Rien à Foot ?

Figurez-vous que je me tâte depuis un moment à l’idée de vous livrer quelques études de cas, un exercice que votre serviteur trouve très amusant mais il n’est pas certain que vous partagiez mon enthousiasme pour les choses de l’esprit quand elles rencontrent le réel pour le critiquer. Voici donc un essai, que j’aimerais transformer si vous n’y voyez aucun inconvénient, car il y a peu de choses que je méprise plus que le foot.

Attention, notez bien que ce mépris est le mien, c’est mon doudou à moi, j’y tiens et vous de votre côté vous gérez vos faiblesses comme vous l’entendez. Je veux dire par là que je suis parfaitement indifférent à la position de chacun sur le sport en général et le football en particulier, donc ne le prenez pas perso – et si, quand même, vous le preniez perso, sachez tout de go que je m’en balec !

Une

La une du Monde que nous décryptons…

Or donc voici la « une » du Monde du 16 juillet 2018, que je m’en vais vous décrypter tout à l’heure et titre-par-titre, vous allez voir que c’est très drôle…

Aucun problème, c’est de l’attendu, aucune difficulté à comprendre, un demeuré avec des moufles est à même d’envisager qu’une équipe de foot rentre au bercail après une compétition. Encore que : du temps de la Guerre froide, il n’était pas rare que des athlètes du bloc communiste demandassent l’asile politique à l’occident, capitaliste et décadent plutôt que de rentrer dans les patries des ouvriers, des paysans et des soldats.

Mais la France n’est pas l’URSS et de toutes manières, la plupart des joueurs ne fait que transiter par l’Hexagone en liesse puisqu’ils jouent principalement dans des clubs étrangers, ce qui est leur droit bien sûr et de toutes manières la question n’est pas là. Autrement dit, le scoop et les petits détails croustillants c’est pour plus tard, mais en attendant sois rassuré lecteur : le Bleu, le Français, ton frère de foot et de gloire rentre au bercail, cette terre éternelle dont le terroir accueille depuis la nuit des temps les exilés du monde pour en faire des Français.

Là ça devient plus intéressant, vous allez voir. Déjà, on ne va pas se mentir, les vieux (c’est-à-dire les plus de 35 ans) ne jouent pas en équipe de France, ou alors sur un malentendu. Donc les joueurs sont jeunes par définition et il n’est absolument pas nécessaire de préciser … à moins de vouloir faire passer un message par le truchement de l’élément de langage que serait « jeunesse conquérante ». On le sait bien, en France la jeunesse en chie tous les jours et des Bac+5 qui ne trouvent pas de boulot, il y en a à la pelle. Ceux-là ne sont pas « conquérants », donc on va forger l’image d’une autre jeunesse qui, elle, a la niaque de la race de ta mère et qui va tout défoncer.

C’est un peu gros, je vous l’accorde, mais comme le disait l’immense Rocco Siffredi : « plus c’est gros, mieux ça passe ». Car, oui, n’en déplaise : la jeunesse, la vraie, celle qui a Bac+6 et envisage de faire copain-copain avec Paul Employ, n’a pas la niaque ! Rappelez-vous Simone de Beauvoir à propos des vieux : « Leur malheureux sort dénonce l’échec de toute notre civilisation. » Eh bien moi je l’affirme à propos des jeunes dont le modèle conquérant n’est plus à chercher en France mais aux USA, en Chine, au Japon et encore en Allemagne ou au Royaume-Uni. Quand le Monde parle de sacre d’une jeunesse conquérante, il insulte tous ceux qui comprennent à l’issue de longues et chères études qu’ils ne valent pas un clou sur le marché réel.

Là, c’est clair, c’est une affirmation basée sur l’histoire du mec, rien de spécial à dire. Oui, ça vous étonne peut-être, mais je suis plutôt honnête comme garçon : quand il n’y a rien à dire, je l’écris.

Bon, là on est sur du lourd ! Je ne sais pas si vous avez relevé, mais dans un premier temps tous les médias ont complètement minimisé les réactions très exactement inadmissibles d’une violence effarante qui ont suivi la victoire de l’équipe de France. Vous me direz : en 1954, la guerre d’Algérie était très pudiquement qualifiée « d’événements », itou « mai-68 » ! Admettons, ce sont donc des « incidents ». Mais quand on se donne la peine de lire les médias étrangers, on en prend plein la mouille en moins de temps qu’il n’en faut un 13 novembre pour passer l’ordre de non-intervention aux militaires de l’opération Sentinelle au Bataclan.

Et là mes amis, on prend bien conscience de l’ampleur des « incidents » : combats de rue, saccages, pillages, violence à l’encontre de personnes, bref c’est la chienlit. L’Express britannique parle de « riots » ce qui signifie un tout petit peu plus que « incidents », le belge 7sur7  nous apprend qu’il y a eu des enfants blessés (des enfants !!!) tandis que l’allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung dénonce des émeutes et précise que dès samedi cramèrent les voitures (845), commencèrent les arrestations (508) et furent blessées les forces de l’ordre (29).

Des « incidents », donc, à n’en pas douter (d’ailleurs ne doutez pas, l’État n’aime pas ça) alors je conclurai par un constat très simple : on se fout bel et bien de nos gueules et n’envisagez même pas de tenter de me convaincre que le Monde fait de l’information, car en l’occurrence c’est aussi crédible qu’un commentaire talmudique rédigé par le regretté Heinrich Himmler. À l’heure à laquelle je rédige ces quelques lignes, seule LCI sauve quelque peu l’honneur en qualifiant ce qui s’est passé de « gravissime ».

Admettons la recherche d’un peu de poésie dans ce monde de #balancetonporc, l’effort est louable même si la chanson était imbuvable. Je pourrais aussi signaler qu’il vaut mieux s’aimer vivants que morts même si dans certains cas la raideur cadavérique pallierait très efficacement aux mollesses connues du vivant de certains bipèdes de sexe mâle. Mais en définitive, et toujours en termes de décryptage, je ne trouve pas grand-chose à redire si ce n’est qu’on se demande vraiment ce qui se passe dans la tête du rédac-chef.

Les trois articles suivants me laissent de marbre, ne m’inspirent aucune critique tant ils sont banals et de toutes manières je vais atteindre mon quota de mots. Par contre, le dernier, en bas à droite de l’image a retenu toute mon attention et je vais faire un effort pour résumer afin que le rédac-chef ne taille pas dans le texte, ce qui me laisserait triste et contrit.

Alors là mes enfants, mes chéris, mes bien-aimés, mes tout-petits on va se mettre à tutoyer les anges. Mais bien sûr que le foot est un sport collectif et ce ne serait qu’une lapalissade si on n’était en France. Mais là on voit poindre une toute autre réalité car que dit le Monde, quel est le message ? Il affirme sans ambiguïté que l’individu, si brillant soit-il, ne compte pas, que son triomphe ne compte(rait) pas. En d’autres termes il affirme que c’est le modèle français, que le monde entier envie à l’Hexagone (triomphant), qui a permis cette victoire à nulle autre pareille.

Peu importe si on nage dans les platitudes, si on enfile les perles les plus vulgaires et si ces dernières ont perdu tout éclat, il importe de péter et répéter un message afin de nourrir dans l’inconscient collectif la fierté de la Nation sublimée par une équipe dont la gloire rejaillit sur l’État qui les a vu naître (enfin pas tous) et les a soutenus sans réserve (enfin pas tous non plus : la plupart joue dans des clubs étrangers).

Président spectacle

Ce serait presque drôle dans un pays qui n’a jamais renoncé à l’idole de l’homme providentiel (ou la femme, ou le trans, ou la chèvre à chapeau : je ne suis pas sectaire) qui vient sauver la République. Mais en réalité c’est d’un pathétique consommé, c’est absurde et édifiant car on voit bien toute la récupération politique de cette victoire, ce Président qui se lâche sous le regard faussement bienveillant et largement ironique et condescendant de Vladimir Poutine qui ne fera, in fine, qu’une bouchée du trublion français. Les ordres sont arrivés dans les rédactions, n’en doutons point même si nous n’avons pas les moyens de le prouver – disons simplement que le subterfuge est trop gros pour passer inaperçu.

Goguenard

Poutine goguenard ?

Et pourtant, l’individualisme ainsi que le collectivisme sont deux éléments fondamentaux de la société humaine. Certes le premier est naturel et le second doit être librement consenti, mais il n’en demeure pas moins que de prime abord les pratiques collectives comme le foot sont des édifiées sur une base individualiste. Bien plus que le rejet absurde de cette évidence, et au-delà de l’évidente propagande, la lecture de cette « une » me laisse dans la bouche le goût fort amer d’une pathologie politique qui n’est pas, loin s’en faut, l’apanage de la République française.

Car n’en déplaise, tout groupe est forcément constitué de membres individuels et ne saurait donc exister sans une multiplicité d’étoiles et même dans le cas d’un sport collectif, il est à la fois absurde et injurieux de prétendre expliquer par le « collectif » une victoire finale dans une compétition mondiale sauf à affirmer que la doctrine sous-jacente exige la soumission et le partage (la redistribution forcée) avec toute la collectivité qui considère naturellement cette victoire comme la matérialisation de la supériorité du modèle collectiviste.

Ce n’est pas le cas et le meilleur des Monde est donc là à rappeler au meilleur des peuples qu’il errerait grandement en envisageant le contraire.

 

Nord