« La seule bonne raison pour s’opposer à la constitution d’un « domaine public » ou réclamer son démantèlement est la conscience du fait que l’État n’en est propriétaire qu’à titre illégitime et criminel. » – Murray Rothbard

Privatisation

L’évolution vers une société libre suppose le retour systématique vers la privatisation du foncier, donc la restitution à des propriétaires privés des biens actuellement aux mains de l’État ou redistribués à tort par l’État à d’autres propriétaires privés. Mais lesquels et comment ? Le sujet est délicat car la restitution aux anciens propriétaires, souvent simple pour des vols récents, peut être laborieuse pour des biens issus de l’Ancien régime.

Pourquoi vouloir restituer les biens publics ? Tout simplement pour les rendre à leurs propriétaires légitimes. Selon le principe de droit naturel, un bien appartenant à l’État a été approprié de façon illégitime. En effet, au nom d’un « intérêt général », l’État peut devenir propriétaire de trois façons : le vol (confiscation), la vente contrainte (expropriation), et l’accaparement (terres vierges ou agricoles, ressources naturelles).

Aussi, quand bien même l’État aurait acquis quelque chose par les mécanismes du marché, contrairement à vous et moi, l’argent qui a servi pour l’acheter, l’entretenir, le détruire, n’est pas issu des fruits de son propre travail, mais du vol des fruits du travail des autres. L’État peut agir de la sorte pour son propre compte, ou celui de tiers, pour attribuer, redistribuer, collectiviser, et construire habitations, écoles, centrales, stades, monuments, parcs, domaines, mines, champs pétroliers, routes, chemins de fer ou aéroports.

restitution

Restitution des biens publics – Nuage des mots de l’article.

Exemples réussis

Des exemples de restitutions réussies furent celles opérées dans les années quatre-vingt-dix dans la plupart des pays d’Europe de l’Est sur les biens collectivisés par les communistes au cours des années quarante et cinquante. La période fut suffisamment courte pour retrouver les propriétaires originels ou héritiers, qui très souvent n’avaient aucun mal à prouver leur propriété légitime parce qu’ils détenaient un certificat ou qu’ils continuaient d’occuper la propriété dont ils avaient été spoliés. Certes, il y a eu des litiges ou des abus notamment sur les limites des terrains – souvent le cadastre n’existait pas avant 1945 – mais les restitutions se sont réalisées sans grand encombre en quelques années.

Là où les choses se compliquent, c’est lorsque les propriétaires spoliés sont décédés et sans héritier, lorsque la spoliation est intervenue il y a plusieurs siècles, lorsqu’il est devenu impossible de retrouver le bien spolié, lorsque celui-ci a été revendu à des tiers sans l’accord du dernier propriétaire légitime, ou encore lorsque le dernier propriétaire légitime avait donné son accord sous la contrainte mais moyennant une compensation financière.

Enfin, il convient aussi d’évoquer les terrains vierges « réservés » par l’État (territoires présumés déserts, parcs nationaux, domaine public maritime) ou attribués par l’État à des tiers (domaines seigneuriaux, latifundios, terres riches en ressources naturelles).

Lorsque…

Lorsque les propriétaires spoliés décédés sont sans héritier, les biens de l’État tombent alors en état de non-possession. Les solutions envisageables sont la vente aux enchères, la mise en vente par des agences privées, ou, à défaut, l’appropriation par toute personne qui, s’en servant, s’en emparera ainsi légitimement.

Lorsque la spoliation est intervenue il y a plusieurs siècles, il sera nécessaire d’effectuer un long travail d’historien, de généalogiste, voire d’archéologue, pour retrouver la trace de propriétaires spoliés et de descendants vivants. Certes, dans bien des cas les documents prouvant la propriété légitime sont réputés inexistants, détruits ou introuvables, ou les recherches sont trop longues et coûteuses pour résoudre des cas individuels. Dans de telles situations, la légitime propriété restera source potentielle de litiges, mais le risque pour un nouveau propriétaire privé de voir sa propriété contestée restera infime.

Lorsqu’il est devenu impossible de retrouver le bien spolié en l’état parce qu’il a été détruit ou modifié – construction d’immeubles, routes, voies ferrées, aéroports, centrales électriques, etc. – le propriétaire spolié ou ses héritiers peuvent exiger le déplacement ou la destruction des transformations aux frais du propriétaire illégitime. Toutefois, ces travaux devant être réalisés par l’État – avec un coût à faire supporter à la collectivité – il semble préférable que le propriétaire spolié prenne directement possession de ses biens modifiés sans avoir à payer quoi que ce soit, ou que les transformations soient privatisées à part.

Lorsque le bien spolié a été revendu par l’État à des tiers sans l’accord du dernier propriétaire légitime, il semble naturel que ce dernier ou ses héritiers obtiennent la restitution, et ceci même si le propriétaire actuel ignore que son bien provenait d’un vol. Ce propriétaire actuel de bonne foi doit-il être indemnisé ? Non selon la théorie du droit naturel, car son droit de propriété était sans valeur. En revanche, s’il n’existe plus d’héritier du propriétaire spolié, le propriétaire actuel voit son droit de propriété confirmé.

Justice sociale ?

Si le dernier propriétaire légitime avait vendu à l’État sous la contrainte, mais contre une compensation financière, la vente pourrait être annulée si le dernier propriétaire légitime en faisait la demande. Les sommes reçues par le vendeur seraient alors restituées. Mais restituées à qui ? Aujourd’hui, l’État récupérerait la somme… Dans le cas d’une société libre, il n’y a sans doute aucun intérêt à contester la vente puisqu’il n’y aurait plus d’État en face…

Enfin, dans le cadre des terres vierges, il paraît logique que celles-ci tombent en état de non-propriété, puisque seul celui qui transforme ces terres peut en revendiquer la propriété légitime. De plus, celui-ci n’a pas à s’acquitter d’un quelconque prix pour ces terrains puisqu’ils n’appartiennent à personne. Ceci a toute son importance dans le cas des réformes agraires, où les injustices souvent commises consistent à spolier le propriétaire terrien sur les terres qu’il exploite lui-même, ou à obliger les paysans à acheter les terres vierges au lieu de les leur accorder gratuitement.

On parle souvent de justice sociale dans nos sociétés social-démocrates, à tort et à travers. Une des premières véritables justices sociales qui devrait être rendue, c’est précisément de restituer à leurs légitimes propriétaires les terres et les biens qui leur ont été confisqués au fil des âges par ceux qui osaient prétendre agir pour l’intérêt général.

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Gregory Ramirez, in Libres !!, 2014