« Le libéralisme consiste pour tous les hommes dans l’égal développement de leurs facultés inégales. » – Louis Blanc
Une même liberté
Le libéralisme vise à donner la liberté à chacun de se développer au maximum dans la limite de ses facultés propres. Notre liberté est égale, tout en gardant nos différents modes de vie et talents.
Ce socle philosophique a été transposé dans l’article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Il s’agit d’une égalité juridique : il existe entre nous une égalité de droits et de libertés.
Comme nous avons tous les mêmes droits et les mêmes libertés, la liberté des uns ne saurait empiéter sur celle des autres sans que cela ne constitue une agression : la liberté de l’un ne pourrait être plus grande au détriment de celle de l’autre. La liberté des uns s’arrête là où commence la liberté ou la propriété des autres. [1] Nous sommes libres, mais responsables de nos actes.
Par exemple, vous pouvez dégrader ou détruire la propriété d’autrui, mais le propriétaire du bien peut intenter un procès contre vous afin de se voir indemnisé de son préjudice ; vous pouvez voler la propriété de quelqu’un, mais vous ferez probablement l’objet d’un procès au pénal ; vous êtes libre d’exprimer une insulte envers quelqu’un dans un journal, mais ce dernier pourra exercer sa liberté d’expression en un droit de réponse, peut-être plus à son profit qu’au vôtre. [2]
En conséquence de cette égalité juridique, les libéraux combattent toute forme de privilège accordé par l’État : car ce serait créer une disparité de droit fondée par des critères sociaux, culturels, religieux envers l’exercice de la liberté. [3] La personne élue à une charge publique, par exemple, ne pourra pas voler ou diffamer sans potentiellement subir les mêmes conséquences que tout autre citoyen. Concrètement, ce principe pourrait être violé par le privilège accordé à un haut fonctionnaire à qui on ouvre la route, y compris dans un bouchon, ou par l’immunité pénale d’un élu pendant son mandat.
Lorsque les étatistes réclament plus de droits (droit au travail, droit au logement, éducation gratuite, droit des non-fumeurs, salaire minimum, etc.), ils augmentent les privilèges des uns par la restriction de la liberté des autres.
L’égalité juridique explique aussi pourquoi les libéraux s’opposent à tout monopole étatique : il est discriminatoire, puisque l’entreprise monopolistique a de facto plus de droits qu’une potentielle concurrente. L’une peut exercer le commerce librement et l’autre non. Les entreprises publiques méritent la même remarque car elles bénéficient d’aides et subventions de l’État.
Ce principe interdit aussi tout interventionnisme. Par exemple, l’administration qui renfloue les caisses des entreprises en faillite, les subventions publiques : toutes les entreprises doivent être égales devant la possibilité de réaliser des bénéfices ou devant le risque de subir des pertes, toutes doivent pouvoir faire faillite. Autre exemple, le mirage de la justice sociale et de « l’égalité des chances », avec ses différentes classes de privilégiés. [4]
De la même façon, les libéraux combattent le protectionnisme. D’une part, il peut être considéré comme un privilège instauré au profit d’une personne au détriment de la liberté de vendre d’un concurrent. D’autre part, il constitue une restriction à la liberté de choix du consommateur. Vous ne pourriez pas, par exemple, acheter un produit étranger de bonne qualité – sauf bien sûr à un prix surévalué.
Des facultés différentes
Si la liberté de développer ses capacités est la même pour tous, les facultés de chacun sont par contre différentes de celles des autres. Celui qui ne possède que son corps et son vêtement est aussi libre qu’un riche rentier. Ce qui diffère entre eux, c’est bien leurs seules capacités respectives.
Votre vie vous appartient et ceci implique qu’aucune autre personne n’ait plus de droits sur votre vie et sur vos choix que vous-même. Par conséquent, chaque individu peut développer librement ses facultés, opinions et convictions personnelles, même si elles se heurtent à celles des autres.
Par exemple, une personne est libre d’aimer une musique déterminée, une autre d’avoir une vie sexuelle comme elle le désire, de boire ou manger ce qu’elle veut, d’avoir un hobby, d’avoir peu ou beaucoup d’enfants, d’exercer une profession, de s’enrichir.
Nous pouvons ainsi conclure que la finalité de l’État est d’assurer qu’un individu ne porte pas atteinte à la liberté d’un autre : garantir sa protection et une justice impartiale. Mais, ensuite, il doit respecter lui-même les choix de chacun : être neutre, et rien d’autre.
Pour les collectivistes, il faut arriver à une égalité de capacités par l’intervention de l’État. Selon eux, il serait possible par l’imposition de normes sociales (restriction de la liberté) d’augmenter comme par magie les capacités de chaque individu. [5] Alors que les lois de l’économie font que c’est par la liberté, le libre-échange, qu’on acquiert la capacité.
À partir du moment où l’autorité publique exauce ces demandes de régulation sociale, elle arrête d’exécuter son devoir essentiel de neutralité vis-à-vis du choix de chacun : lutte contre le tabac, la prostitution, l’alcool et la drogue, contrôle et financement des cultes, réglementations sanitaires et sécuritaires, « justice » fiscale et sociale. Les pouvoirs publics estiment quel est le type de comportement acceptable pour le citoyen « normal ». C’est ainsi que l’État, ce Léviathan dépourvu de chair et d’os, intervient dans toutes les sphères de la vie privée pour nous enseigner comment il faudrait vivre : ce qu’il faudrait manger, comment construire une maison. Et demain, comment avoir un rapport sexuel.
Ceci est-il inéluctable ? Les libéraux pensent que non. Seul un État minimal et impartial, garant du libre développement des facultés de ses citoyens, peut nous apporter la prospérité. Nous sommes convaincus que Léviathan s’autodétruira, avant longtemps.
Jean-Philippe Paile, in Libres !, 2012
[1] Article IV de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. »
[2] Autre article sorti de la plume d’un juriste libéral (Portalis), article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »
[3] Emmanuel-Joseph Sieyès, « Essai sur les privilèges et autres textes », Dalloz, 2007.
[4] Mickaël Mithra, « Liberté, capacité et pouvoir »
[5] Hans-Hermann Hoppe, « L’égalité des chances », traduction F. Guillaumat.