Ne nous trompons pas sur la nature de la corruption

Récemment, dans un ouvrage intitulé « L’horizon du néolibéralisme, c’est le « parrain », un certain Emmanuel Todd introduit ses propos par : « Dans les pays avancés, la corruption est désormais légale. Et elle soulève une question fondamentale : le capitalisme peut-il continuer à fonctionner sans morale contraignante ? » Propos sidérants d’inculture scientifique et philosophique. Évidemment, sidérant n’est pas tant le fait que la corruption soit désormais légale, ce qui est une lapalissade pour celui qui a compris le sens de la liberté, mais plutôt de venir rattacher le capitalisme à cette corruption légalisée.

Tout d’abord, lorsque nous parlons de corruption, il faut s’entendre sur sa définition. La corruption au sein de la société est une perversion ou une dégradation de ce qui est moral. Et parce que la moralité est à géométrie variable selon les lieux, les époques et les individus, nous aurons une multitude de définitions si nous ne prenons pas soin de posséder un référentiel commun … absolu. Pas facile, puisque ce qui est humain est trop souvent de nature relative. Aussi, une fois de plus, nous ne trouverons aucune réponse dans la législation des états, c’est-à-dire dans le droit positif, puisqu’il est lui-même sujet à relativité et à corruption, mais dans la nature des choses : le droit naturel.

corruption

Stopper la corruption ? Chiche.

Que trouver de plus moral qu’un individu qui agisse selon sa pensée ? Car celui-ci est-il en mesure de s’auto-corrompre ? Certes, il peut y avoir autant d’actions différentes et contraires que d’individus, mais il ne s’agit pas de mettre d’accord les individus entre eux. Si un individu agit à l’inverse de son intérêt, il ne peut que s’en remettre à sa conscience : il n’a de compte à rendre à personne d’autre qu’à lui-même.

Certains pourraient estimer qu’un suicide est un acte de corruption au regard du droit naturel à la survie. Mais l’individu n’appartient à personne d’autre qu’à lui-même, et c’est de son droit de cesser de vivre, même si autrui estime que la disparition physique de l’individu lui fait moralement du tort, on ne peut parler de corruption. Et c’est à ce stade, lorsque il est abordé la notion d’appartenance, que le droit de propriété prend tout son sens. Dilapider sciemment son patrimoine n’est pas une corruption. La corruption est cependant l’utilisation par un tiers de la propriété d’autrui sans le consentement de ce dernier, peu importe le moyen, dans le but d’obtenir un avantage personnel, immédiat ou différé.

Ce qui est « public » est corruption

La corruption survient lorsque des personnes ont accès à l’utilisation de la propriété d’autrui. Dans le domaine privé, on peut évoquer de la corruption mais elle sera systématiquement assimilable au vol par l’appropriation d’une part de cette propriété d’autrui. Dans ce cas là, les victimes du vol sont toujours identifiables comme une ou des personnes physiques propriétaires. Il est à inclure toute personne morale qui appartient toujours, in fine, à une ou des personnes physiques.

monnaie

Vous reprendrez bien un peu de monnaie ?

La corruption survient véritablement lorsque la propriété est pervertie ou dégradée, c’est-à-dire qu’elle a été corrompue en appellation « publique » et qu’il devient impossible d’identifier le ou les propriétaires victimes du vol.

Est-il moral que l’état, institution sans propriétaire, puisse s’approprier arbitrairement une part de la propriété d’autrui sans le consentement de ce dernier ? La dégradation ou la perversion morale de la propriété est la source de toute corruption. Cherchez bien mais vous ne trouverez aucune justification, pas plus philosophique que scientifique, de l’appellation de propriété publique si ce n’est l’exercice du pouvoir sans avoir de compte à rendre par ceux qui sont à l’origine du vol de la propriété. Lorsque vous ajoutez « privée » à propriété, vous faites un pléonasme et lorsque vous associez « publique » à propriété, vous commettez un oxymore. En ne l’admettant pas, vous participez à la corruption de la société par l’état.

Légalité collective vs légitimité individuelle

La raison de l’argument de la lutte contre la pauvreté est à balayer : on trouve chez Hans-Hermann Hoppe la praxéologie nécessaire permettant d’arriver à la conclusion qu’aucune violation de droits de propriété légitimement acquis ne peut-être rationnellement justifiée. « L’intérêt général » n’existe que dans les fantasmes des interventionnistes : toute activité de l’état doit respecter cette conclusion sous peine d’entrer inévitablement à plus ou moins brève échéance dans le mécanisme de corruption. Ainsi pour réaliser ses activités, il se vérifie plutôt que l’état engraisse une armée administrative monopolistique qui ne permet aux pauvres de sortir de leur condition de pauvreté – il n’y a pas intérêt.

L’état est pris dans une contradiction de légaliser de ce qu’il a spolié pour expliquer qu’il en fait un usage honnête alors que ceux qui effectuent cette surveillance ne sont pas indépendants et en tirent profit au détriment des légitimes propriétaires dont le consentement n’existe pas.

Bastiat

Le pillage selon Frédéric Bastiat.

Pour paraphraser E. Todd, demandons-nous si : « Dans les pays avancés, la corruption est désormais légale. Et elle soulève une question fondamentale : l’état peut-il continuer à fonctionner sans morale contraignante ? »

Ainsi cette lutte contre la pauvreté est tout à fait illusoire car l’état ne fait que piller la richesse déjà produite par les propriétaires privés, du plus pauvre au plus riche. Il n’a jamais enrichi les pauvres, mais une armée de parasites. Car quelle est la raison humanitaire qui puisse justifier la légalisation de l’arbitraire ? L’état, en constituant un « butin fiscal » sous différents prétextes, fait disparaître la propriété légitime de propriétaires physiques. Il possède le comportement, ni plus, ni moins, d’une mafia. Car la légalité collective par la démocratie corrompt la légitimité individuelle. Et la fiscalité qui s’exprime par ceux qui ont eu la majorité électorale est à la source de cette corruption : supprimez toute taxe et impôt et vous supprimez la cause de toutes les corruptions. En faisant disparaître le « butin public », il ne subsiste qu’un ordre social de nature privée qui est la seule norme qui se justifie sans contradiction logique.

Dans une société privée, tous les échanges, initiés par les propriétaires légitimes, deviennent naturellement moraux : la corruption disparaît. Le capitalisme n’est pas une idéologie sortie du cerveau de l’être humain : il est dans la nature des choses d’accumuler des connaissances et d’accroître les richesses. En fait, comme beaucoup, pour ne pas dire l’ensemble des partisans d’une quelconque forme de collectivisme, E. Todd nomme mal les choses. Il confond « capitalisme » avec « mercantilisme » qui est la corruption du premier, comme d’autres confondent « capitalisme » avec « libéralisme ».

Pour commettre sa corruption légale et s’enrichir au détriment de la société des hommes, l’état s’est emparé de la monnaie qui n’est que le moyen de l’échange économique entre les individus. Retirer la monnaie à ces derniers, c’est comme retirer les outils (bêche, fourche etc…) aux jardiniers : leur jardin ne produiront pas les quantités souhaitées. Par la fiscalité, l’état corrompt le fonctionnement économique « normal » et empêche la prospérité. Il n’est qu’un monstre sorti de l’esprit des hommes de pouvoir ayant remplacé la souveraineté divine ou royale sur un territoire. Pour asseoir la corruption, il prétend avoir une légitimité d’action violente en obligeant les individus qui s’y trouve à respecter l’arbitraire juridique qui s’y développe sans aucun contrat de consentement de la part des intéressés.

Vol dans le privé, corruption dans le public

Pour que cela soit moins abstrait, prenons des exemples.

Exemple 1 : Au sein d’une entreprise privée, un acheteur met au point un système de surfacturation des prestations avec une entreprise sous-traitante qui accepte pour permettre de maintenir son niveau d’activité. En retour, il se fait payer annuellement ses congés dans les îles. L’entreprise privée est-elle lésée ? On peut éventuellement estimer que oui car elle semble payer une prestation plus élevée à son sous-traitant traditionnel.

Tout d’abord, il n’est pas sûr qu’un autre sous-traitant soit plus compétitif. C’est à l’entreprise privée de mettre en place les moyens de comparaison, mais ce coût supplémentaire serait-il en final moins élevé que le coût des congés du comptable que l’on peut juger indélicat ? Le sous-traitant, en faisant ce cadeau, n’est pas non plus victime, puisqu’il maintient au prix convenu et accepté par l’entreprise, le niveau de ses prestations.

Il est vraisemblable que si le(s) propriétaire(s) apprenai(en)t ce système de surfacturation, il(s) se séparerai(en)t, au minimum, en réclamant à juste titre des dommages-intérêts à la hauteur du préjudice, de son (leur) comptable pour cause de vol, et non de corruption comme certains pourraient le penser. Le comptable a mis au point un stratagème, avec certes la complicité consentie du sous-traitant, pour voler son employeur qui est le propriétaire identifié du préjudice commis.

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Corruption de l’aide au développement.

Exemple 2 : Au sein d’une collectivité locale, un politique pèse sur le choix des attributions des marchés publics. En lien avec une entreprise de BTP, il est celui qui accepte les avenants une fois les marchés attribués le plus souvent au moins disant. À l’ouverture des plis, il communique toutes les informations nécessaires pour que cette entreprise puisse être régulièrement la moins disante lors du dernier tour de table. En contrepartie de cette faveur, l’entreprise de BTP lui paye ses congés dans les îles. Ceci semble être identique à l’histoire précédente, mais ce n’est pas le cas.

Tout d’abord, l’argent public n’a pas de propriétaire identifié : l’argent est à tout le monde et en même temps à personne. Quiconque ne peut donc agir directement en prétendant avoir été victime du vol. Qui va décider et surtout apprécier du bien fondé à mettre en place des contrôles adaptés et économiquement justifiés pour éviter que ce vol survienne ?

Celui qui s’appelle l’état n’est pas le mieux placé pour se placer en victime puisque c’est par lui que survient la corruption. Sans lui, cette incongruité appelé « argent public » n’aurait pas d’existence. De quoi est formé ce qui peut se nommer aussi le « butin fiscal » ? De la spoliation arbitraire des acteurs privés.

C’est-à-dire que l’état n’est ni plus, ni moins que le voleur initial à des propriétaires identifiés. La corruption existe à l’origine par le fait que l’état n’a aucun contrat avec ces propriétaires pour en transférer légitimement la propriété. La législation et la fiscalité sont les armes spoliatrices et l’épée de Damoclès, pour faire payer ceux qui refusent d’être pillés, il est utilisé la force publique.

Plus l’état grossit, plus la corruption se développe

Plus l’interventionnisme et le pillage étatique se développent, et plus la tentation de la corruption se manifeste. Il est à constater que l’état est le plus grand prédateur qui soit de la propriété privée et de ce fait l’instigateur de la corruption économique de la société et donc du développement du mercantilisme, cette course effrénée à la recherche de monnaie sans comprendre la nature et l’objet de la monnaie. Quand il est confondu les moyens (les outils) avec les fins (ce que les outils permettent de réaliser), la corruption surgit. Cette corruption attise de manière constante la rapacité des parasites tout en générant des conflits sociaux avec les personnes qui s’estiment récipiendaires du « butin fiscal ».

La société vit au rythme de guerres militaires ou électorales et de successions de crises économiques. L’unique issue pour sortir de cette corruption permanente est l’évolution vers la constitution concurrentielle de sociétés (« privées ») à contrats politiques consentis, constituées elles-mêmes en une société (« privée ») dont le seul but est de garantir la paix et la prospérité, et donc le droit de propriété. De tels contrats (pas besoin de préciser « légitimes » parce que consentis par chacun) ne peuvent qu’être supérieurs en terme de robustesse sociale à tout fonctionnement étatique imposé par un état légal mais donc l’unique finalité est d’être mercantile.

Hazlitt

Henry Hazlitt – Quand votre argent est pris par un voleur, vous n’avez rien en retour. Quand votre argent est pris via des taxes pour financer des bureaucrates inutiles, c’est exactement la même situation.

N’oublions pas de préciser, pour conclure, que le père et le concepteur de l’état-providence, l’homme qui a mis en pratique l’idée d’acheter la loyauté de certains groupes avec de l’argent extorqué à d’autres, c’était Bismarck – l’ancêtre politique de Hitler. L’état-providence, né de la spoliation permanente de la société des hommes est à l’opposé de la notion de « capitalisme » (si tant est que celui-ci ne soit pas assimilé à l’idéologie inventée par Marx).

Le capitalisme n’est que le constat de l’augmentation des connaissances, cause naturelle de l’augmentation de la richesse. La monnaie (ou ce qui est appelé de manière populaire « l’argent ») n’a jamais été la richesse mais n’est qu’un moyen d’échange. Quand vous aurez compris que l’état ne s’intéresse pas à la vraie richesse créée, mais est avide du moyen qui permet de développer cette richesse, vous aurez compris que l’état, quelle que soit sa forme, n’est pas l’ami de la société, mais bien son ennemi.

 

Bellegarrigue