La concurrence déloyale du soleil
Frédéric Bastiat avait en son temps trouvé une excellente manière pédagogique de ridiculiser les corporatismes qui n’avaient de cesse que de crier à la « concurrence déloyale » en réclamant au gouvernement des lois de protection de leurs activités. Vous la trouverez dans cet article.
En France, évoquer la méchante et vilaine « concurrence déloyale » n’est évidemment pas que l’apanage des syndicalistes ou des politiciens. Même des patrons français sont dans cette culture de la législation qui va protéger leurs rentes, sans comprendre le ridicule de leur demande ! Nous allons prendre ce dernier exemple en date assez symptomatique de la légèreté intellectuelle d’une majorité de Français en matière d’économie…
La journaliste ne manque d’imager cette « guerre » que veut engager ce patron de PME face au géant du commerce en ligne : « Pour faire face au « rouleau compresseur » d’Amazon » sans oublier l’éternelle « histoire de David contre Goliath ». Il est tout de même intéressant de constater que ce patron avoue que les sociétés concurrentes sont moins performantes et en plus pour un coût supérieur. Et de conclure qu’il faudrait pénaliser Amazon en l’interdisant la livraison sous 48 heures.
Mais est-ce bien Amazon qui serait pénalisé ? Et les entreprises concurrentes deviendraient-elles plus compétitives comme le dit ce patron proche du président de la république, décoré de la légion d’honneur (le patron) ?
Protéger la rente au détriment du service ?!
Tout d’abord si les Français commandent chez Amazon, c’est qu’ils y trouvent des avantages qu’ils ne trouvent pas ailleurs. Cessons de prendre les « cons-ommateurs » pour ce qu’ils ne sont pas. Car les produits vendus chez Amazon et ses concurrents sont les mêmes. L’utilisation de comparateurs sur internet facilite grandement l’évaluation des prix. Les produits chez Amazon ne sont pas plus bas que chez d’autres même si globalement Amazon reste bien placé. Amazon a su adapter son service au besoin du client en pensant une logistique performante.
Il était aisé à toute entreprise française dans les années 90 de se préparer à cet avènement de l’internet. Amazon est né au milieu de ces années-là en se centrant initialement sur un produit culturel : les livres. En France, l’état était intervenu depuis août 1981 dans ce secteur pour imposer le prix unique du livre dans un cadre où « la loi limite la concurrence sur le prix de vente au public du livre afin de protéger la filière et de développer la lecture ».
Amazon ne s’est donc pas engouffré dans la vente de best-sellers mais a mis à la disposition des clients des livres que les libraires n’avaient jamais en stock. Ou que même si vous vouliez le commander, vous n’étiez pas du tout sûr de l’obtenir. Près de 40 plus tard, quel est le résultat de cette protection ? Les Français lisent-ils plus ? Les librairies se sont-elles multipliées ? Au classement Pirls, nous pouvons même dire que c’est une catastrophe pour la France :
« À 10 ans, un écolier français lit moins bien que ses camarades européens, exception faite de la Belgique francophone. » C’est ce que révèle le dernier « Programme international de recherche en lecture scolaire » (Pirls), réalisé en 2016 auprès des élèves de 50 pays du monde, à la fin de leur quatrième année de scolarité obligatoire – en CM1 donc, pour la France – et publié ce 5 décembre.
« Il y a dans le monde plus de bon lecteurs qu’il y a 15 ans », constate l’édition 2016 de cette étude menée tous les cinq ans. « Pour autant, deux pays enregistrent un résultat inférieur à 2001, année de lancement du programme: les Pays-Bas et la France… » (Source : figaro 05/12/2017)
L’intervention de l’état fait perdre tout le monde
Ce type de loi ne fait que correspondre à des protection de nature corporatisme, ici en l’occurrence la filière du livre qui tient plus que tout à leur loi qui leur assure encore actuellement une rente de situation et une organisation sous forme d’un oligopole, qui n’est ni plus ni moins qu’un cartel.
Sous prétexte hypocrite d’une loi pour rendre plus accessible la lecture, le perdant est évidemment le lecteur qui doit payer plus cher le prix du livre, ce qui finalement rend moins accessible la lecture elle-même. Faire une loi pour favoriser la diffusion d’un produit tout en limitant la concurrence est une escroquerie intellectuelle et économique. On ne favorise en rien la diffusion d’un produit par l’augmentation du prix et par la constitution de rentes vers un oligopole ou un monopole, qu’il soit privé ou public.
Ne pas se tromper de combat
La loi doit interdire les nuisances des politiciens en limitant leurs abus de pouvoir : réduire la concurrence est une nuisance et toutes les lois qui vont dans ce sens doivent être abrogées, à commencer par les monopoles étatiques ou de collectivités territoriales. Si les Français veulent retrouver une dynamique économique, ils doivent d’abord commencer par nettoyer sérieusement les écuries d’Augias et ne pas se tromper de combat.
Puisque nous parlons de combat, revenons à celui du millionnaire toulousain contre le milliardaire américain, qui ne jouent donc pas dans la même catégorie. Ce patron français réclame une loi pour limiter la qualité de service offert par Amazon. Tout être raisonné croit être dans un mauvais rêve. Mais en franchouillie, rien n’est surprenant quand on parle d’économie : la régulation, c’est l’état, car les cons-ommateurs sont des idiots qui n’ont aucune capacité à savoir ce qu’ils achètent !
Vous pouvez toujours croire au père Noël : les entreprises ne se précipiteront pas plus qu’aujourd’hui à augmenter leur qualité de service puisque de toute manière, la loi leur interdira de s’améliorer et donc de livrer en moins de 48 heures. Pourquoi voulez-vous qu’elles deviennent performantes pour se mettre au niveau d’Amazon d’aujourd’hui si demain Amazon est obligé de se mettre au niveau des actuels mauvais ?
Cela fait penser à un champion de 100 mètres à qui l’on mettrait des poids pour qu’il ne puisse plus gagner des courses facilement. Cette démarche de nivellement par le bas pénalise les meilleurs. C’est la négation même de l’économie, de l’entreprise et de l’être humain qui est de s’améliorer pour fournir un meilleur produit au prix le plus bas possible afin qu’il soit accessible au plus grand nombre.
En Franchouillie, confirmé par ce patron qui parle à l’oreille du président, il est ainsi déloyal d’être le meilleur, mais il est loyal de fournir de mauvais services. Et comme il est acquis que l’égalité n’est pas possible en élevant le niveau de tous à celui des plus performants, il vaut mieux mettre des bâtons dans les roues à ces derniers, pour leur éviter d’être encore plus performants… on n’est jamais trop prudent pour éviter de creuser les inégalités !
C’est bien une guerre qu’il faut engager, mais contre la bêtise et la décadence de ce peuple français composé d’individus qui veulent le beurre, l’argent du beurre et la crémière… pour rester décent.
Le ridicule ne tue pas, heureusement parce que nous assisterions à une hécatombe et des mesures d’urgence contre ce génocide ne suffirait pas. Et jour après jour, en continuant dans cette impasse, la chute va être de plus en plus brutale et certains ne comprendront toujours pas comment ce pays sera tombé aussi bas.
Ce ne sera pas faute de les avoir averti que la « concurrence déloyale » était d’abord le fait de tout monopole, à commencer par l’état qui ne les aura protégé de rien, et surtout pas d’eux-mêmes et de leurs lubies collectivistes !
Bellegarrigue