« Dès lors que la solidarité est obligatoire, elle n’a plus de valeur morale. Et pour ce qui est des retraites, elle ne désigne en fait que le vol d’une génération par une autre. » – Pascal Salin, 2008
Répartition vs Capitalisation
Il existe deux systèmes, qui peuvent d’ailleurs coexister, pour gérer la retraite : la répartition et la capitalisation. Dans un régime de retraite par répartition, les actifs versent des cotisations qui sont redistribuées en prestations aux retraités.
Le cotisant d’aujourd’hui n’a aucun droit réel et espère que les générations suivantes accepteront de payer : c’est donc un système pyramidal de type Ponzi-Madoff. Une condition nécessaire à son fonctionnement pérenne est l’entrée régulière de nouveaux cotisants, qui ne peut provenir que de la confiance de ces derniers dans le système et du pouvoir de coercition de l’État. L’absence de viabilité sans contrainte exercée par l’État explique l’opposition des libéraux à la répartition.
La retraite par répartition est basée sur le mythe scientiste d’une élite infaillible décidant à la place des citoyens, ceux-ci étant trop ignorants pour choisir par eux-mêmes correctement leur avenir. Cette fausse croyance est encore plus erronée pour la problématique de la retraite qui est par nature de long terme, alors que l’horizon des décideurs politiques n’excède que rarement celui de la prochaine élection. Le déséquilibre du régime par répartition français est ainsi connu depuis longtemps sans pourtant que cela n’ait entraîné de réforme majeure.
La répartition peut être à cotisations définies ou à prestations définies. Un régime à cotisations définies est par nature équilibré, les pensionnés se partageant les cotisations versées. Dans un régime à prestations définies il y a acquisition de droits par le versement de cotisations. Tout déficit entre cotisations réelles et droits doit alors se régler par un ajustement des paramètres (augmentation de la durée et du taux de cotisation, baisse de la rente) et par des transferts financiers d’autres régimes ou du budget de l’État.
600 Régimes
Les lobbies syndicaux, ne représentant ni les plus faibles ni les plus nombreux, usent de leur pouvoir de nuisance pour obtenir un équilibre par ce deuxième levier. Cet effet joue à plein en France où l’on compte plus de 600 régimes de retraite de base et où le déficit du système par répartition s’élevait en 2010 à 32 milliards d’euros.
Le régime à prestations définies est donc encore plus déresponsabilisant puisqu’il oppose entre eux les gens d’une même génération. Le niveau des pensions dépend ainsi moins des efforts réalisés pendant la vie active que de l’efficacité des divers lobbies à obtenir de l’État qu’il rackette de l’argent à un groupe pour le distribuer à un autre. Le cas extrême est représenté par la première génération entrée dans le système, car celle-ci toucha des pensions sans jamais avoir cotisé.
Les jeunes générations, par le lourd tribut qui leur est extorqué, se désintéressent de leurs aînés puisque l’État a décrété en assumer la charge. De plus, elles pressentent bien que leur tour venu, personne ne pourra payer pour elles. Bien loin d’être un lien de solidarité entre les générations, ce mécanisme pervers crée donc un fort clivage, distend les liens familiaux et instaure une relation de dépendance pour le cotisant qui se trouve à la merci des générations futures.
La répartition est en général associée à un âge légal de départ à la retraite, et c’est l’existence même de ce seuil arbitraire qui est liberticide. En effet, chaque individu est le mieux placé pour évaluer le meilleur moment de prendre sa retraite. Chacun devrait donc avoir la liberté de déterminer ce moment plutôt que de laisser ce choix à des bureaucrates.
Enfin, la répartition souffre d’un grave déficit démocratique puisque des sommes considérables sont gérées par des personnes non élues, les partenaires sociaux. Les prestations versées en 2010 s’élevaient ainsi à 279 milliards d’euros, soit plus que les 254 milliards d’euros d’entrées fiscales du budget de l’État ! Le maintien d’une multiplicité de régimes aux règles différentes rend impossible la comparaison que permettrait la clarté d’un système de retraite par points. Les syndicats profitent ainsi de l’opacité qu’ils ont contribué à créer pour favoriser les groupes qui leur sont liés.
Capitalisation
La retraite par capitalisation consiste en un placement à long terme de l’épargne du cotisant, alors que la répartition réduit les incitations à épargner et prive l’économie de capitaux précieux qui stimuleraient la croissance et généreraient de nombreux emplois.
Les fonds placés peuvent rester propriété des déposants (on parle de retraite individuelle) ou être collectivisés. Mais une gestion confiée à l’État ou à des groupes de pression (les syndicats) mettrait des encours colossaux au service de l’économie administrée. Lors de la mise en place d’un système par capitalisation, les droits de propriété doivent donc être clairement définis en faveur des déposants.
Grâce à la retraite individuelle chacun peut se constituer un patrimoine, par l’achat d’une résidence ou l’investissement dans des fonds par exemple. En permettant de subvenir soi-même à ses besoins et de transmettre le fruit de son travail à sa famille, elle est éthiquement supérieure à la répartition, qui est un système de collectivisation des revenus condamnant à la dépendance et détruisant la responsabilité individuelle.
Le travailleur peut en outre choisir plus librement son âge de départ à la retraite, moment où il pourra convertir son capital en rente partiellement ou en totalité, suivant ses besoins.
S’il est techniquement très facile de passer de la capitalisation à la répartition, l’inverse est beaucoup plus délicat puisque durant la transition certains devront cotiser pour leur propre retraite mais aussi pour celle des autres. Néanmoins, le système privé de pension par capitalisation a été introduit dans près de 30 pays à travers le monde.
Le Chili s’est ainsi converti avec succès à la capitalisation en 1981, ce qui a permis à ses bénéficiaires de partir en retraite plus tôt avec des pensions proches du dernier salaire. Son efficacité fut telle que, mise en place sous la dictature de Pinochet, elle fut conservée et même étendue par les gouvernements qui lui succédèrent, fussent-ils socialistes.
L’État doit donc sortir de son rôle autoritaire et infantilisant pour rendre à chacun la liberté de choisir sa retraite individuelle. C’est une exigence éthique et économique.
Yann Henry, in Libres !, 2012