« L’existence du ‘service public’ est en elle-même grosse d’un mensonge considérable. Ce mensonge consiste à faire croire que l’action de l’État serait indispensable à la fourniture d’un service. » – Préfet François Lefebvre, cité par François Guillaumat

état illusionniste

L’illusion est constitutive de tout État. Un électeur observe, voire admire, le spectacle médiatique quotidien que les politiciens déploient pour le séduire. Cette séduction passe, comme tout spectacle, par une agréable illusion. Cette illusion est souvent demandée et acceptée par le spectateur-électeur.

L’électeur souhaite avoir des raisons d’admirer son candidat, pour sa personnalité vraie ou apparente. À défaut, le citoyen vote pour le candidat le moins nuisible. Cette attitude d’illusionniste n’est pas seulement une posture temporaire que le politicien adopterait pour gagner une élection.

Illusionner les citoyens est une des activités de tout État. L’État tire son pouvoir de sa force armée, de sa police. L’État peut spolier, interdire, emprisonner, légiférer, censurer. Ces activités étatiques sont contraires au Droit.

Or les citoyens respecteront un État qui respecte les Lois et la Justice. C’est à cette condition que l’État sera légitime pour les citoyens. L’État personnalise la Force violant le Droit, et le Droit protégé par la Force. L’État cache cette dualité schizophrène par la fabrication et l’entretien de l’illusion.

illusion

Illusion étatique – Nuage des mots de l’article.

ignorance rationnelle

Lorsqu’un citoyen sait qu’il ne pourra rien changer à un problème social, il renonce à s’en informer. Il évite ainsi du temps perdu, du vain travail et un souci inutile. Il choisit ainsi « l’ignorance rationnelle ». Il accepte alors l’illusion, comme d’autres feignent de croire au Père Noël. C’est le syndrome du cocu. Feindre d’ignorer son infortune permet de mieux la supporter. L’illusion étatique réside souvent dans ces domaines que le citoyen préfère ignorer parce qu’il n’y peut rien changer.

Parfois, l’illusion étatique est incroyable, impensable. Ainsi, pendant des millénaires, les Pharaons étaient des dieux vivants. Cette illusion de la divinité de l’État convenait à l’Égypte ancienne. Plus modestement, à Rome, les rois et les premiers empereurs descendaient d’un dieu ou d’un héros mythique. L’instinct populaire de sacraliser le chef est devenu aujourd’hui une croyance dans une sagesse supérieure, quoi qu’imparfaite, celle de l’État.

L’étymologie de « démocratie » est : « le pouvoir du peuple, par le peuple ». Lorsque, en France, l’illusion du roi de droit divin fut usée, le mot « démocratie » porta un espoir flattant chaque citoyen, même le plus modeste.

Ce mot magique persuada les êtres les plus frustes qu’ils n’étaient plus « sujets » d’un roi, mais participaient au gouvernement. Les plus crédules disent même « l’État, c’est nous ». Depuis deux siècles, cette illusion démocratique fonctionne avec succès.

magie du « public »

Pour entretenir cette illusion d’une fausse démocratie, l’État produit d’autres illusions complémentaires et les impose par la loi. L’État utilise les lois et l’argent au service d’une intense propagande illusionniste. Par la loi, l’État entretient la confusion entre les mots État, pays, nation, patrie, peuple. Le mot « public » remplace habilement « étatique ». Tels « bien public », « ordre public », « service public », « trésor public » donne l’illusion agréable que chacun posséderait un peu de l’argent de l’État, du patrimoine de l’État. La « comptabilité nationale » considère que toute dépense produirait une valeur égale à la dépense. Elle est ainsi conçue pour falsifier toute estimation de valeur.

Pervertir le sens des mots, leur donner une deuxième définition, est un des moyens de l’illusionniste étatique. La « solidarité » n’est plus volontaire, et devient, en fait, une contrainte étatique de spoliation. Le « principe de précaution » n’est plus synonyme de « prudence ». Il devient, en fait, un principe constitutionnel d’arbitraire et d’irresponsabilité de l’État. Les techniques de communication et du langage sont largement utilisées pour influencer le subconscient des citoyens.

Dans le passé, le monopole électrique nous vantait les bienfaits du service qu’il nous proposait. La volupté de l’eau chaude de notre douche nous plongeait dans une douce illusion du bienfait que nous apportait EDF. Des pages entières de publicité – de propagande, puisque monopole d’État – nous berçant de la douce illusion d’aimer soudain ce service public nous apportant tant de bienfaits. Notre jouissance d’un service quasi nécessaire nous fait lécher la main étatique qui nous l’apporte. Notre reconnaissance et notre gratitude envers l’État est une illusion fondatrice de la République.

illusion fiscale

Nous avons l’impression que l’État nous en donne plus que les impôts que nous avons payés. Ce sentiment agréable est une illusion, c’est l’illusion fiscale. L’illusion fiscale est l’écart caché entre les effets perçus et les effets réels d’une action étatique.

Pour payer moins d’impôts, un contribuable produit moins. Tout impôt est ainsi une incitation à moins produire. Pour obtenir une subvention, un faux chômeur, par exemple, travaillera moins. Là encore, une subvention est une incitation à moins produire. Le total des richesses ainsi non produites à cause de l’impôt, est presque égal à l’impôt. L’État n’en parle pas pour éviter que le peuple conteste davantage l’impôt.

L’illusion étatique masque, travestit chaque action de l’État spoliateur. « Plumer l’oie de façon à avoir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris », disait Colbert. La TVA, l’impôt le plus efficace, est indolore, presque invisible. L’interdiction de concurrencer les services publics les rend plus précieux. Chacun remercie alors l’État de lui fournir l’assurance santé, la sécurité, les transports, la monnaie, la justice, et l’enseignement. Ce monopole étatique cache aux citoyens que les services « publics » leur coûtent très cher.

L’État crée l’illusion de générosité, de gratuité. Elle se voit. Mais l’État spolie les pauvres, cela ne se voit pas. Ainsi l’illusion étatique la plus accomplie est celle des « charges sociales ». L’employeur verse les charges patronales et salariales. Mais c’est le salarié qui les supporte. Le terme « charges patronales » est une illusion forte car légale. Par cette illusion, l’État taxe le salarié en feignant de taxer l’employeur. C’est une illusion parfaite.

Couverture de Libres !

 

Gérard Dalardot, in Libres !, 2012