Un refus irrationnel de la concurrence
Avec le débat sur le port de l’uniforme à l’école, une majorité de Français confirme son choix de la servitude à l’état… et ce qu’ils entérinent, c’est leur aversion à la liberté par leur haine de la différence individuelle. Ils démontrent leur incapacité à vivre autrement qu’aux dépens des autres. Ils restent intoxiqués au matérialisme et au collectivisme, s’accrochant à cet utopique «vivre ensemble» imposé par le corps politique qui détruit les fondements du siècle des lumières.
Il est vraisemblable que cette volonté de voir l’uniforme apparaître, au sein des établissements scolaires de leur cher et illusoire état, trouve sa source dans une imaginaire nostalgie de la discipline qui régnait à l’époque de Grand papa. Mais c’est évidemment bien mal analyser, ou tout au moins, bien méconnaître l’histoire sur le territoire de France.
Il n’y a jamais eu d’uniforme dans les établissements publics et la blouse, que certains n’ont pas oubliée, n’a jamais été un quelconque symbole destiné à gommer des inégalités ou attaché à une hypothétique fierté d’appartenir à l’établissement public. Le port de la blouse, que tout enseignant arborait également, était juste une protection des vêtements par rapport à la craie utilisée à l’époque lors de l’écriture au tableau. En tout état de cause, il pouvait y avoir autant de blouses différentes que d’écoliers ou d’élèves.
Les promoteurs de l’uniforme confondent ainsi «être» et «paraître» en méprisant les droits d’être au profit de droits d’avoir (ou de ne pas avoir), pourvu que cela ne se voit pas et que chacun ait l’impression que son voisin ne possède pas plus que soi. Dans l’hypocrisie bien française, tu peux être riche mais il ne faut surtout pas que tu le montres.
Il est remarquable de constater que les établissements privés ont, par volonté de reconnaissance de leur identité, et plus encore dans les pays Anglo-saxons, à l’instar d’une équipe sportive, imposé le port d’un uniforme sans que cela n’offusque quiconque. C’est finalement presque le monde à l’envers, à ce stade de la discussion, que de constater que le secteur privé pouvait valoriser l’uniforme, en imposant une vision unique, alors que le secteur public approuvait le multiforme, soit une vision libre.
En réalité, le privé a cultivé la notion d’appartenance pendant que le public désagrégeait le droit de propriété dans un vivre ensemble par perte de responsabilisation individuelle au profit de l’emprise étatique sur la vie de chacun, que le radicalisme religieux est venu combler. Et sans droit de propriété garanti, la liberté n’est pas assurée. Ne confondons pas liberté de chacun et bordel pour tous.
Uniforme vs multiforme ?
Car affirmons cependant que l’école de Grand papa ne niait pas les inégalités, ni la liberté de chacun de réussir… ou d’échouer : ne parlait-on pas de l’ascenseur social qui récompensait ceux qui avaient les meilleures notes ou résultats ? Le mot «ascenseur» témoigne sans aucun doute d’une acceptation de la différence sociale et donc d’une différence dans la propriété individuelle grâce à la réussite. Et tout le monde était invité à réussir… sans obligation mais aussi sans obligation pour les autres de sacrifice pour ceux qui ne voulait pas réussir.
Prétendons maintenant que le système éducatif d’alors, qui récompensait l’effort individuel (bons points, images, prix d’excellence…) était l’inverse de l’actuel. Aujourd’hui constatons que tout est mis en œuvre pour effacer la capacité des enfants à comparer leur valeur et même leurs propres progrès : suppression des notes, volonté affichée de réduire l’apport familial à néant (suppression des devoirs, soutien scolaire à des enfants en difficulté au détriment de ceux qui réussissent, suppression des matières optionnelles élitistes…), réduction du niveau des examens… Les résultats PISA confirment l’effondrement du niveau scolaire français et son nivellement par le bas, du moins celui dispensé dans les établissements publics. La médiocratie a remplacé la méritocratie. L’homogénéité de l’échec se substitue à la diversité de la réussite.
Le modèle commun est la pauvreté, ou tout au moins le partage de la misère et non la recherche de l’accroissement de la richesse, c’est le sacrifice individuel pour les autres qui a remplacé l’épanouissement de l’individu dans la coopération avec autrui. C’est le plongeon collectif dans un national socialisme paradoxalement devenu très éclectique au lieu de la recherche personnelle dans la liberté. Bloquons collectivement la réussite des uns puisque les autres ne peuvent ou ne veulent sortir de l’échec individuel.
Comment en est-on arrivé à une telle catastrophe sociale niant les droits naturels ? L’esprit idéologique des enseignants emmenés par le syndicat dominant (SFEN) en est un des principaux responsables. Rappelons que, dans la foulée de mai 68, les élections législatives de 1981 ont vu plus du tiers des députés venir du monde de l’éducation nationale.
Un peu plus d’une génération plus tard, chacun peut constater la faillite intellectuelle, scientifique, morale et économique de cette société française en décomposition qui ne sait même plus reconnaître les valeurs qui auraient dû la transcender. Une majorité, prisonnière idéologique de son système constructiviste, préfère faire sombrer le bateau plutôt que de laisser certains colmater les brèches. Et oui, la peur de voir certains réussir prend toujours le dessus.
Les enseignants eux-mêmes n’ont jamais accepté leur mise en concurrence d’une manière ou d’une autre : ils ont une bien mauvaise idée du secteur privé et du responsable d’entreprise péjorativement appelé «patron». Mieux vaut que tout le monde meure de manière égale et certaine, plutôt que de voir tout le monde rescapé avec des inégalités de réussite.
Il leur est insupportable que leurs voisins soient plus riches qu’eux, en ne voyant pas qu’ils sont eux-mêmes les riches de beaucoup d’autres, et que ce n’est pas une tare, mais le moteur du développement individuel et du progrès de la société.
Il leur est insupportable que l’échange pacifique par la concurrence entraîne une augmentation de la richesse qui profite à ceux qui ont le mérite de la créer et de l’obtenir. Ils préfèrent construire des utopies mortifères par l’imposition de monopoles où tout le monde est égal dans la misère, à l’exception évidemment des professeurs de l’égalitarisme qui se gavent de l’argent des autres par une subtile manipulation.
Le syndrome de Stockholm
Les partisans de l’égalité matérialiste, et donc de l’uniforme, ont une vision très négative et déformée de l’économie et par conséquence de l’être humain. Ce dernier pour eux devrait être un simple mouton devant se comporter à l’identique des autres en obéissant à ce que veut l’état, ou tout au moins, ce que les dirigeants diffusent à travers leur bible législative. Le désastre patent de l’éducation nationale à former les progénitures selon un archétype citoyen devrait pourtant faire réfléchir les adultes sur cette impasse idéologique.
Mais reconnaître la réalité du marché, et donc de la concurrence, dans tous les domaines de la vie quotidienne, pour cette élite française supposée, gavée à la spoliation fiscale, sera signer leur arrêt de mort. Ce serait ainsi ouvrir la boîte de pandore et remettre en cause tous les monopoles sur lesquels elle a assis son pouvoir de nuisances depuis plus de deux siècles. Cette pseudo élite n’accepte pas que les monopoles soient la réelle cause du développement de la violence et la raison des échecs qu’ils rencontrent dans les domaines socio-économiques.
Répétons-le une fois de plus, cette caste a toujours vécu grâce aux efforts des autres en les sermonnant : pourquoi ne pas encore scier la branche sur laquelle elle est si bien assise ? Et observons qu’une grande majorité de ces autres est atteint du syndrome de Stockholm : comme toute victime, elle voit ce qu’elle ne perd pas au lieu de voir ce qu’elle peut gagner. Quand il s’agit de la survie, chacun sombre dans l’égocentrisme et préfère regarder ce que le bourreau lui laisse personnellement, plutôt que de défendre ce qu’il lui a pris. C’est ainsi que la fiscalité et la législation se sont développées au détriment de la liberté.
Pour illustrer ce masochisme, exposons le fait que depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, les énarques ont appliqué une technique qui leur est enseignée à l’ENA pour permettre à ce corps d’état de prospérer économiquement sur le dos du peuple :
« Si vous plongez une grenouille dans l’eau bouillante, elle hurle et meurt rapidement. Si vous la plongez dans l’eau tiède et que vous chauffez ensuite tout doucement l’eau, son corps s’habitue, son seuil de tolérance augmente et vous pouvez amener l’eau à ébullition sans que la grenouille ne hurle ni ne meurt. »
Vous ne voyez pas très bien le rapport avec l’économie ? Eh bien le batracien, c’est le citoyen, et la température de l’eau, c’est le niveau de fiscalité. Mieux vaut effectuer de petites ponctions fiscales très diversifiées aboutissant au même niveau de prélèvement qu’une seule, grosse ponction. Et ces idiots de citoyens n’en percevront même pas les effets psychologiques.
Voyez tout le mépris que possède cette élite pour les fruits du travail de chacun. L’énarque vit grassement de la fiscalité. Sa fonction est pourtant inutile et nuisible, et pourtant il vous dirige. Oui, vous lisez bien : inutile et nuisible. Simple : dans votre quotidien, à quelle occasion avez-vous besoin d’un énarque ? Réfléchissez bien.
Jadis, l’Inquisition était très inventive en techniques de torture. Avec la fiscalité, l’énarque met en place des méthodes de torture étonnantes : rien ne rend aussi inventif que l’envie de voler autrui, en en ayant le droit, en plus. L’arbitraire de l’impôt est d’une puissance incroyable en technique de manipulation des foules. Pour un énarque, un «bon» impôt possède des effets de seuils permettant d’exonérer une partie de ceux qui doivent être touchés.
Et chacun sombre dans le syndrome de Stockholm en imaginant que l’état aurait pu en prendre plus… jusqu’à la prochaine fois, et jusqu’au jour où il n’y aura plus rien à prendre…
Bellegarrigue