Spaghetti et peur

Mes chers Romains connaissaient déjà le « Panem et circenses », qu’ils avaient sans doute piqué aux Étrusques dont la civilisation connaissait le principe des jeux, sans doute des mises en scène d’ordre religieux et privé. Je ne suis pas assez érudit, mais je gage que d’autres civilisations plus anciennes encore ont mis en œuvre une version du concept qui, soyons réalistes, n’a rien de bien compliqué. Retenez simplement que l’expression a sans doute été forgée par le bon Juvénal, vers le IIe siècle dans l’une de ses Satires et qu’il dénonce de la sorte la passivité des citoyens vis-à-vis du pouvoir, ce dernier les abrutissant à coup de denrées distribuées et de jeux pour les divertir (et ainsi les occuper à autre chose qu’à fomenter une révolte). Ainsi le calme était-il obtenu par ces fêtes, et la classe dirigeante s’assurait de la bonne volonté de la population, ne remettant pas en cause le régime.

Il semblerait que l’irremplaçable Benito Mussolini ait produit une variation sur le même thème en parlant de « I spaghetti e la paura », mais il se peut que ce soit une citation apocryphe. Ceci étant vous comprendrez pourquoi j’en ai fait le titre de mon billet un peu plus tard, je n’ai pas trouvé mieux pour essayer de vous obliger à me lire jusqu’au bout.

peur

Pain et jeux….

Ceci étant posé, j’aimerais vous inviter à prendre un peu de recul et à reconsidérer l’application somme toute primaire du concept, à savoir l’abrutissement planifié de la population, afin de bien saisir qu’il ne s’agit que d’une couche de vernis sous laquelle on peut parfaitement monter un mécanisme d’ordre psychologique plus général. Pour votre gouverne, nous sommes en plein dans le sillage du regretté Bastiat : « ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas », ce qui ne devrait pas vous étonner mais qu’il suffise de dire que j’attire votre attention sur cet aspect parce que je fatigue à force de l’entendre réduit à l’économie. Et puis pourquoi mentir ? j’aime bien vous étonner avec mes biais et mes angles d’attaque peu orthodoxes chez les libertariens, et je m’amuse à rappeler ici qu’il s’agit d’abord et avant toute chose de philosophie et que par conséquent vous êtes priés de ne pas venir m’exploser les glaouis avec une vision étriquée. Restez, vous allez comprendre…

Le sale air de la peur

Je vais reprendre à partir de la maxime pseudo-mussolinienne, qui comprend un mot très important : la peur ! Jadis les gouvernements agitaient invariablement la peur de l’étranger (comprendre : les puissances étrangères) et servaient à une populace qui n’avait pas encore accès aux internets des logorrhées bien ficelées avec de la bonne grosse corde de chanvre qui tournaient en général autour du thème du complot et des 5èmes colonnes à la solde d’une puissance étrangère qui … bref vous avez compris. D’ailleurs les régimes les plus débiles et les plus rétrogrades d’aujourd’hui ne font pas autrement, il suffit pour s’en convaincre de lire une traduction de ce que radote l’inénarrable Erdogan à longueur de harangues.

En général la terminologie choisie rassemble des termes comme « apatride », « international », « dématérialisé » etc. et se base sur des éléments de langage savamment assemblés par des gens dont c’est la spécialité et qu’on paie très cher pour ça – ce petit monde j’en ai fait partie, certains de mes lecteurs le savent. L’objectif est toujours le même : rassembler toute la cité dans une expérience commune, une peur que l’on transformera en passion, qui générera à son tour des passionaria et des héros qui serviront en temps voulu. Un récent ministre de l’écologie ayant aussi fait dans la savonnette est de ceux-là. Ce faisant, on éduquera afin que les individus non seulement connaissent mais aussi se passionnent pour le sujet. Et s’il s’agit d’un sujet dramatique, là on a le tiercé gagnant. Belote, rebelote et dix de der : on a le sujet, le narratif et le bon peuple enthousiaste et pour pas cher en plus puisque tout ça s’est financé par des taxes & des impôts idoines.

Si tout ceci ressemble fort à une organisation religieuse ne vous étonnez pas, car les mécanismes sont absolument identiques et les ficelles aussi qui rassemblent, en vrac : objectif transcendant, règles indiscutables, idoles & saints et bien entendu la participation financière sous forme de quête ou d’achat d’indulgence (l’ex-ministre déjà cité est à nouveau un bon exemple, surtout en termes de commerce d’indulgences).

Orwell

Les garder sous contrôle…

Ecologie : impérialisme.

Vous vous êtes déjà demandés pourquoi l’écologie bien qu’ultra-minoritaire dans les urnes est omniprésente dans la politique jusqu’aux plus hauts échelons internationaux ? Je vais poser une hypothèse : c’est parce que l’immense majorité des individus ainsi que celle des groupes sociaux qu’ils peuvent constituer ne savent plus penser politiquement le monde. En apparence, pourtant, tout est à peu près simple : l’occident et quelques autres pays vivent dans des régimes de démocratie représentative qui sont actuellement l’acmé de l’organisation sociétale, alors que le reste du monde se divise en régimes autoritaires plus ou moins ordonnés et policés ou en régimes carrément chaotiques et voyous.

Rien ne peut réellement rassembler ces réalités très différentes et souvent antinomiques, on a déjà essayé et ça marche pas trop en fait, parce que quand un Président français entend imposer un mode de vie à plus d’un milliard de Chinois, en général ces derniers lui envisagent très vite de lui humecter le sillon. Les églises chrétiennes, par exemple, ont essayé et non seulement nombre de missionnaires se sont fait bouffer avec des épices inconnues en métropole, mais en général ceux qui tenaient à leurs gonades se sont barrés ou ont tellement mis d’eau dans leur vin de messe que celui-ci est actuellement en vente à Évian avec une étiquette vantant les vertus minérales du breuvage.

Donc il faut construire un vrai mythe fédérateur neutre, laïc et vide de sens construit (entendez par là : vide de doctrine) et qui « parle » à Pierre, John, Li-Ping, Mohammed, Mamadou (vous finirez la liste vous-mêmes). Ce sera l’écologie et le sauvetage de la planète et tous les pays, de gré ou de force et à des vitesses variables, doivent rejoindre à terme les rangs des convaincus – il ne doit pas y avoir d’autre avenir enviable, pas d’autre idéal que celui de la téléologie verte inventée en Occident.

Universalité, simplicité, téléologie

Et là je sens que vous commencez à comprendre qu’on s’est bien éloigné du panem … initial pour verser dans un tout autre mode de manipulation et de contrôle des individus : la création (ou plus simplement la saisie de l’opportunité d’une génération spontanée) d’une sorte d’Église de Climatologie permet mécaniquement d’établir tout ce qui a manqué à toutes les tentatives précédentes en rassemblant les prérequis énoncés ci-avant : universalité, simplicité et téléologie.

  1. Universalité : il faut que tous soient concernés et se voient attribuer un bénéfice (la reconnaissance de leur vertu verte dans ce monde, l’éternelle reconnaissance des générations à venir pour lesquelles on se sera sacrifiés). Le marxisme a tenté le coup et s’est misérablement planté en termes d’universalité parce qu’il était un produit d’exportation et même adapté aux us & coutumes locales, il demeurait un système de valeurs imprégné d’occidentalisme. Même adapté à une réalité culturelle forte, comme en Chine, le marxisme a échoué à être universellement reconnu et accepté.
  2. Simplicité : il faut transformer les éléments un peu complexes en évidences et les amener à un niveau tel (quitte à mentir) que presque personne n’osera même les remettre en question. Le discours sera le suivant : « Nous n’avons qu’une planète, il n’y en n’a pas de rechange. » Et on affectera d’y croire envers et contre tout même si au plus profond le doute nous assaille tant la propagande est problématique (la ficelle reste grosse, c’est du chanvre bio !). Bref c’est un système de valeurs qu’un demeuré avec des moufles peut comprendre entre deux « gnééé ? » bien placés.
  3. Téléologie : la question de la finalité est ramenée à l’expression la plus simple d’une rationalité utilitaire. En d’autres termes, le « pourquoi ? » de toutes choses sera subordonnée et réduit à une finalité immanente qui sert un but qui est présenté comme réel mais qui est en réalité intangible (« sauver la planète », ça ne veut rien dire !)

    green

    Socialisme vert.

Explorer la Terre à délits

Je vais un petit peu insister sur ce dernier élément car c’est le coup de génie de cette gigantesque manipulation : en réintroduisant les notions de finalité et de téléologie, on ne subordonne pas du même coup les manifestations de la vie à une finalité extérieure mais à un principe d’utilité. Le marxisme-léninisme s’était puissamment gouré sur ce point parce qu’il affirmait que la société communiste serait éternelle, et l’éternité n’est pas une finalité. L’Église chrétienne, pourtant antérieure, avait pourtant bien balisé le terrain en proposant l’enfer sur terre (vérifiable) mais le paradis au ciel (invérifiable) et l’Apocalypse en fait bel et bien une doctrine téléologique. Sauf que, voilà : des Dieux il y en a plus que des morpions dans le string d’une prostituée éthiopienne et la plupart est antérieure à la version vaticane.

Alors qu’est-ce qui reste, comme possibilité téléologique simple et universelle ? La terre ! la Planète ! Gaïa-chérie existait, existe et existera encore pour un bon moment et ce tout à fait indépendamment : de nos préférences, de nos origines, de nos croyances, de notre couleur et même si on s’affirme non-binaire genderfluid ça n’aura aucune incidence. Elle est là, c’est clair, c’est net, c’est tangible « et ne me faites pas chier avec vos doutes sur la réalité de ce que je perçois, sur l’interprétation par le cerveau de ce que captent nos yeux, moi je sais ce que je vois. » Ceci n’est évidemment pas une vraie citation, mais comme je me situe à des années-lumière de ce genre de fadaises très courantes chez les ignares, j’ai choisi de la mettre à la fois en italique et entre guillemets. On a sa fierté, quoi ! Par contre ceci en est une de citation, d’un obscur poète belge que j’affectionne, Paul Chelot, qui a écrit : « La terre est là – Pour me convaincre de l’évidence de ma fin. » Il est tellement confidentiel que je n’ai même pas trouvé une référence sur Google™ …

L’évidence de ma fin … le regretté Dr Goebbels aurait sans doute rêvé de l’avoir inventée celle-là. C’est la version moderne du vieux truc chrétien qui fait intervenir le péché et la repentance et qui marche depuis 2018 ans, mais réduit à sa plus simple expression et dépouillé de toute connotation culturelle. Par contre le spectre de la damnation est toujours bel et bien présent, le « mal » existe et ses suppôts aussi ; je les ai rencontrés : c’est Monsanto, c’est l’Amérique, c’est toi, c’est moi aussi puisque je suis un mécréant assumé.

Y croient-ils vraiment ?

Ce n’est même pas du complotisme, vous savez, c’est plus simplement la version moderne d’un mode de gouvernement vieux comme la spoliation et la tyrannie, c’est une recette et rien de plus. Je ne suis même pas persuadé qu’on doive se poser la question « y croient-ils vraiment ? » Il s’agit simplement d’assurer la subsistance de sa caste et d’assurer sa pérennité afin que la descendance (de chair comme d’esprit) puisse s’y trouver une place et le fromage qui va bien. Le notaire qui passera l’étude à son rejeton n’agit pas différemment, mais lui au moins il n’enfume pas les foules.

« I spaghetti e la paura », c’est la carotte et le bâton traduits en un système de valeurs total (bon allez, je vais l’écrire puisque vous piaffez d’impatience : « totalitaire ») dont on n’a juste conservé que le bâton et qui est devenu véritablement global puisque la terre toute entière n’est plus qu’un village. Un village qu’il faut contrôler est bien entendu un village qui doit accepter d’être gouverné et donc : noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C’est, sous prétexte d’utilité publique, et au nom de l’intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré.

Oui, c’est de Proudhon et je trouvais que ça collait plutôt bien ! J’ajouterai simplement que vous serez aussi ratiboisés et tondus après avoir versé écot, dîme, octroi et autre gabelle qui (comme chacun le sait bien) sauvent la planète à grands coups de « de ta poche à la mienne ».

Et pour ce faire on garde la paura car si vous êtes assez débiles (voire salauds !) pour marcher dans la combine, il ne vous restera plus que les spaghetti comme pitance (et encore : des patates douces bolivariennes seraient préférables) puisqu’on vous aura spolié de tout, y compris de votre droit inaliénable à rêver à un monde meilleur car débarrassé de ces illuminés.

 

Nord