C’est manifeste

Il se déroule actuellement en Belgique des manifestations provoquées par certains « services publics », comprenant entre autre bpost, des membres du personnel hospitalier, des employés communaux, etc. C’est l’occasion idéale d’analyser la situation actuelle pour mieux la comprendre.

Bien sûr, des manifestations sans syndicats faisant grève, c’est un peu comme une tarte à la crème sans crème ; ainsi, il serait intéressant d’analyser leurs revendications, leurs conséquences, et de voir si ces derniers ont une quelconque légitimité dans leur existence ou dans leur façon d’agir. Quel est l’avis des libéraux sur la question ? Les syndicats actuels sont-ils vraiment les défenseurs de la veuve et de l’orphelin ? Sont-ils liés à l’État d’une quelconque manière ? C’est ce que nous allons essayer de décoder entre ces lignes.

syndicats

« Des centaines de travailleurs des administrations communales manifestent à Bruxelles. »

L’enfer est pavé de bonnes intentions

La première critique à adresser aux syndicats tient aux moyens qu’ils utilisent pour appliquer la grève en elle-même : à savoir utiliser la force et l’intimidation pour bloquer les routes afin de « paralyser l’économie », selon leurs revendications. Cependant, il est bien évident que ces conséquences ne sont pas bénéfiques à tout le monde : en effet, si l’on applique le principe du « ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas » cher à Frédéric Bastiat, ce que l’on voit, ce sont des individus qui protestent afin d’obtenir des revendications ; ce que l’on ne voit pas, ce sont les personnes pénalisées par les méthodes utilisées par les syndicats :

  • En premier, les contribuables ne pourront pas utiliser les services publics dont on nous affirme pourtant qu’ils ont besoin.

Or, s’ils ne peuvent pas les utiliser, il y a perte de revenus : le financement des services publics se voit donc stoppé temporairement. De ce fait, cela va se répercuter… sur le contribuable lui-même. Pourquoi ? Car c’est ce dernier qui permet aux services publics d’obtenir des revenus : non seulement le contribuable ne peut pas accéder aux services qu’il paye, mais il doit aussi compenser la perte due aux grèves… Par suite, le contribuable paye deux fois : une première fois pour le service, une deuxième fois pour compenser les grèves de ce même service. Enfin, nous pouvons également prédire que si la grève crée une perte trop importante de revenus, il y a une possibilité que cela se répercute de nouveau sur le contribuable qui devra payer des impôts et des taxes pour combler les déficits des services publics !

Notons que si l’on fait la comparaison avec une grève qui se serait déclenchée dans une entreprise privée, le contribuable n’y aurait pas été pénalisé : les répercussions auraient rebondi uniquement sur les employés et sur la société. Au contraire, par leur statut de monopole et de service public, les syndicats défendent les privilégiés au détriment des plus défavorisés tout en étant eux-mêmes des privilégiés qui critiquent… les privilégiés ! C’est à en perdre son latin.

  • En second, les personnes bloquées de force par la grève ne pourront pas travailler, ce qui va à la fois pénaliser le salarié et l’entreprise qui l’emploie.

Que se passe-t-il si le salarié est quelqu’un de pauvre qui a une nécessitée absolue d’obtenir des revenus pour nourrir sa famille ? De plus, si la grève se répercute en créant des pertes à l’entreprise, cela peut amener à une possibilité de réduire le personnel, ou dans la situation la plus grave, à une fermeture de l’entreprise elle-même. Il y aura alors création de chômage… Ainsi, si le but des syndicats est d’aider les employés, ils doivent surtout laisser tout le monde travailler, sous peine de les pénaliser et d’atteindre un objectif qui va à l’encontre des solutions recherchées.

Ainsi, comme expliqué ci-dessus, les contribuables de même que certains salariés seront pénalisés, ceci afin de protéger un groupe particulier d’employés ; c’est en soit absurde : pourquoi protéger certains au détriment des autres ? Si les syndicats tenaient tant à leur titre de « défenseurs des salariés », ils devraient aider tout le monde, non ? Une des revendications des syndicats étant justement de créer des emplois, le résultat de leurs intentions provoque l’effet inverse du but recherché car ils aident les puissants en pénalisant les faibles. Ironique, n’est-ce pas ?

Travailler moins pour gagner plus ?

Une autre revendication des syndicats est l’engagement de salariés supplémentaires, jugeant qu’il est trop difficile pour le personnel actuel de travailler avec si peu de main d’œuvre car il y aurait trop de tâches à effectuer. Cela peut être une revendication légitime et cohérente, prenons l’hypothèse. Cependant, les syndicats demandent également de « travailler moins en gagnant plus ». Si l’on suit la cohérence de leurs revendications, la logique devrait être plutôt « gagner autant, mais embaucher d’autres employés » pour réduire la charge de travail ; ainsi, les syndicats réclament donc le beurre, l’argent du beurre et le lait de la crémière…

Mais soit, admettons : la conséquence finale de cette augmentation des salaires sera un chômage plus important qu’avant, car les entreprises les moins solides feront faillite, et les ouvriers les moins qualifiés seront remerciés. La production baissera de proche en proche, et/ou cela se répercutera en un coût de production plus élevé que précédemment, impliquant une hausse des prix qui pénalisera le consommateur. Or, moins ce dernier possède d’argent, moins il peut les dépenser pour d’autres services qui rémunéreront d’autres employés (qui pourraient donc se retrouver au chômage aussi). Une fois de plus, la conséquence des actions syndicales favorisera certains employés déjà « privilégiés » à la base, au détriment d’autres, tout en créant du chômage et pénalisant moult industries. Zéro sur toute la ligne !

Hazlitt

Henry Hazlitt est traduit chez l’Institut Coppet.

Ponctionnaires

Par ailleurs, le lecteur attentif aura remarqué que le terme de « salariés » a été utilisé pour désigner les employés des services publics, alors qu’en réalité, ce sont des fonctionnaires ! Comme le dirait Henry Hazlitt :

« On oublie, là aussi, que si ces fonctionnaires sont remerciés, l’argent des contribuables qui servait à les entretenir se trouve libéré. On oublie, là aussi, que le pouvoir d’achat des contribuables et leur revenu montent dans la mesure même où descendent ceux des fonctionnaires remerciés. Si les commerçants qui ravitaillent ces fonctionnaires ont un manque à gagner, d’autres un peu plus loin augmenteront leurs gains au moins autant. Washington deviendra une ville moins prospère et fera peut-être vivre moins de magasins, mais d’autres villes en alimenteront davantage.

Une fois de plus pourtant la question ne s’arrête pas là. Non seulement le pays ne se porte pas plus mal d’avoir renoncé à ses fonctionnaires en surnombre que s’il les avait gardés, il se porte beaucoup mieux. Car ces gens sont obligés de chercher des emplois privés, ou de s’établir à leur compte. Et le pouvoir d’achat augmenté des contribuables va accentuer ce mouvement. Ces fonctionnaires ne trouveront du travail que dans la mesure où ils rendront des services à ceux qui les emploieront — ou plutôt aux clients des patrons qui leur procurent des emplois. Au lieu d’être des parasites, ils sont devenus vraiment des hommes et des femmes productifs. »

Ainsi, moins de fonctionnaires signifie plus d’argent dans la poche du contribuable pour lui permettre de faire ses propres choix, tandis que les fonctionnaires cesseront d’être nuisibles et deviendront productifs. Pétard mouillé pour les syndicats, la concurrence crie victoire et grincement des dents du contribuable.

Pétard mouillé

Car imaginons que les revendications des syndicats soient acceptées : comme nous l’avons vu, cela va créer un net désavantage pour certains employés, mais pas pour ceux du service public, qui vont gagner des avantages plutôt conséquents, à savoir travailler moins pour gagner plus. Malgré tout, peut-on considérer que cela pourrait constituer une stratégie payante pour les privilégiés qu’ils défendent ? À moyen terme ou long terme, il est clair que non.

En effet, si les salaires augmentent et que les employés produisent moins, le prix de la production sera donc touché, ce qui se traduira par un prix plus élevé pour le consommateur. La concurrence, remarquant une opportunité pour attirer des clients, proposera donc des prix plus bas afin d’attirer les clients déçus du service public.

Le service public, qui ne pourra pas lutter, devra compenser par des taxes et des impôts afin de combler le « trou » pour avoir un prix équivalent à ceux de leurs concurrents. Encore une fois, ce sera le contribuable qui devra payer les dégâts, pour au final des revendications qui n’ont été favorables qu’à un groupe de privilégiés, au détriment de tous les autres individus…

L’origine des syndicats, et leur légitimité actuelle

« Vous ne pouvez pas traiter les ouvriers comme ça ! Un jour, on formera un syndicat et l’on gagnera le droit d’être traité avec justice… Ensuite, on ira trop loin, on sera corrompu et fainéants, et les japonais nous boufferont tout cru ! »

Ce dialogue amusant est tiré d’un épisode des Simpson (S04E17, « Grève à la centrale »), il est assez drôle car il comporte des éléments de vérité, en particulier les errements politiques.

Face à un patron abusif, il est envisageable pour un employés de s’associer avec ses collègues pour espérer un meilleur rapport de force. En effet, si une entreprise doit se passer d’un employé, cela n’est pas toujours une grande perte, mais c’en est une si le nombre devient élevé. Cette association d’employés, que l’on appellera « syndicat », permettra de négocier les conditions des contrats, et de faire en sorte que ceux-ci soient mieux respectés. Pour les libéraux, les contrats sont la base juridique d’une société libre : ainsi, quand les syndicats respectent ce rôle, ils sont tout à fait utiles et souhaitables. Cela permet une meilleure communication entre ouvriers et patron, et à chacun d’avoir une meilleure prospérité réciproque.

Chez les socialistes, la définition du syndicat est tout autre, car elle sert de transition à une révolution prolétarienne : ainsi, au lieu de tenter simplement l’amélioration de la condition ouvrière, leur but est de tout sacrifier pour créer une société parfaite sans classe, et annihiler ce qu’ils nomment « la bourgeoisie », notamment en s’emparant des moyens de production. Les socialistes nient donc le droit de propriété, et veulent utiliser la violence si le besoin est nécessaire.

Bastiat

Frédéric Bastiat.

Revenir à Bastiat

Au cours du XIXe siècle, les libéraux défendant les « vrais syndicats », étaient coincés entre la politique répressive des conservateurs, et les idéologies socialistes, avec cette définition de « syndicat » rimant avec « dictature du prolétariat ». Il faut rappeler qu’à l’époque, la grève était quelque chose d’interdit par la loi : obliger quelqu’un à travailler contre sa volonté relève tout simplement de l’esclavage. Cette critique fut formulée par Frédéric Bastiat :

« Car qu’est-ce qu’un esclave, si ce n’est l’homme forcé, par la loi, de travailler à des conditions qu’il repousse ? Une action qui est innocente en soi n’est pas criminelle parce qu’elle se multiplie par un certain nombre d’hommes. »

Cependant, l’auteur libéral ajoute également deux éléments importants :

  • Les travailleurs doivent prendre leur responsabilité, et prendre conscience que la grève peut leur nuire (notamment en leur faisant perdre de l’argent et en ternissant leur image) :

« Je suis d’accord, explique Bastiat à la tribune, que, dans la plupart des cas, les ouvriers se nuisent à eux-mêmes. Mais c’est précisément pour cela que je voudrais qu’ils fussent libres, parce que la liberté leur apprendrait qu’ils se nuisent à eux-mêmes. »

  • La grève a ses limites : elle ne doit pas utiliser la violence, et respecter le droit de propriété :

« Vous avez demandé une augmentation de salaires, nous n’avons rien dit ; vous vous êtes concertés, nous n’avons rien dit ; vous avez voulu le chômage, nous n’avons rien dit ; vous avez cherché à agir par la persuasion sur vos camarades, nous n’avons rien dit. Mais vous avez employé les armes, la violence, la menace ; nous vous avons traduits devant les tribunaux. »

Ainsi, la grève est-elle tout à fait légitime tant qu’elle n’engendre pas de violence, respecte le droit de propriété d’autrui, et que les grévistes assument leurs responsabilités (cela ne va toujours dans leur sens). La grève propre est donc en soi une liberté, et les libéraux se sont battu pour l’obtenir, tout en appliquant le respect dans la liberté des autres , contrairement aux socialistes qui se sont battu pour leurs propres intérêts.

Retour à l’état

À l’heure actuelle par contre, les grèves ne respectent pas ce que défendit Frédéric Bastiat. Tout a basculé quand l’État (encore lui !) s’en est mêlé en faisant en sorte que la grève devienne un faux droit, en créant des lois obligeant l’existence de syndicats en entreprise, et parmi certains syndicats politisés seulement. Cela s’est répercuté d’une façon négative, comme décrit plus haut dans l’article. La fonction syndicaliste est tombée sous le monopole de la gauche socialo-communiste, qui s’est auto-proclamée représentante des « travailleurs », alors qu’elle ne suit que ses propres intérêts.

D’ailleurs, si le syndicat est une bonne idée pour les ouvriers, pourquoi le rendre obligatoire ? Pourquoi ne pas créer une société privée permettant de fournir ce service aux « travailleurs » ? De plus, obliger une société à engager des syndicalistes implique de la marge en moins pour l’entreprise, donc un gain éloigné pour le salarié ! Et si ce dernier avait le choix de choisir le syndicat qui lui plaît au lieu de s’en faire imposer un monopolistique ? Ou mieux, et si on laissait le « travailleur » décider d’avoir ou pas un syndicat ?

En conclusion, les syndicats, à moins de retrouver la forme auparavant défendue par les libéraux, sont illégitimes et socialement nuisibles, et doivent être vivement combattus.

 

Yviad Sjilmer