« Toute propriété est toujours privée ; la seule question, la question cruciale, est de savoir si elle doit se trouver entre les mains de voleurs ou entre les mains de ses vrais propriétaires légitimes. » – Murray Rothbard

La Politique Agricole Commune

Suite aux destructions causées par la Seconde Guerre mondiale, l’Europe connut des périodes de pénuries alimentaires durant quelques années. Les dirigeants européens décidèrent de ce fait de créer une politique agricole commune (PAC) pour soutenir la production et s’en servent depuis comme argument politique pour créer un fédéralisme à l’échelle européenne.

Les objectifs de la PAC définis lors de sa création étaient d’accroître la productivité de l’agriculture, assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements et assurer des prix raisonnables aux consommateurs.

Les années qui suivirent furent marquées par une augmentation sensible de la production, comme beaucoup d’autres secteurs (période des Trente Glorieuses), pour arriver en quelques années à une période d’excédent dans de nombreux domaines (lait, céréales, beurre…).

PAC

La PAC : s’en débarrasser – Nuages des mots de l’article.

Fantasme

Croire que cette augmentation de la production est due à la PAC relève du fantasme, plusieurs autres facteurs étant entrés en jeu : mécanisation importante de tout le secteur, amélioration des techniques de production, développement des produits phytosanitaires (pesticides, herbicides, anti-fongiques…), développement des engrais chimiques…

Tous ces facteurs ont permis une augmentation importante de la productivité du secteur. La PAC n’a au contraire réussi qu’à ralentir les évolutions du secteur en orientant la production vers certaines cultures, conduisant à une production en excès de certains produits et donc à des difficultés d’écoulement des stocks, provoquant des prix faibles, une baisse de rémunération pour les producteurs et donc un résultat final inverse de ses objectifs initiaux.

L’autosuffisance et les productions excédentaires, plutôt que de conduire à la suppression de la PAC, ne donnèrent lieu qu’à des modifications corporatistes de ses objectifs : un objectif d’aide à la production, avec des aides à l’hectare ou à la tête de bétail, et des quotas (qui bénéficient aux gros exploitants) ; un objectif de développement rural, avec des mesures agro-environnementales (bénéfiques pour les syndicats agricoles), des aides à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles (bénéfiques pour les industriels du monde agricole)…

Dirigisme, protectionnisme, fédéralisme, voire nationalisme selon les pays, lobbying, tels sont les maîtres mots de la politique agricole commune.

Déresponsabiliser les agriculteurs

Tout agriculteur sait très bien qu’il ne peut pas compter sur un revenu fixe, sa vie est composée de bonnes et de mauvaises années, il accumule du capital (monétaire, stock) sur les bonnes années en prévision des mauvaises. La PAC modifie ce comportement normal et déresponsabilise les agriculteurs en leur apportant une source de revenu non justifiée et non méritée.

La Nouvelle-Zélande est un parfait exemple en la matière : dans les années 80, face à une crise budgétaire, le gouvernement néo-zélandais décida de supprimer presque toutes les subventions à l’agriculture, suppression effective à partir de 1984, facilitée par une pression populaire en faveur de la disparition des subventions (le pays était alors au troisième rang de l’OCDE comme agriculture la plus subventionnée).

Le secteur à évidemment connu une crise suite à cette suppression, avec des faillites d’entreprises agricoles. Mais la très grande majorité a su évoluer et retrouver la rentabilité : les agriculteurs néo-zélandais réduisirent leurs coûts, diversifièrent l’utilisation de leurs terres, cherchèrent des sources de revenus non-agricoles, et développèrent de nouveaux produits. Ne restaient finalement après cette crise que les « vrais agriculteurs », ceux ayant fait faillite étant ceux qui ne faisaient ce métier que pour profiter des subventions.

L’arrêt des subventions à l’agriculture en Nouvelle-Zélande a donné naissance à une économie rurale dynamique, diversifiée et croissante, qui exporte aujourd’hui environ 90% de sa production, ce qui discrédite le mythe selon lequel l’agriculture ne pourrait vivre sans subvention.

Monstre bureaucratique

Actuellement, la PAC, c’est un budget d’environ 60 milliards d’euros, le second plus gros de l’UE (40% du budget). Cela représente un coût annuel d’environ 115 euros par habitant. Cela peut sembler faible, mais il faut aussi y rajouter toutes les aides nationales au secteur agricole – et la liste est longue… [1]

La PAC n’est en fait qu’un monstre bureaucratique : les institutions européennes emploient plus de 40.000 fonctionnaires (environ 15.000 pour la PAC), auxquels il convient d’ajouter les fonctionnaires qui travaillent sur la PAC à l’échelon national au sein des directions départementales des territoires (DDT), des chambres d’agriculture, de la MSA…

Une suppression de la PAC est donc nécessaire mais ne sera pas possible sans effort pédagogique et sans prise de conscience de la part de la population et du monde agricole du fait qu’elle n’est pas justifiée, tant sur le plan moral que comptable.

En assurant aux agriculteurs un revenu fixe, ils perdent l’envie de réorienter leur production vers des activités plus rentables et persistent dans leurs mauvais choix. Ils perdent l’envie d’investir, ils retardent leur association et la mutualisation volontaire des terres agricoles et finissent par être dépendants des subventions, esclaves d’un système qu’ils n’ont pas osé critiquer à temps, par manque d’information, ou de courage.

Ils ne se doutent pas qu’il existe une alternative qui leur serait bénéfique, une alternative où ils prendraient en main leur destin et leur carrière, une alternative libérale.

Libres !!

Couverture de Libres !!

 

Matthieu Gille, in Libres !!, 2014

[1] Voir « Aides aux agriculteurs » : « Dans le cadre des aides de la politique agricole commune (PAC), à travers le site de déclarations en ligne TelePAC, l’agriculteur peut effectuer la télédéclaration de surfaces et du dossier PAC, l’ICHN (indemnité compensatoire de handicap naturel) et la PMTVA (prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes). »