Monopole vs concurrence

Régulièrement, un responsable syndical ou politique assène le fait qu’une entreprise ou un pays pratiquerait une « concurrence déloyale”. Vous ne serez pas étonné si je vous dit qu’une telle assertion sort pratiquement toujours de la bouche d’un Français. Notre pays, qui fournit à ses enfants un enseignement rudimentaire aux relents marxistes et à ses citoyens des monopoles étatiques, tout cela grassement nourrit par le divin « argent public », a bien du mal avec la notion de « concurrence ». Ainsi tout ce joli monde imagine que l’idéal de la « concurrence loyale » est le « monopole » alors que « concurrence déloyale » va souvent de pair avec le « dumping social ».

Pour nos étatistes, « déloyal » signifie que leurs rentes de situation sont rognées. Ils n’admettent pas que leurs budgets ou rémunérations puissent subir la moindre baisse. Il est certain que toute entreprise ou individu sur le marché libre souhaite bénéficier de telles rentes de situation. Mais le but de la concurrence, sans nécessité de lui adjoindre un adjectif, est d’éviter qu’une rente de situation s’établisse au sein d’un monopole de production de services ou/et de produits, dont le résultat sera l’envolée des prix au détriment du citoyen-consommateur.

dumping

« Dumping social », qu’es aquo ?

La concurrence est ce qui fait le charme et l’objet de l’économie : toujours apporter un produit ou une prestation au coût le plus faible possible en répondant aux besoins des consommateurs. Alors oui, avec la concurrence, même une rémunération peut s’en trouver affectée. Une rémunération est issue d’un travail et un travail est une dépense d’énergie, un effort, que la civilisation humaine cherche à réduire, à minimiser. Et oui, faire des économies est l’objet noble de la concurrence. Il n’y a donc rien de déloyal à réduire un effort qui profite à beaucoup, même si quelques uns perdent, et notamment l’état. Bien au contraire, ne pas accepter que les coûts se réduisent devrait être déclaré « crime contre l’humanité ».

Ce qui est déloyal, c’est de fournir une tromperie sur un service ou un produit. Un monopole est une tromperie dans le sens où le consommateur de peut pas juger si le rapport qualité/prix qui lui est présenté est juste. Ainsi seul un marché libre peut déterminer si un monopole peut être légitime. Un monopole d’état est certes « légal » dans le sens où c’est le droit positif qui lui attribue juridiquement son existence. La non-confrontation au marché dans ses coûts au regard de son utilité citoyenne le rend économiquement illégitime. En effet, ce sont les efforts d’autrui qui n’en ont pas l’utilité dans les faits qui sont contraints de payer en grande partie pour ceux qui en ont une utilité sans en apprécier la valeur. Il y a, de ce fait, un détournement abusif de ressources par la manipulation, c’est-à-dire un vol de propriété à des fins d’assurer une rente de situation à ceux qui gravitent au sein et autour de ce monopole.

La régulation de l’économie, une affaire individuelle

Le coût, c’est ainsi la traduction de l’effort que doit effectuer celui qui veut satisfaire un besoin ou un désir, que ce soit personnel ou pour d’autres personnes. Cette notion d’effort est à considérer comme la mobilisation volontaire d’un individu de ses capacités physiques, intellectuelles, morales en vue d’une valorisation autarcique ou sociale. L’effort est réalisé en préalable à la jouissance du résultat que l’on souhaite atteindre.

Dans le cas général de la vie en société, comment l’Homme peut-il évaluer ses efforts afin d’accéder à la jouissance ? Outre les besoins physiologiques, la multitude de besoins ou de désirs qui s’offrent à lui l’oblige à faire des choix individuels et à entrer en compétition avec autrui du fait des ressources limitées. Il doit adapter ses dépenses pour les satisfaire en fonction de ses recettes. Il ne peut être satisfait que si le résultat est bénéficiaire. S’il est en perte, il devra continuer à faire des efforts.

Par une telle démarche, l’individu se régule naturellement. Personne d’autre ne peut se substituer à lui pour faire cette régulation : lui seul connaît ses objectifs. Il doit être seul décisionnaire de la moindre dépense. Le marché, c’est-à-dire la confrontation des besoins et des désirs des consommateurs (la demande) avec les capacités de. la production (l’offre), va lui apporter les informations lui permettant d’évaluer la valorisation de ses efforts au regard de ce qu’il veut obtenir.

concurrence

Voilà la vraie concurrence déloyale ? Ou peut-être pas ?

Ces informations ne se fiabilisent que si le coût des efforts du consommateur et le coût des efforts du producteur sont en mesure de se rencontrer sur un coût d’échange. Le consommateur, qui veut maximiser ses besoins et ses désirs, souhaite céder le moins possible de ses efforts et le producteur tentera de valoriser le plus possible les siens auprès du consommateur. La concurrence, outre qu’elle permet à un demandeur d’évaluer différentes réponses à ses besoins et désirs, apporte également aux producteurs une diversité de consommateurs. L’expérience assure aux consommateurs de trouver une offre qualitative et compétitive de producteurs.

L’économie par la concurrence est bien une affaire individuelle et doit « laissez faire » le producteur et le consommateur pour que la société voit minimiser les efforts pour maximiser le bonheur individuel. À son opposé, le mercantilisme maximise les efforts des uns au profit des autres par la création de monopoles en contribuant aux malheurs des peuples.

Pour éviter de rester trop théorique, prenons deux exemples généraux pour amener à la compréhension que la concurrence déloyale n’a pas de sens et ne possède aucune justification dans un monde qui se veut civilisé.

En amour, il y a trop de concurrence : déloyal ?

Chaque être humain possède des caractéristiques « épigénétiques » : alors pourquoi rechercher une égalité là où les lois de la nature la refuse ? Comme tous les organismes vivants, nous nous retrouvons placés en situation de concurrence sur cette planète aux éléments finis. Quand une femme et un homme se rencontrent et décident d’avoir des enfants, ils font un choix libre mais l’un et l’autre se trouvaient en concurrence avec d’autres êtres humains. Peut-être que certaines et certains ont trouvé déloyal d’avoir été battu et de ne pouvoir devenir l’épouse ou l’époux de celui ou de celle qu’ils auraient aimé avoir et mêler leurs gènes.

loyales

Concurrence des loyales ?

Ce sont nos différences qui font les attirances ou les rejets qui se produisent avec autrui. Allons-nous parler de concurrence déloyale si une personne séduit plus que nous l’être chéri en raison d’une beauté, d’un savoir particulier, d’un humour, etc… qui serait vu par elle supérieur au nôtre. L’amour fait perdre la raison mais la raison doit faire accepter la concurrence permanente en amour.

Mais imaginons que maintenant, pour justement éviter cette « concurrence déloyale » dans l’amour, qu’une majorité démocratique ait soumis à l’obligation d’accepter le « monopole d’état dans les rencontres amoureuses ». Cela ne vous rappelle pas le mariage arrangé entre familles comme au bon vieux temps ou comme cela se pratique encore dans certaines religions. Il est fort probable que certains voudraient qu’il en soit ainsi pour tout le monde. Mais heureusement, c’est encore la main invisible, celle de l’amour concurrentiel, qui gère très majoritairement, les rencontres, même si cela entraîne des séparations douloureuses ou dramatiques, entre les humains.

Même les milliardaires sont en concurrence… déloyale

Une ressource, quelle qu’elle soit, est, par nature, limitée. Si deux personnes A et B la convoitent, seul son propriétaire d’origine P a le pouvoir de décider de la manière qu’il la cède, à défaut de pouvoir satisfaire les deux. Celui qui est lésé peut éventuellement parler de « concurrence déloyale », quel qu’en soit le motif qu’il puisse trouver.

Mais est-ce justifié ? Admettons (prenons le cas le plus courant évidemment… dans l’esprit du Français moyen), que A est pauvre et B milliardaire. Il ne doit faire aucun doute que B va devenir le propriétaire de la ressource. Ce que l’on voit, c’est que B devient encore plus riche que A. Ce qui l’on voit pas, c’est qu’il y a eu un échange avec un autre acteur, qui était le propriétaire P de la ressource, et que par conséquent le milliardaire s’est démuni d’une valeur que A ne pouvait débourser.

Si nous parlons d’intérêt général (n’est-ce pas ce que le Français moyen réclame ?), c’est d’étudier le bonheur procuré par l’échange ou non de cette ressource en étant exhaustif sur les différents cas de figures possibles (en restant dans l’honnêteté) et de voir où se trouve la maximalisation :

  1. P garde la ressource
  2. l’échange se fait avec A
  3. l’échange se fait avec B

Le cas 1 est neutre pour A et B, mais aussi pour P. En toute hypothèse, dans les deux autres cas, si P n’a plus d’intérêt à conserver cette ressource, il doit faire un choix vers A ou B selon sa libre décision. Par cet acte, il estimera maximiser son choix, peu importe ses motivations. Et A ou B auront la même non satisfaction ou satisfaction à l’échange, peu importe l’utilisation future, qu’ils soient perdant ou gagnant.

Il n’y a aucune déloyauté à laisser le libre arbitre décider de l’échange. Mais, à cause de l’argent, il paraît que P aura tendance à privilégier le plus offrant, et qu’à ce petit jeu, B sera toujours le gagnant. Ainsi, comme une majorité de A peuple la terre, B est l’ennemi de tous ceux qui voudraient être à sa place.

David

David & Goliath.

La seule question morale à se poser est de savoir si ce milliardaire l’est devenu par son seul mérite et le libre choix des individus avec lesquels il a échangés ou si c’est l’argent public qui lui a permis cette ascension économique. Car la déloyauté n’est pas dans l’échange réalisé entre P et B, objet de notre discussion, mais sur le fait que c’est l’état qui a pu conduire à une situation « déloyale ».

Nous devrons ainsi distinguer la fortune d’un Bill Gates et celle d’un Serge Dassault. Le premier est milliardaire sans avoir forcé les individus à acheter ses logiciels même si un certain monopole de fait pourrait laisser penser l’inverse (à la concurrence de faire mieux et moins cher que Microsoft). Le second doit sa fortune essentiellement à l’héritage de son père, qui en soit n’est pas un crime, mais au fait que l’argent public a alimenté et continue d’alimenter grassement les caisses de sa société depuis des décennies. On dépouille ainsi une multitude de A pour alimenter B, qui se retrouve en position favorable pour acquérir la ressource de P. Ce dernier va également bénéficier de cette déloyauté en pouvant valoriser auprès de B, à un niveau supérieur à ce qu’il aurait pu obtenir dans un marché véritablement concurrentiel.

Toujours l’état à l’origine de la déloyauté

Que l’état intervienne a priori (second exemple) ou a posteriori (premier exemple), il est à l’origine de toute distorsion dans les relations entre les êtres humains. Dans un régime de libre échange, la déloyauté n’existe pas. L’injustice arrive lorsqu’on imagine qu’il puisse exister une égalité sur le partage ou la répartition de ressources qui sont en quantité limitée. Depuis qu’Eve a croqué la pomme (bon, n’y voyez aucun croyance de ma part, ce n’est que pour l’image !), l’être humain ne peut vivre dans l’abondance et se trouve condamné à accepter la concurrence (même si Adam était en situation de monopole !). L’être humain est condamné à l’effort pour satisfaire ses besoins.

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Taxer, retaxer, taxer encore…

Alors certes, les fainéants, les hédonistes et toute autre catégorie d’individus issus du moindre effort et je profite de ceux des autres, ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Lorsque la raison est utilisée, aucune idéologie ne pourra faire passer des vessies pour des lanternes. La pauvreté n’est pas non plus une excuse dans un monde libre, et s’il veut sortir de sa condition de pauvreté, l’Homme doit se donner les moyens d’en sortir par la coopération avec autrui, et non dans l’attente d’une spoliation d’autrui.

Évidemment, les naïfs suivront leurs croyances jusqu’au jour où la réalité leur sautera à la figure et que ce sera plus l’hypocrisie et la malhonnêteté de manipulateurs qui les guideront. Dans un monde libre, un individu a le droit d’être fainéant, hédoniste ou ne pas vouloir faire d’efforts. Il est même dans ces domaines, en concurrence avec d’autres, mais il assume sa volonté, et ne s’associe pas à d’autres pour se plaindre que leurs besoins ne sont pas satisfaits.

On peut comprendre que dans la société où la démocratie fausse les échanges entre les hommes, on se retrouve avec des situations révolutionnaires. Mais plus de 200 ans après la déclarations des droits de l’homme et du citoyen, que nous en soyons encore à avancer des idioties de « concurrence déloyale » est navrant pour la société et démontre toute la difficulté de celle-ci pour dépasser le stade de la manipulation d’intérêts corporatistes qui entraînent les abus de pouvoir.

 

Bellegarrigue