Le libéralisme en 21 questions – suite 8
Première suite de la série apériodique du superbe ouvrage pédagogique et de synthèse de Thierry Falissard, « Faut-il avoir peur de la Liberté ? », proposant un tour d’horizon du libéralisme authentique en 21 questions progressives.
L’ouvrage, très bon marché, est chaudement recommandé à tout esprit libre avide de découvrir rapidement l’essentiel des concepts, idées, principes de la liberté et de disposer d’une liste riche de références de lectures, pour approfondir.
Il est disponible en vente ici. Nous en profitons pour remercier l’auteur pour son autorisation, et pour son travail.
L’article précédent est accessible ici, et le prochain se trouve ici.
9 – Peut-on faire le bonheur des gens malgré eux ?
L’État n’est pas fondé sur des motifs éthiques, mais bien plutôt sur le besoin égoïste de chacun d’assurer sa sécurité en s’en remettant à un pouvoir qui le protège. [1] Il n’y a donc aucune raison de tolérer les prétentions éthiques de l’État (autres que celles qui relèvent de l’éthique minimale libérale) et les interventions qui en résultent.
Non seulement on ne peut pas faire le bien des gens malgré eux, car on est incapable de définir ce « bien », qui est une affaire personnelle, mais on risque ce faisant d’aboutir au résultat inverse, i.e. leur nuire ou les déresponsabiliser.
On ne peut que laisser aux personnes le maximum de liberté pour œuvrer dans le sens qu’elles veulent. [2] Agir autrement serait prétendre être supérieur au citoyen et mieux savoir que lui ce qui est bon pour lui. Or c’est là une attitude constante des pouvoirs de droite comme de gauche, déjà fustigée en son temps par Frédéric Bastiat : « Trop de gens se placent au-dessus de l’humanité pour la régenter, trop de gens font métier de s’occuper d’elle. » [3]
Une législation liberticide prétend souvent combattre un « vice » plus ou moins grave (la mauvaise hygiène de vie, la tabagie, la drogue, la pornographie, la prostitution, le négationnisme, etc.). Or, d’une part, « les vices ne sont pas des crimes », [4] ou sont des crimes (ou délits) sans victimes, ce qui revient au même. D’autre part, forcer les gens à être vertueux par la loi ou la répression n’est pas faire preuve de vertu. Le plus étonnant, en démocratie, est qu’on prétend imposer sa propre conception du bien et apprendre comment elles devraient se comporter à des personnes jugées cependant assez responsables pour avoir le droit de voter [5] et d’influer ainsi sur les destinées de leur pays.
Paternalisme d’État
Le paternalisme d’État se fonde sur une morale positive, ou sur une notion vague de la « dignité humaine ». Partagé ou non par une majorité, ce point de vue conduit au contrôle de multiples aspects de nos vies, en interdisant des activités ou des choix personnels légitimes. [6] Il ignore les critères libéraux du consentement [7] et de la non nuisance à autrui. Il procède de l’intolérance. « Un homme libre doit pouvoir supposer que ses semblables agissent et vivent d’une façon différente de celle qu’il estime être la bonne, et il doit perdre l’habitude d’appeler la police dès que quelque chose ne lui convient pas. » [8]
C’est sans doute dans le domaine de la liberté d’expression que le pouvoir tend à s’éloigner le plus de l’idéal libéral.
À suivre…
Thierry Falissard
[1] Selon la thèse d’un contrat social légitimant le pouvoir. La thèse de l’État prédateur (voir question 5), aboutit au même constat quant à l’éthique (ou l’absence d’éthique) de l’État.
[2] Cela ne s’applique pas aux personnes non autonomes (enfants, handicapés mentaux…)
[3] Bastiat, « La Loi » (1850).
[4] Titre d’un ouvrage de Lysander Spooner (1875).
[5] Et d’élire ceux-là mêmes qui veulent les brimer par la loi.
[6] Détention d’armes, adoption d’enfants, vente d’organes, sado-masochisme, voire lan-cer de nains, etc.
[7] Consentement éclairé, ce qui suppose une information correcte.
[8] Mises, « Libéralisme » (1927).