n’y a pas de possibilité de débat rationnel dans notre démocratie. Les arguments scientifiques n’ont pas cours. Une vérité officielle nous est imposée, relayée par les médias qui ne jouent plus leur rôle de contre-pouvoir. Le débat n’est pas rationnel, n’est pas un combat d’arguments. C’est cette vérité que nous devons croire, s’y opposer relève du complotisme. Ceux qui devraient organiser le débat, les médias, ne jouent plus leur rôle.
Quel recours contre ça ? Comment faire jouer son droit démocratique à la contestation, rationnelle, argumentée, dans ces conditions ? La démocratie peut-elle vraiment fonctionner ainsi ? Il manque sérieusement un contre-pouvoir.
Interdiction de choisir ses soins
Pire, le système interdit carrément certains soins contre le coronavirus, sans recours. Il existe en effet une proposition de soin, dans des conditions très précises : l’association d’azithromycine et d’hydroxychloroquine. Ce sont des substances connues, maîtrisées, le traitement devant se prendre précocement, éventuellement préventivement. Le traitement est peu onéreux, la question du coût est marginale. Il y a d’éminents spécialistes qui recommandent ce traitement. Il y a aussi d’éminents spécialistes qui condamnent ce traitement. Quelle décision prendre ? La logique, la rationalité, imposent de laisser la libre décision se faire entre le médecin et le patient. On peut éventuellement faire signer une décharge au patient. Bref, la rationalité amène à une solution évidente. Mais la rationalité n’a pas été suivie. Le gouvernement a imposé son choix, là où il ne devrait rien imposer, selon un raisonnement rationnel. Et si on considère que tout doit être tenté pour la santé, que peut-on faire ? Rien. Aucun recours. Dans un domaine aussi important, qui n’engage que nous, nous n’avons pas le choix.
C’est la faute aux Français
Le gouvernement, élu, prétendument responsable des conditions de soins en France, responsable des frontières, a décrété que les Français étaient responsables de l’épidémie. Et les médias suivent, bien entendu, malheureusement. Ce qui est confondant ici est le déni de responsabilité. L’état, responsable des conditions sanitaires, fait reposer la responsabilité sur les Français. Que peut-on faire contre ça ? Rien. Dénoncer, certainement.
L’idée que les vagues d’épidémies de la fin de l’été et de l’automne se soient produites à cause de l’attitude des Français est illogique. Ce n’est pas une résurgence de la première épidémie. Ces épidémies se sont produites trop tardivement. Elles ont plus probablement pour cause des variants en provenance d’autres pays. Ce qui pose la question de la responsabilité de l’état, qui contrôle les frontières. Il peut y avoir aujourd’hui également une saisonnalité, qui avait été envisagée par les épidémiologistes.
On peut aussi souligner que le gouvernent n’a rien fait pour se préparer à une nouvelle vague virale. Pourtant, les épidémiologistes, ou quelqu’un comme le professeur Raoult, mettaient en garde contre une saisonnalité. Pourtant, on nous serinait le risque d’une deuxième vague. S’y est-on préparé ? A-t-on pris en compte l’inefficacité de notre système de santé par rapport à l’Allemagne ou la Suisse ? Non. Nous sommes quasi au même point en décembre qu’en mars. Rien n’a été anticipé, rien n’a été fait. Que peut-on y faire ? Les critiques, les analyses du système de santé existent. Mais elles restent lettre morte. Que peut y faire le simple citoyen ? Quel recours pour chacun de nous ?
Election sans choix
La justification du fonctionnement d’un pays démocratique, ce sont les élections. Le peuple choisit. Et les gouvernements prennent prétexte de l’élection pour s’arroger le pouvoir absolu.
Pourtant, tel n’est pas l’objet des élections. Le suffrage universel est encadré pour éviter le risque d’absolutisme, de totalitarisme. C’est l’objet originel d’une constitution, qui encadrait à l’origine le pouvoir monarchique. Considérer cet encadrement comme flexible, comme les « progressistes » américains, est dangereux et peut conduire au totalitarisme.
D’autre part, des élections peuvent conduire à une absence de choix. Comme les dernières élections présidentielles françaises, dont le deuxième tour a été marqué à la fois par une abstention record, et par un score faible du président élu face à une candidate pourtant vilipendée et considérée comme dépassée dans le débat d’entre-deux tours.
Quand l’élection n’offre aucun choix, quel recours avons-nous ?
Qu’est la démocratie devenue ?
Le citoyen semble avoir bien peu de recours dans ce système démocratique. Le gouvernement, même mal élu, impose son opinion au nom de l’intérêt collectif, usant au besoin de la force policière. D’autres groupes aussi d’ailleurs usent de la force pour imposer leur vision de l’intérêt collectif, comme ceux qui occupent des zones qu’ils rebaptisent « ZAD ». En fonction de leur proximité idéologique avec le pouvoir en place, les groupes qui revendiquent leur propre vision de l’intérêt collectif sont plus ou moins inquiétés ou dénoncés.
L’absence de recours conduit les Français à apprécier les systèmes autoritaires, comme le montrent régulièrement les sondages. Le vote purement contestataire grandit également, comme le montre la popularité du Rassemblement National aujourd’hui, sans qu’il ait même besoin d’intervenir sur la scène médiatique.
Des réprimés aux déprimés ?
Le citoyen ordinaire a l’impression de se heurter à des murs. Ce qui engendre l’indignation, comme pour Les Réprimés. Ce qui peut aussi être extrêmement déprimant. Que peut-on faire ? En excluant bien entendu la violence, un libéral n’imposant pas sa volonté à autrui. Car il ne s’agit pas pour un libéral d’imposer ses choix à autrui.
Cette démarche libérale est d’ailleurs incomprise. Le libéralisme ne cherche pas à imposer un mode de vie à chacun. Il n’impose pas sa vision de l’intérêt collectif. Chacun décide de son attitude et est responsable de ses actes. En collectivité, cela amène inévitablement à négocier avec autrui, pour arriver à un accord, car chacun étant libre, nul ne peut imposer quoi que ce soit. Ce qui permet de sortir de l’impasse démocratique. Il ne s’agit plus de voter pour quelqu’un qui impose sa vision de l’intérêt collectif, mais de permettre à chacun d’exprimer sa vision de l’intérêt collectif, et de la mettre en pratique. Dans un monde où chacun vit en société, au contact d’autres personnes qui ont ce même droit d’exprimer leur vision de l’intérêt collectif, et sachant que le principe de liberté exclut la violence à l’égard d’autrui, cela implique nécessairement de trouver des arrangements. A moins de pouvoir vivre seul sur une autre planète.
Virginie Anselot, avec d’autres, a choisi de tenter le recours légal. Même si les résultats ne sont pas directement concluants, cela reste un moyen d’expression. Et qui sait, chacun à son tour, voire un juge, prendra peut-être conscience des problèmes. La démocratie est dans une impasse. L’époque est déprimante.
Mais, chacun à son niveau peut canaliser sa colère, ou surmonter sa déprime, pour, par petites touches, défendre la vision d’une société qui ne justifie pas d’imposer ses choix aux autres, dans la tradition humaniste des Lumières. Chacun à sa manière, dans son milieu, son entourage.
Les Réprimés sont un exemple d’action qui va dans ce sens, celui d’une saine colère rationnelle, justifiée. Colère qui doit s’exprimer, sans alimenter la violence, mais au contraire l’exclure.
Artois