Ce texte est la traduction en français par Daivy Merlijs d’un texte très fort de Jörg Guido Hülsmann, publié le 23/04, exprimant une opposition marquée contre le confinement et plus largement, protestant contre E.Macron, et D.Trump de même.

A Protest From France

Après la Première Guerre mondiale, on demanda à l’éminent économiste britannique Edwin Cannan, quelque peu réprobateur, ce qu’il avait fait pendant les terribles années de guerre. Il a répondu : « J’ai protesté. » Le présent article est une protestation similaire contre les politiques de confinement actuellement mises en place dans la plupart des pays du monde occidental pour faire face à l’actuelle pandémie de coronavirus.

Ici, en France, où je vis et travaille, le Président Macron a annoncé le jeudi 12 mars que toutes les écoles et universités seraient fermées le lundi suivant. Ce lundi-là, il est donc réapparu à la télévision et a annoncé que toute la population serait confinée dès le lendemain. Les seules exceptions seraient les activités « indispensables », en particulier les services médicaux, la production d’énergie, la sécurité, ainsi que la production et la distribution de nourriture. Cette réponse politique a apparemment été coordonnée avec d’autres gouvernements européens. L’Italie, l’Allemagne et l’Espagne ont appliqué pour l’essentiel les mêmes mesures.

Je pense que ces politiques sont compréhensibles et bien intentionnées. Comme beaucoup d’autres commentateurs, je pense aussi qu’elles sont malavisées, néfastes et potentiellement désastreuses. Un vieux proverbe français dit que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Malheureusement, il semble que les politiques actuelles ne fassent pas exception.

France

Covid-19 : Une objection venue de France.

Mon objection concerne les principes de base qui ont motivé ces politiques. Elles ont été clairement énoncées par le Président Macron dans son discours télévisé du 12 mars. Il y a fait trois déclarations que j’ai trouvées particulièrement fascinantes.

La première était que son gouvernement allait appliquer des mesures drastiques pour « sauver des vies » car le pays était « en guerre » contre le virus Covid-19. Il a utilisé à plusieurs reprises l’expression « nous sommes en guerre » tout au long de son discours.

Deuxièmement, il a insisté dès le début sur le fait qu’il était impératif de tenir compte de l’avis des « experts ». Monsieur Macron a littéralement dit que nous devrions tous écouter et suivre les conseils des personnes « qui savent » : c’est-à-dire qui connaissent le problème et savent comment le traiter au mieux.

Son troisième point majeur est que cette situation d’urgence a révélé combien il est important de bénéficier d’un système de santé publique géré par l’État.

Quelle chance nous avons d’avoir un tel système et de pouvoir compter sur lui, maintenant, dans le feu de la guerre contre le virus ! Sans surprise, le Président a insinué que ce système serait renforcé à l’avenir.

Toutefois, ce ne sont pas là les idées personnelles de M. Macron. Elles sont partagées par tous les grands gouvernements de l’UE et par de nombreux gouvernements dans d’autres parties du monde. Elles sont également partagées par tous les grands partis politiques ici en France, ainsi que par les prédécesseurs du Président Macron. Par conséquent, les remarques suivantes n’ont pas pour but de critiquer le Président de ce beau pays, ni son gouvernement, ni aucune personne en particulier. Le but est de critiquer les idées sur lesquelles se fonde la politique actuelle.

Je n’ai aucune connaissance ou expertise en matière d’épidémiologie. Mais j’ai une certaine familiarité des questions d’organisation sociale, et je suis aussi intimement familier de la recherche scientifique et de l’organisation de la recherche scientifique. Mon objection ne concerne pas l’évaluation médicale du virus Covid-19 ni sa propagation. Elle concerne les politiques publiques destinées à faire face à ce problème.

Pour autant que je puisse le voir, ces politiques sont basées sur une affirmation extraordinaire et deux erreurs fondamentales. Je les aborderai à tour de rôle.

Une affirmation extraordinaire

L’affirmation extraordinaire est que les mesures de temps de guerre telles que le confinement et l’arrêt des activités commerciales sont justifiées par l’objectif de « sauver des vies » qui sont en danger à cause de la pandémie naissante de coronavirus.

Ici en Europe, nous avons entendu des Présidents américains utiliser de telles expressions depuis les années 60, comme dans « la guerre contre la pauvreté » ou « la guerre contre la drogue » ou « la guerre contre le terrorisme » ou plus récemment « la guerre contre le changement climatique. » Ce genre de langage étrange semble être l’une des nombreuses excentricités de l’Amérique. Il ne nous a pas échappé non plus qu’aucune de ces guerres potentielles n’a jamais été gagnée. En dépit des sommes considérables que le gouvernement américain a dépensées pour les combattre, en dépit des nouvelles institutions étatiques qui ont été mises en place, et en dépit des atteintes importantes et croissantes aux libertés économiques et civiles des Américains ordinaires, les problèmes eux-mêmes n’ont jamais disparu. Bien au contraire, ils ont été perpétués et aggravés.

La plupart des gouvernements européens ont maintenant rejoint les rangs des Américains et considèrent qu’ils sont eux aussi en guerre — contre un virus. Il convient donc d’insister sur le fait qu’il s’agit là d’un langage métaphorique. Une guerre est un conflit militaire destiné à protéger l’État (et donc l’institution même qui est communément considérée comme garante de la vie et des libertés des citoyens) contre une attaque malveillante d’une puissance extérieure, généralement un autre État. Dans une guerre, l’existence même de l’État est attaquée. Il est clair qu’en l’espèce, ce n’est pas le cas.

De plus, il ne peut y avoir de guerre avec un virus, simplement parce qu’un virus n’agit pas. Tout au plus, donc, le mot « guerre » peut-il être utilisé ici de manière métaphorique. Il sert alors de couverture et de justification aux atteintes aux libertés civiles et économiques mêmes que l’État est censé protéger.

Aujourd’hui, dans la conception traditionnelle, l’État est censé protéger et promouvoir le bien commun. La protection de la vie des citoyens pourrait donc, sans doute, justifier des interventions massives de l’État. Mais alors, la toute première question devrait être : Combien de vies sont en jeu ? Les épidémiologistes du gouvernement, dans leurs estimations les plus sombres (dont la base factuelle n’est pas encore solidement établie) ont considéré qu’environ 10 % des personnes infectées pourraient avoir besoin de soins hospitaliers et qu’une grande partie d’entre elles en mourraient. On savait également déjà à la mi-mars que cette menace mortelle concernait dans la grande majorité des cas des personnes très âgées, la victime moyenne de Covid-19 étant âgée d’environ quatre-vingts ans.

L’affirmation selon laquelle les mesures prises en temps de guerre, qui menacent les moyens de subsistance économiques de la grande majorité de la population ainsi que la vie des personnes les plus pauvres et les plus fragiles de l’économie mondiale (un point sur lequel je reviendrai plus loin) ont pour but de sauver la vie de quelques personnes, dont la plupart sont de toute façon proches de la mort, est une affirmation pour le moins extraordinaire.

Sans entrer dans les détails, permettez-moi de souligner que cette affirmation contredit clairement les politiques d’avortement que les gouvernements occidentaux ont appliquées depuis les années 1970. Là, le raisonnement était exactement l’inverse. La liberté personnelle et le confort des femmes qui souhaitaient avorter étaient prioritaires par rapport au droit de vivre de ces enfants qui n’étaient pas encore nés. Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque année, quelque 40 à 50 millions de bébés sont avortés dans le monde. Rien qu’en 2018, plus de 224.000 bébés ont été avortés en France. Quelle que soit la gravité de la pandémie actuelle de Covid-19, elle ne représentera qu’une petite partie de ces victimes. Les gouvernements n’ont pas seulement négligé de « sauver des vies » en matière d’avortement. Ils ont en fait toléré et financé le meurtre d’êtres humains à grande échelle.

Ils le font encore aujourd’hui. Ici en France, tous les services hospitaliers ont été réduits pour libérer de la capacité pour le traitement des victimes du Covid-19 ; tous sauf un. Les services d’avortement fonctionnent sans relâche et ont récemment été renforcés par l’obligation légale pour le personnel hospitalier de pratiquer des avortements (auparavant, il était possible pour les médecins de refuser cette pratique par conviction personnelle).

Prétendre que les politiques drastiques sont justifiées pour « sauver des vies » est également en contradiction avec les politiques passées dans d’autres domaines. Dans le passé également, il aurait été possible de « sauver des vies » en allouant une plus grande part du budget de l’État aux hôpitaux publics, en réduisant davantage les limitations de vitesse sur les autoroutes, en augmentant l’aide étrangère aux pays au bord de la famine, en interdisant le tabac, etc.

Bien entendu, je ne souhaite pas plaider en faveur de telles politiques. Mon propos est que l’objectif unique ou le plus élevé de la politique étatique n’a jamais été de « sauver des vies » ou de les prolonger autant que possible. En fait, une telle politique serait tout à fait absurde et incommode, comme je l’expliquerai plus loin.

Il est difficile d’éviter l’impression que la « guerre pour sauver des vies » est une farce. La vérité semble être que la crise Covid-19 a été utilisée pour étendre les pouvoirs de l’État. Le gouvernement obtient le pouvoir de contrôler et de paralyser toutes les autres préoccupations humaines au nom de la prolongation de la vie de quelques privilégiés. Ce principe n’a jamais été admis dans un pays libre. Peu de tyrannies ont réussi à étendre leur pouvoir aussi loin.

Les bénéficiaires actuels de ces nouveaux pouvoirs sont les citoyens âgés et quelques autres. Mais ne vous y trompez pas. Il est probable que leur destin ne serve que de prétexte pour justifier la création de pouvoirs nouveaux et inédits pour l’État. Une fois ces nouveaux pouvoirs solidement établis, il n’y a aucune raison pour que les personnes âgées restent particulièrement dans le cœur des détenteurs du pouvoir. Il est à craindre que ce soit tout le contraire qui se produise.

Maintenant, afin d’éviter tout malentendu, je ne prétends pas que le gouvernement français actuel cherche à s’emparer du pouvoir sur des décisions de vie ou de mort, ou des pouvoirs dictatoriaux pour introduire le socialisme par la petite porte sous le couvert de Covid-19. En fait, je ne peux pas imaginer que Monsieur Macron et son gouvernement soient animés par des motivations sinistres. Je pense qu’ils ont les meilleures intentions du monde. Mais le point ici est précisément qu’il y a une différence entre faire le bien et vouloir faire le bien.

Une grave erreur : Le règne des experts

Jusqu’à présent, j’ai fait des commentaires sur une question politique. Mais il y a aussi des questions de fait. Et cela m’amène aux deux erreurs susmentionnées.

La première erreur fondamentale est de considérer que les experts sont informés et que nous devrions tous leur faire confiance et faire ce qu’ils nous disent.

La vérité est que même les universitaires et les praticiens les plus brillants n’ont des connaissances approfondies que dans un domaine très étroit ; qu’ils n’ont pas d’expertise particulière lorsqu’il s’agit de concevoir de nouvelles solutions pratiques ; et que leurs préjugés professionnels sont susceptibles de leur faire commettre diverses erreurs lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes sociaux à grande échelle comme la pandémie actuelle. Cela est patent dans ma propre discipline, l’économie, mais pas vraiment différent dans d’autres domaines universitaires. Permettez-moi de vous expliquer cela plus en détail.

Le type de connaissances qui peuvent être acquises par la recherche scientifique n’est qu’un préalable à l’action. La recherche rassemble des faits et permet de connaître partiellement les liens de causalité. L’économie nous dit, par exemple, que la taille de la masse monétaire est positivement liée au niveau des prix unitaires. Mais ce n’est pas tout. D’autres causes entrent également en jeu. La prise de décision dans le monde réel ne peut pas se baser uniquement sur des faits et d’autres éléments de connaissance partielle. Elle doit peser l’influence d’une multitude de circonstances, qui ne sont pas toutes bien connues, et qui ne sont pas toutes directement liées au problème en jeu. Elle doit parvenir à des conclusions équilibrées, parfois dans des circonstances qui évoluent rapidement.

À cet égard, l’expert typique n’est pas du tout un expert. Combien de lauréats du prix Nobel d’économie ont gagné des sommes importantes en investissant leurs économies ? Combien de virologistes ou d’épidémiologistes ont créé et géré une clinique ou un laboratoire privé ? Je ne ferais jamais confiance à un collègue qui aurait la folie de se porter volontaire pour diriger un conseil de planification centrale. Je ne fais pas confiance à un épidémiologiste qui a la témérité de parader en tant que roi du Covid-19. Je ne crois pas un gouvernement qui me dit qu’il connaît « les experts » qui savent le mieux comment protéger et diriger un pays tout entier.

En outre, considérez que la connaissance scientifique est, au mieux, un état de l’art. Ce qui est précieux dans la science, ce n’est pas de voir les résultats, qui ne sont presque jamais définitifs. Ce qui est crucial, c’est le processus scientifique, qui est un processus compétitif basé sur des désaccords sur la validité et la pertinence des différentes hypothèses de recherche. Ce processus est particulièrement important lorsqu’il s’agit de nouveaux problèmes (par exemple, un nouveau virus qui se propage de manière inédite et a des effets inattendus). C’est précisément dans de telles circonstances, lorsque les enjeux sont élevés, que la confrontation impartiale et l’exploration compétitive de différents points de vue sont d’une importance capitale. Les rois de la recherche et les planificateurs centraux ne sont ici d’aucune utilité. Ils font partie du problème, et non de la solution.

Un gouvernement qui mise tout sur un seul cheval et confie la gestion d’une pandémie à une seule personne ou institution n’obtient, au mieux, qu’une seule chose : que tous les citoyens reçoivent le même traitement. Mais il ralentit ainsi le processus même qui conduit à la découverte des meilleurs traitements, et qui rend ces traitements rapidement disponibles au plus grand nombre de patients.

Il est également important de garder à l’esprit que les universitaires (et cela inclut les épidémiologistes tout autant que les économistes et les juristes) sont généralement des employés du gouvernement et que cela colore leur approche de tout problème pratique. Ils sont susceptibles de penser que les problèmes graves, en particulier les problèmes à grande échelle qui touchent la plupart ou la totalité des citoyens, devraient être résolus par l’intervention de l’État. Beaucoup d’entre eux sont en fait incapables d’imaginer autre chose.

Ce problème est renforcé par un biais de sélection néfaste. En effet, les universitaires qui optent pour une carrière administrative ou politique, et qui accèdent aux échelons supérieurs de la fonction publique, ne peuvent manquer d’être convaincus que l’action de l’État est adaptée et nécessaire pour résoudre les problèmes les plus importants. Sinon, ils n’auraient guère choisi de telles carrières, et il serait également pratiquement hors de question qu’ils se retrouvent à des postes de direction.

Un bon exemple parmi tant d’autres est celui de l’actuel directeur de l’OMS, Tedros Adhanom, qui, si je comprends bien, est un ancien membre d’une organisation communiste. Il ne s’agit pas de dire qu’un directeur de l’OMS ne doit pas avoir d’opinions politiques ou que le Dr Adhanom est une personne malfaisante ou incompétente. Le fait est qu’il n’est pas surprenant que des hommes comme lui occupent des postes de direction dans des organisations gérées par l’État, et que l’approche qu’il envisage pour faire face à une pandémie risque d’être influencée par ses préjugés politiques personnels, et pas seulement par les informations médicales et les bonnes intentions.

Autre erreur monumentale : La négligence de l’économie

Ce biais de sélection s’accompagne d’une ignorance particulière quant au fonctionnement des ordres sociaux complexes. Cela m’amène à la deuxième erreur fondamentale qui entache les politiques Covid-19. Elle consiste à penser que les libertés civiles et économiques sont une sorte de bien de consommation (peut-être même un bien de luxe) qui ne peut être autorisé et dont on ne peut profiter que dans les périodes de prospérité. Lorsque les choses se corsent, le gouvernement doit prendre le relais et tous les autres doivent s’effacer— et être confinés si nécessaire.

Cette erreur est typique des personnes qui ont passé trop de temps parmi les politiciens et dans les administrations publiques. La vérité est que la liberté civile et économique est le véhicule le plus puissant pour faire face à pratiquement tous les problèmes (l’exception notable est que la liberté ne contribue pas à consolider le pouvoir politique). Et le revers de cette même vérité est que les gouvernements échouent généralement lorsqu’ils s’efforcent de résoudre des problèmes sociaux, même des problèmes très ordinaires. Pensez aux projets d’éducation ou de logement gérés par l’État. Je reviendrai sur ce point plus loin.

Maintenant, je ne conteste pas que les fermetures sont efficaces pour ralentir la vitesse de transmission d’une pandémie. Je n’ai aucune opinion sur la manière la plus appropriée de faire face aux pandémies ou à d’autres problèmes de virologie ou de médecine. Mais en tant qu’économiste, je sais l’importance cruciale du fait qu’il n’y a jamais qu’un seul but dans la vie humaine.

Il y a toujours une grande diversité d’objectifs que chacun d’entre nous poursuit. Le problème pratique pour chacun est de trouver le bon équilibre, et notamment d’agir dans le bon ordre temporel. Transposé au niveau de l’économie dans son ensemble, le problème est d’affecter les bonnes quantités de temps et de ressources matérielles aux différents objectifs.

Pour la plupart des gens, la protection de leur propre vie et de celle de leur famille revêt une très grande importance. Mais quelle que soit l’importance de cet objectif, il ne peut être parfaitement atteint dans la pratique. Pour protéger ma vie, j’ai besoin de nourriture. Je dois donc travailler. Je dois donc m’exposer à toutes sortes de risques liés au fait de quitter l’espace sécurisé de ma maison et de rencontrer la nature et d’autres humains. En bref, les vies humaines ne peuvent pas être parfaitement protégées, même par ceux qui sont prêts à subordonner tout le reste à cette protection. C’est une impossibilité pratique.

Lorsqu’il s’agit de protéger des vies, la seule question qui se pose est la suivante : Dans quelle mesure suis-je prêt à risquer ma vie et celle de ceux qui dépendent de moi ? Et il s’avère plus souvent qu’en risquant beaucoup, on protège mieux. Ce qui est vrai pour la vie éternelle de l’âme l’est aussi pour la vie matérielle terrestre : « Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. » (Matthieu 16, 25).

Aujourd’hui, la plupart des gens ne considèrent pas la préservation de leur vie, ou le prolongement de leur espérance de vie, comme le seul objectif prioritaire. Les fumeurs, les mangeurs de viande, les buveurs préfèrent une vie plus courte et plus joyeuse à une vie d’abstinence plus longue. Les policiers, les soldats et de nombreux citoyens sont plus que souvent animés par l’amour de leur pays et par l’amour de la justice. Ils préféreraient mourir plutôt que de vivre sous l’esclavage ou la tyrannie. Les prêtres risqueraient leur vie plutôt que de renoncer à leur engagement. Une personne qui croit au Christ préfère risquer la mort plutôt que l’apostasie. Les marins risquent leur propre vie pour subvenir aux besoins de leur famille. Les médecins et les infirmières sont prêts à risquer leur vie pour aider les patients atteints de maladies infectieuses. Les joueurs de rugby et les pilotes de course risquent leur vie non seulement pour la gloire de la victoire, mais aussi pour l’excitation et la satisfaction que procurent des performances réalisées dans des conditions dangereuses. De nombreux jeunes hommes et femmes échangent volontiers l’excitation de la danse contre le risque d’attraper le Covid-19.

Toutes ces personnes, d’une manière ou d’une autre, contribuent matériellement à la subsistance de tous les autres. Les fumeurs et les buveurs finissent par payer pour leur consommation, non pas avec de l’argent (qui ne leur sert que d’outil d’échange avec les autres), mais avec les biens et services qu’ils fournissent eux-mêmes aux autres. S’ils ne pouvaient pas se livrer à leur consommation, leur motivation à aider les autres diminuerait ou disparaîtrait complètement. Si les policiers, les soldats, les marins et les infirmières n’avaient pas une aversion relativement faible pour le risque, leurs services ne seraient fournis qu’à un coût beaucoup plus élevé, voire pas du tout.

Les préférences et les activités de tous les acteurs du marché sont interdépendantes. Dans l’ordre du marché, chacun aide tous les autres à poursuivre leurs objectifs, même si ces objectifs peuvent en fin de compte contredire les siens. Le mangeur de viande peut être un mécanicien qui répare les voitures des végétariens, ou un comptable qui fait la comptabilité pour une ONG végétarienne. Le soldat protège également les pacifistes. Parmi les pacifistes peuvent figurer des agriculteurs qui cultivent la nourriture consommée par les soldats, etc.

Il est impossible de démêler tous ces liens, et ce n’est pas nécessaire. Le fait est que dans une économie de marché, les facteurs déterminant la production de tout bien économique ne sont pas seulement techniques. Par l’échange, par la division du travail, tous les processus de production sont liés entre eux.

L’efficacité des médecins, des infirmières et de leurs assistants ne dépend pas seulement des personnes qui leur fournissent directement les matériaux dont ils ont besoin. Indirectement, elle dépend aussi des activités de tous les autres producteurs qui n’ont pas la moindre chose à voir avec les services médicaux des hôpitaux. Même dans une situation d’urgence, il est donc nécessaire de respecter les besoins et les priorités de ces autres personnes. Les enfermer, les confiner, loin de faciliter le fonctionnement des hôpitaux, finira par hanter ces derniers également lorsque les chaînes d’approvisionnement se déliteront et que les produits de consommation de base commenceront à manquer.

On pourrait maintenant soutenir que de telles conséquences n’existent qu’à long terme et qu’un gouvernement confronté à une situation d’urgence doit négliger les questions à long terme et se concentrer sur l’urgence à court terme. Cela semble raisonnable, c’est pourquoi les gouvernements ont fait appel à des arguments de ce type avec une grande régularité dans d’autres domaines, notamment pour justifier des politiques macroéconomiques expansionnistes, qui mettent également en balance le présent et l’avenir.

Mais le raisonnement est erroné dans le cas présent. La racine de l’erreur est de considérer le virus Covid-19 comme une menace immédiate pour les vies humaines alors que les politiques de confinement ne le seraient pas. Or, ce n’est pas le cas.

  • Combien de personnes se sont suicidées parce que les mesures de confinement les ont poussées à la dépression et à la folie ?
  • Combien n’ont pas reçu de traitements salvateurs parce que les lits et le personnel des hôpitaux étaient réservés aux victimes de Covid-19 ?
  • Combien sont devenues des victimes à domicile en raison de l’agression de leur conjoint provoquée par le confinement ?
  • Combien ont perdu leur emploi, leur entreprise, leur richesse, et seront poussés au suicide et à l’agression dans les mois à venir ?
  • Combien de personnes dans les pays les plus pauvres de l’économie mondiale sont maintenant poussées à la famine parce que les ménages et les entreprises du monde développé ont réduit la demande de leurs produits ?

La conclusion inévitable est que, même à court terme, les politiques de confinement coûtent la vie à de nombreuses personnes qui ne seraient pas mortes autrement. À court et à long terme, la politique de confinement actuelle ne sert pas à « sauver des vies », mais à sauver la vie de certaines personnes au détriment de celle d’autres personnes.

Conclusion

Les politiques de confinement sont compréhensibles comme une réaction de panique des dirigeants politiques qui veulent faire ce qui est juste et qui doivent prendre des décisions avec des informations incomplètes. Mais à la réflexion (et certainement avec le recul) ce n’est pas une bonne politique. Les blocages du mois dernier n’ont pas été favorables au bien commun.

Bien qu’ils aient sauvé la vie de nombreuses personnes, ils ont également mis en danger (et mettent toujours en danger) la vie et les moyens de subsistance de beaucoup d’autres. Elles ont créé un nouveau et dangereux précédent politique. Elles ont renforcé l’incertitude du régime politique — pour reprendre la phrase heureuse de Robert Higgs — qui pèse sur les choix des individus, des familles, des communautés et des entreprises dans les années à venir.

La bonne chose à faire maintenant est d’abandonner ces politiques rapidement et complètement. Les citoyens des pays libres sont en mesure de se protéger. Ils peuvent agir individuellement et collectivement. Ils ne peuvent pas bien agir lorsqu’ils sont confinés. Ils accueilleront tout conseil honnête et compétent sur ce qu’ils peuvent et doivent faire, sur lequel ils agiront de manière responsable, seuls ou en coordination avec d’autres.

Le plus grand danger actuel est la perpétuation de confinements mal conçus, notamment sous le prétexte de « gérer la transition » ou autres justifications fallacieuses.

  • Est-il vraiment nécessaire de passer en revue la liste interminable des échecs de gestion des agents étatiques ?
  • Est-il nécessaire de se rappeler que les personnes qui n’ont aucun intérêt en jeu sont irresponsables au vrai sens du terme ?

Ces prétendus gestionnaires auraient dû rester en dehors de la scène dès le début. Au lieu de cela, jusqu’à présent, ils ont réussi à mettre tous les autres hors jeu. S’ils sont autorisés à continuer, ils pourraient très bien transformer la calamité actuelle (aussi grande soit-elle) en un véritable désastre.

Le précédent historique qui me vient à l’esprit est la Grande Dépression des années 1930. À cette époque également, le monde libre fut confronté à une douloureuse récession, lorsque l’implosion de la bulle boursière entraîna un effondrement déflationniste de l’économie financiarisée, ainsi qu’un chômage massif. Cette récession, aussi terrible soit-elle, aurait pu rester courte, comme l’ont été toutes les précédentes récessions aux États-Unis et ailleurs. Au lieu de cela, elle s’est transformée en une dépression de plusieurs années, grâce à la folie de Franklin D. Roosevelt et de son gouvernement, qui eurent la prétention de gérer la reprise avec des dépenses publiques, des nationalisations et des contrôles des prix.

Il n’est pas trop tard. Il n’est jamais trop tard pour reconnaître une erreur honnête et corriger une ligne de conduite erronée. Espérons que le Président Macron, le Président Trump et toutes les autres personnes de bonne volonté pourront rapidement retrouver la raison.


Jörg Guido Hülsmann