Reconnaître le risque : une question de justice

La meilleure définition de la rationalité entre les êtres humains, si tant est que l’on admette que cette notion puisse s’appliquer aux relations humaines pacifiques, se trouve à mon avis chez Nicholas Nassim Taleb. Au-delà même d’une définition, c’est la compréhension de ce sur quoi l’égalité devrait reposer au sein de la société des hommes : l’égalité devant le risque.

Car il est dans la nature des choses que la vie (l’existence de l’homme) soit conditionnée, marquée par le risque. Par conséquence, il est légitime que la société protège celui qui va « jouer sa peau », le titre de son dernier ouvrage, tout simplement parce que celui qui risque sa peau sera susceptible de permettre à d’autres de profiter directement ou indirectement de ses efforts. La légalité (le droit écrit par les hommes) ne peut consister, comme c’est malheureusement le cas dans les sociétés démocratiques actuelles, à nuire à un individu qui met en jeu sa peau et celle de sa famille, sous de fallacieux prétextes de solidarité pour servir d’autres qui ne risquent pas la leur.

Vous êtes libre de prendre des risques ou de ne pas en prendre. Mais c’est à vous d’assumer vos choix et leurs conséquences, favorables comme défavorables, et ne pas faire peser sur les autres vos échecs, turpitudes ou états d’âmes, uniquement parce que ces autres réussissent. Avoir quelque chose à perdre et en accepter le risque, est la question prioritaire de justice entre les hommes : c’est la règle fondamentale du jeu qui doit fonder les relations d’échanges entre les hommes, sans aucune espèce d’exception.

Taleb

« Jouer sa peau », par Nicholas Nassim Taleb.

Le plus grand risque de la vie humaine est évidemment la mort physique : 100% des hommes meurent. Voilà une statistique que personne ne démentira. Oui, nous sommes égaux face à ce risque de la nature des choses.

Évidemment, vous ne manquerez pas de relever que la mort de chaque individu survient dans des conditions différentes. Mais le débat n’est pas sur ce qui entraîne la mort, mais sur le résultat obtenu : il y aura toujours une cause (ou plusieurs combinées) qui aboutira à la mort, qui est le fait avéré irréversible. Il est toujours possible de prendre toutes les précautions pour éviter la mort, mais celle-ci ne prévient pas. Même la limitation du risque n’est pas un gage de retarder le moment de sa venue.

Pour Taleb, risquer sa peau est une image qu’il applique à l’économie. Il est rationnel pour un être humain de produire de la valeur et chacun est placé à égalité, en tenant compte d’effets d’échelle et/ou d’expérience (tant pis pour celui qui a peur par exemple). La production de valeur est tributaire du risque de faillite (#mort) pour celui qui risque économiquement sa peau. Il n’est pas acceptable que des personnes puissent s’affranchir de ce risque en profitant des efforts (investissements) des autres sans coopération volontaire.

Devenez fonctionnaire : aux autres, le risque

Il en est ainsi du statut de la fonction publique : le mécanisme de rémunération de la fonction publique n’est fondé sur aucun risque pour ceux qui en sont bénéficiaires. En effet, le butin fiscal (difficile de l’appeler autrement) repose sur la spoliation généralisée de la production de valeur des acteurs du privé. Si certains vous expliquent que les marchés publics, aides publiques ou subventions publiques permettent de faire « fonctionner l’économie » comme ils disent, vous pourrez toujours constater que sans la production du privé, tous ces marchés, aides publiques ou subventions publiques deviennent caduques.

Avez-vous consenti volontairement à payer vos impôts ? Comment pouvez-vous penser que vous payez le juste prix de la gabegie politicienne ? La réalité économique, ce n’est pas comme la poule ou l’œuf : nous savons qui est à l’origine de la création de valeur. Aussi pour ceux qui en douteraient, demandez-leur d’appliquer leurs merveilleuses recettes publiques au Zimbabwe par exemple !

Ouvrez un peu les yeux : plus un pays dispose de libertés économiques (disons plutôt moins les individus d’un pays sont contraints à subir la spoliation fiscale), et plus la production de valeurs ramenée à l’habitant est élevée. A contrario, moins un pays offre de libertés économiques (disons plutôt, plus les individus d’un pays subissent la spoliation fiscale), et plus est faible la production de valeurs par habitant (cf. le classement de la Heritage Foundation via son index des libertés économiques).

Hong-Kong

Hong-Kong largement au-dessus de la France en matière de liberté économique.

La fiscalité est totalement arbitraire : aucune taxe ou impôt ne se justifie scientifiquement. Il est irrationnel de rémunérer des individus en pillant l’effort d’autres. Le statut de la fonction publique est un privilège d’un autre temps. Tout privilège est irrationnel au regard du Droit puisqu’il expose moins au risque : il y a une rupture de l’égalité du Droit. Si vous voulez le progrès de la société humaine, vous devez accepter de risquer votre peau. La légitimité, c’est d’agir pacifiquement et réciproquement, et ceci est valable pour le fonctionnement d’une institution qui ne peut être rationnellement en dehors du Droit.

Vous pourrez forcer les autres à acheter votre production, mais cela s’appelle de l’extorsion. La fonction publique oblige le secteur privé à son financement et à utiliser ses services : payer pour une production inutile est en dehors de la raison. La fonction publique invente ainsi de très nombreux emplois qui ne produisent aucune valeur, et les individus qui les occupent bénéficient d’un privilège indéniable en créant une rupture d’égalité au regard de ceux qui risquent leur peau.

Pascal Salin, dans les manifestations du libéralisme, l’explique ainsi :

« Il existe deux notions différentes de l’égalité, l’égalité des droits et l’égalité des résultats… La seconde est un pur produit du constructivisme, puisqu’elle consiste à penser que l’on peut interférer avec les résultats de l’action humaine et imposer une répartition des richesses conforme au modèle décidé par les détenteurs du pouvoir, en donnant a priori à chacun des droits sur l’activité d’autrui. Ce faisant, il est créé, au nom de l’égalitarisme, de nouvelles inégalités, par exemple celles qui existent entre ceux qui vivent de leurs propres efforts et ceux qui profitent de la contrainte organisée. »

Vive la faillite collective ?

Aussi, à ce stade, formulons que, quelque soit l’organisation qu’elle se donne, la société des hommes aboutira toujours à sa faillite morale et intellectuelle lorsqu’elle s’engagera dans un processus d’attribution d’un privilège professionnel à une caste pour obtenir une rémunération à partir de la spoliation des risques et des efforts entrepris par autrui. La fonction publique n’est que la suite laïque de l’ordre clérical de l’ancien régime.

Mais la faillite qui se profile de l’état français qui ne sait plus quoi inventer pour la masquer, est inéluctable. À jouer à l’autruche qui ne veut pas relever la tête, ceux qui ont le pouvoir resteront peut-être les derniers à subir les outrages de leur système. Il faudra seulement espérer que, si nous allons jusqu’à cette extrémité, le peuple gravera dans le marbre « l’égalité économique devant le risque » pour tout individu.

Tricher

Faire l’autruche à trop tricher ?

Ainsi revenons sur la signification du terme « risquer sa peau » au sens économique. C’est être en mesure de produire de la valeur en engageant tout ou partie de sa propriété avec l’objectif d’accroître celle-ci, tout en acceptant la possibilité d’en perdre tout ou partie à partir de ses propres décisions. À l’instar d’un humain qui va accroître sa connaissance durant sa vie avec le risque de mourir, risquer économiquement sa peau ne s’effectue pas au détriment d’autrui mais grâce à la coopération. Toute rente doit être bannie si elle ne provient pas d’échanges libres et consentis à partir de contrats en bonne et due forme.

En conclusion, la fonction publique est une incongruité dans un monde moderne : rien ne justifie qu’un individu puisse disposer d’un statut qui lui offre une rémunération de rente sans aucune utilité, c’est-à-dire sans que son existence et sa valeur soit remise en cause par le marché, comme pour tout bien ou service produit par le privé. Il est encore à se demander comment une Société qui se dit évoluée puisse encore avoir en son sein un tel fonctionnement, et qui plus est, se dit être la mère des Droit de l’Homme et du Citoyen. C’est une énorme farce… qui malheureusement détruit un peuple.

Et comme disait Benjamin Constant : « la volonté de tout un peuple ne peut rendre juste ce qui est injuste ». À méditer.

 

Bellegarrigue