« La plupart des gens ne sont pas disposés à se battre pour des raisonnements, si même ils veulent bien les écouter. En revanche ils sont prêts à se battre, voire à mourir si nécessaire, pour des principes moraux. » – Ayn Rand
Morale libérale
La morale libérale s’articule autour de quatre concepts complémentaires : la liberté individuelle, la responsabilité, la recherche du bonheur par l’effort et la raison, et la propriété.
La liberté individuelle
Elle est le fondement commun à ces quatre concepts. Les trois autres s’en déduisent par une logique implacable, comme nous allons le démontrer ci-après.
Le libéral ne recherche pas sa petite liberté individuelle au détriment de celle des autres. Il recherche la liberté de chacun, la liberté de l’autre. On en trouve une formulation heureuse à l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. »
Le libéralisme n’est pas, pour le fort, la liberté de faire n’importe quoi au détriment du faible. Le libéralisme, c’est la protection du faible contre les exactions du fort. Vouloir qu’un individu soit libre, c’est s’interdire d’obtenir quoi que ce soit de lui par la coercition, et a fortiori par la violence. Si le libéral veut rallier quelqu’un à ses idées, il n’utilise pas d’autres moyens que l’exemple ou la discussion. S’il veut obtenir d’un autre un bien ou une prestation quelconque, il ne procède que par un échange librement consenti.
La responsabilité
Respecter la liberté des autres implique sa propre responsabilité. Être responsable, cela veut dire en effet assumer soi-même les conséquences de ses propres actes. Cela veut dire qu’il ne faut pas imposer aux autres le fardeau de ses erreurs ou de son imprudence. Réciproquement, on ne peut être responsable de ses actes que si on est libre de les commettre ou non. Liberté et responsabilité sont donc les deux faces indissociables d’une même médaille.
La recherche du bonheur par l’effort et la raison
L’homme dispose de facultés merveilleuses et d’un cerveau développé qui lui permet de concevoir des objectifs et d’entreprendre des actions pour les atteindre. Ces actions s’obtiennent au prix d’un effort. Leur résultat va augmenter ou diminuer sa satisfaction. Son cerveau lui permet de mémoriser le résultat de ces actions, de les analyser, et de tirer des conclusions sur la façon de les améliorer. C’est cette faculté qu’on appelle la raison.
On voit que grâce à ses efforts et à l’utilisation de sa raison, l’homme peut progresser indéfiniment vers la recherche du bonheur, mais à deux conditions :
- Qu’il soit libre de ses actions.
- Qu’il en assume les conséquences.
S’il jouit de la liberté, l’homme peut créer, inventer de nouvelles voies. S’il en assume les conséquences, il peut tirer parti de ses erreurs pour progresser. La recherche du bonheur n’est donc possible que dans un contexte de liberté et de responsabilité.
L’homme obtiendra des résultats d’autant meilleurs qu’il fera plus d’efforts et utilisera mieux sa raison. Il obtiendra des résultats meilleurs que les indolents ou ceux qui agissent sans réfléchir. Il y a donc là une source d’inégalité utile, car celui qui réussit par son travail et sa réflexion constitue un exemple pour les autres.
A contrario, n’est-il pas profondément injuste de récompenser de la même façon le paresseux et celui qui se donne du mal ? Celui qui fait n’importe quoi et celui qui réfléchit ? Le libéralisme ne recherche donc pas l’égalité des résultats. Il recherche l’égalité devant la loi et il considère comme immorales les inégalités qui résultent de la coercition : l’esclavage, les abus de pouvoir, les privilèges accordés à tel ou tel type de citoyen, notamment à ceux qui détiennent le pouvoir.
La propriété privée
Pour assurer sa vie, l’homme doit produire des biens qu’il pourra consommer, stocker, ou échanger, et des services qu’il pourra échanger contre d’autres biens ou services. Celui qui n’a pas droit au produit de ses efforts ne peut entretenir sa vie de la façon qu’il le désire. Si d’autres disposent de ce qu’il produit, il n’est plus un homme libre. La liberté individuelle implique donc que l’homme soit propriétaire de son travail, des fruits de ce travail, et des objets (dont le sol), auxquels il a mêlé son travail et qui n’appartenaient jusque-là à personne. La propriété acquise par la force, le vol ou la tromperie, est en contradiction formelle avec la morale libérale telle que nous l’avons exposée jusqu’ici.
Tous les individus n’ont pas les mêmes capacités, les mêmes aptitudes, ni les mêmes motivations à bien gérer ce qui leur appartient. Grâce à l’échange, les biens s’orientent peu à peu vers ceux qui ont les capacités ou la motivation pour en faire l’usage le plus efficient, à condition que l’échange soit libre. Comme dans un échange libre chacun trouve son compte et personne n’est lésé, la généralisation de ce processus entraîne une satisfaction croissante de tous.
Un autre avantage décisif de la propriété est la sécurité personnelle et familiale qu’elle procure dans ce monde peu paisible. Celui qui ne possède rien est non seulement démuni matériellement, mais fragilisé moralement. Pour affaiblir la résistance potentielle des Juifs, les nazis ont commencé par les déposséder de leurs biens. Pour assurer la docilité des populations, les communistes, partout où ils ont eu le pouvoir, ont commencé par abolir la propriété privée. L’économiste et philosophe américain Murray Rothbard a écrit : « La liberté, c’est le droit de faire ce que l’on désire avec ce qu’on a. » Cette formule est de même nature que celle qui exprime que la liberté individuelle s’arrête là où commence celle des autres.
Et nous retrouvons le concept de liberté à partir de celui de propriété. Ayant déduit le concept de propriété de celui de liberté au moyen de la logique, le cycle est fermé.
Jacques de Guénin, in Libres !, 2012