Suite politique, sur le déclin du libéralisme européen, de ce texte, publié en 1998.

Vingt ans après, pas sûr qu’il ait pris tant de rides…

Dans l’article précédent, l’auteur rappelle l’évolution de l’économie et des politiques économiques des ‘grands’ pays européens avant et après les grandes guerres.  La suite est ici…

L’immigration, déjà…

Avec un problème de chômage récalcitrant et des économies stagnantes, la marée montante des immigrés est-européens représentait et représente encore une menace sérieuse pour la stabilité des démocraties sociales de l’Europe de l’Ouest – et les restrictions à l’immigration semblent être la seule voie fiable de sortie.

Permettre la libre immigration (c.-à-d. autoriser l’entrée et accorder à tous les résidents étrangers le même statut juridique et la même protection que les nationaux, sauf, peut-être, le droit de voter et d’être élu) serait économiquement impossible tant que les politiques économiques actuelles resteraient en vigueur. L’entrée libre sur le marché du travail est empêchée par des niveaux de salaires rigidifiés à la baisse (résultant de négociations collectives et des lois sur les syndicats). Et, suite aux lois de protection des entreprises, la libre entrée sur le marché des employeurs est entravée par les niveaux de plus en plus élevés des coûts de création des entreprises (impôts sur les sociétés, exigences d’autorisations et frais divers). En tant que telle, l’immigration libre augmenterait immédiatement le nombre de chômeurs et générerait une forte augmentation de la demande en assistés sociaux auprès des gouvernements. Pour les financer, les taxes ou le taux d’inflation devraient être augmentés. Or, avec un poids bureaucratique et social encore plus lourd imposé aux producteurs privés, les économies dolentes de l’Europe occidentale s’effondreraient. [1]

Immigrants

« Opinion | To Be Great Again, America Needs Immigrants. »

Ce ne serait pas plus viable que de laisser entrer les immigrants pour ensuite leur refuser un permis de travail ou les exclure de l’accès aux droits sociaux, car cela entraînerait une forte augmentation des activités du marché noir. D’une part, cela conduirait à une détérioration de la compétitivité relative de l’économie officielle et cela entraînerait une augmentation des dépenses sociales. D’autre part, il serait politiquement impossible, car cela créerait une société de classes juridiquement distinctes – telles des castes – de résidents, et fournissant ainsi un terreau fertile au nationalisme et à des sentiments racistes qui pourraient facilement échapper au contrôle du gouvernement.

Début

Comment l’Etat-providence commence…

Désétatiser ?

Pour des raisons quelque peu différentes, il est également impossible, ou tout au moins dangereux, de faire ce qui serait économiquement (et éthiquement) raisonnable : offrir le refuge, mais en même temps systématiquement inverser le cours de la politique économique et désétatiser (ou reprivatiser) la vie économique, et démanteler l’état-providence. Un tel changement de politique assurerait l’intégration des migrants d’Europe de l’Est, conduirait à des niveaux de vie plus élevés, et produirait peut-être même des recettes fiscales totales plus élevées (si les producteurs privés devaient réagir de façon « élastique » aux réductions des d’impôts et de réglementation).

Cependant, tout gouvernement d’Europe Occidentale mettant en place une telle politique rencontrerait vite de graves problèmes, car les conséquences bénéfiques certaines de ces politiques ne prendraient pas effet immédiatement. Temporairement, ces mêmes politiques causeraient inévitablement des perturbations importantes (telles la hausse du chômage et des faillites commerciales). Qu’elles réussissent ou non (du point de vue du gouvernement) dépend de la préférence temporelle publique [NdT la capacité populaire à privilégier le futur au présent], et du niveau auquel le mandat du gouvernement dépend du contrôle de la majorité. Vus ces deux facteurs déterminants, les perspectives de succès semblent minces.

Tous les gouvernements d’Europe occidentale sont soumis à des élections récurrentes (au niveau local, étatique et fédéral) et, ainsi, les politiciens démocratiques ont généralement des horizons de planification relativement courts, et de ce fait, ils donnent un poids disproportionné aux conséquences à court terme de leurs actions. De plus, le grand public, qui élit les politiciens ou les sort du pouvoir, est devenu de plus en plus court-termiste, c’est-à-dire que sa préférence à l’immédiat a augmenté en même temps que l’expansion des régimes de protection sociale obligatoires le soulageait régulièrement – autant qu’elle l’empêchait – de devoir prendre des mesures de protection privées. En raison de leurs propres politiques antérieures, les gouvernements ont désormais peur que le public n’accepte plus d’attendre jusqu’à un succès d’une politique de libéralisation et de propriété privée devenu évident à tous, mais plutôt vote pour les sortir du pouvoir.

Ainsi, du point de vue du gouvernement, la solution potentiellement la moins déstabilisante consiste au status quo en interne et plutôt à accroître les restrictions sur l’immigration. En adoptant cette optique, la faillite des États-providence occidentaux comme modèles universels d’organisation sociale est de plus révélée. Non seulement le modèle est-il économiquement contre-productif, abaissant le niveau de vie des étrangers comme des habitants autochtones, mais il est de plus contraire à l’éthique, car il interdit aux habitants et aux étrangers de mener certains types d’affaires mutuellement bénéfiques impliquant leurs propres propriétés.

En forçant les immigrants potentiels à rester là où ils sont, il soutient implicitement les régimes communistes ou semi-communistes de l’Europe de l’Est. D’ailleurs, des mesures contre-productives similaires et des expropriations de propriétaires privés contraires à l’éthique, quoi que légales, ont caractérisé l’agenda des gouvernements depuis un long moment sans grandes protestations publiques. Les étrangers rendus les seules victimes apparentes, le contrôle accru de l’immigration est considéré comme profondément populaire, qui devient central à un pardon public durable en réponse au soutien ainsi accordé aux régimes communistes. Si quelques protestations contre les restrictions à l’immigration se font entendre, elles viennent des milieux libéraux classiques. Pourtant, alors qu’il y a quelques porte-parole libéraux isolés, nulle part en Europe occidentale il n’existe un mouvement idéologique populaire dédié au vieux libéralisme.

Fin

Comment l’Etat-providence se termine…

Libéralisme mort

En fait, le libéralisme classique, en tant que mouvement politique, était mort depuis longtemps, et la phase de libéralisation de l’Europe occidentale, en particulier en Italie, en Allemagne de l’Ouest et en France, après la Seconde Guerre mondiale, doit être considérée comme une simple aberration transitoire (plus le résultat de circonstances heureuses que de raisons systémiques) au milieu d’un lent et long processus de déclin. [2]

Le déclin du vieux libéralisme avait commencé avant la Première Guerre mondiale, largement en raison d’une erreur stratégique de sa propre faute. Le libéralisme classique s’était axé autour de la notion de propriété privée comme prérequis de la liberté et de la prospérité humaines, et en conséquence s’opposait à toute interférence avec la propriété privée, pour raison d’état ou autre. Les gouvernements, si même nécessaires, étaient supposés être de taille minimale, chargés exclusivement de la tâche de la protection des droits de propriété privée de leurs citoyens, tel un Etat-veilleur-de-nuit. Le mouvement libéral du XIXe siècle commit l’erreur de croire possible de promouvoir ce but en soutenant les causes républicaine (par opposition à monarchique) et démocratique (par opposition à aristocratique).

Pourtant, le républicanisme ne promut que le nationalisme, et par alliance, un libéralisme originellement universel et internationaliste devint progressivement nationaliste. La démocratisation (c.-à-d. l’extension graduelle de la délégation du pouvoir [NdT pris pour franchise] des propriétaires aux non-propriétaires, qui évolua au cours du XIXe siècle en Europe occidentale, et que le libéralisme, quoi qu’à contrecœur, avait soutenue) ne fit que favoriser la croissance de partis socialistes-égalitaires et conservateurs-protectionnistes, vidant simultanément le mouvement libéral essentiellement aristocratique de son soutien.

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale accéléra la perversion du libéralisme en une croyance nationaliste, et emporté par les effets de la guerre (la chute des Romanov, des Hohenzollern et des Habsbourg, la défaite de la Russie, de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, respectivement, et la prise de contrôle bolchevique en Russie), le libéralisme de l’Europe de l’Ouest disparut  littéralement en tant que mouvement politique. La menace de la révolution soviétique et la « dictature du prolétariat » s’étendant vers l’ouest, portée par un fort mouvement radicalisé des partis socialistes-communistes, produisit comme réponse « bourgeoise » un mouvement tout aussi radical de partis socialistes-fascistes nationaux. Pris dans la lutte de pouvoir toujours plus violente entre ces forces socialistes concurrentes, qui se termina en l’espèce avec la victoire presque complète de ce dernier, le mouvement libéral fut pulvérisé.

1933

Tourner le dos à l’héritage libéral.

L’après-guerre politique

Résultat de la Seconde Guerre mondiale (et de la défaite militaire du national-socialisme et du fascisme) l’Europe occidentale tomba sous contrôle presque total des États-Unis et de son système politique de démocratie républicaine. La politique étrangère du président Woodrow Wilson voulant « rendre le monde sûr pour la démocratie » et son anti-monarchisme militant, qui avait été imposée à l’Europe une première fois après la Première Guerre mondiale et qui venait d’échouer de façon spectaculaire, fut reprise et élargie (la Serbie-Yougoslavie et l’Italie abolirent leurs monarchies).

Dans les pays d’Europe de l’Est, concédés à la domination soviétique par les gouvernements de Roosevelt et Truman, une « dictature du prolétariat » fut établie, et tout ce qui restait du libéralisme classique fut éradiqué dans sa course. En Europe occidentale, le système des partis politiques pré-fascistes et pré-nazis réapparut, mais cette fois sans affichage explicitement fasciste ou national-socialiste, qui avaient été interdit par les Forces alliées, et sans représentation significative des partis monarchiques.

Encouragé initialement par le triomphe du socialisme dans les républiques populaires de l’Europe de l’Est, des partis socialistes et communistes orthodoxes se rétablirent comme forces majeures sur la scène politique (s’appuyant fortement sur les anciens électeurs fascistes ou national-socialistes). La Grèce et l’Italie furent à la limite de la prise de contrôle par les communistes juste à l’après Seconde Guerre mondiale. En France, les communistes émergèrent comme le parti politique le plus fort, et tous les partis socialistes réunis recueillirent régulièrement la majorité des voix jusqu’à la fin des années 1950. En Grande-Bretagne, le parti travailliste accéda au pouvoir exécutif. Les pays scandinaves étaient fermement sous l’emprise des sociaux-démocrates. [3]

Huma

Une de l’Humanité au 9 mai 1945.

Deuxième force politique majeure dans l’Europe de l’Ouest post-Seconde Guerre mondiale, un bloc de partis bourgeois anti-communistes émergea, d’orientation nationaliste, social-conservatrice et chrétienne-sociale. Des partis nominalement libéraux (alors presque méconnaissables de leurs débuts libéraux classiques) constituaient juste une petite partie de ce camp bourgeois et appelaient à un libéralisme national-social (et anti-clérical). La Suisse avait été et restait fermement sous un tel contrôle bourgeois ; de même, les partis bourgeois prirent le dessus en Allemagne de l’Ouest et en Italie ; et les partis chrétiens-sociaux ou sociaux-conservateurs émergèrent comme la plus forte force politique unique en Autriche, Belgique et aux Pays-Bas.

Pourtant, cette fois, la rivalité entre le prolétariat et le bloc du parti bourgeois ne conduisit pas à un conflit politique continuellement accru et ciselé, ni à la paralysie ou à l’abolition du système démocratique multipartite, comme elle le fit pendant la période entre deux guerres. À la place, dans toute l’Europe de l’Ouest, elle mena à une homogénéisation idéologique graduée ; quant au libéralisme en particulier, plutôt que d’être gommé, il abandonna volontairement son identité pour se laisser submerger dans un grand et uniforme consensus étatique pro-état-providence – et conservateur-libéral-socialiste.

Embourgeoisement

Deux facteurs interdépendants contribuèrent à ce développement. D’un côté, pour tout observateur occidental neutre, il devint rapidement évident que la répétition de l’expérience de socialisation dans les pays d’Europe de l’Est avait produit les mêmes résultats sombres qu’elle avait produit en Russie précédemment, réfutant ainsi une fois pour toutes le mythe que le chaos économique soviétique fut seulement dû à une « mentalité asiatique » spéciale du peuple russe. Par ailleurs, les réformes libérales ci-dessus, qui furent mises en vigueur simultanément en Europe de l’Ouest, en particulier en Allemagne de l’Ouest et en Italie (en grande partie contre et malgré une écrasante opinion publique étatiste-socialiste [4]), produisirent un miracle économique, de manière inattendue mais rapide, et élargirent considérablement l’écart de niveau social entre l’Ouest et l’Est.

À la lumière de cette leçon populaire (et à la recherche d’une majorité), tous les partis occidentaux apportèrent des ajustements à leur programmes. En particulier, les partis socialistes-communistes orthodoxes durent subir une transformation et abandonner leur idée centrale d’une économie socialisée. C’est cet « embourgeoisement » de la gauche qui fournit le catalyseur à la tendance vers l’uniformité idéologique.

Les développements en Allemagne de l’Ouest furent typiques de cette tendance. De tous les grands pays, le contact avec le socialisme à la soviétique était ici le plus direct, et des millions de personnes eurent amplement l’occasion de voir de leurs propres yeux le malheur qu’il infligea au peuple d’Allemagne de l’Est. Les réformes de Ludwig Erhard en 1948 y produisirent la première reprise économique et la plus marquée d’Europe occidentale, et le processus d’uniformisation idéologique y fut en fait très profond. Le soutien au parti communiste y tomba d’un maigre cinq pour cent à l’insignifiance en quelques années. L’Union chrétienne-démocrate conservatrice, sous leadership de Konrad Adenauer, abandonna tous les anciens plans pour une nationalisation des industries « vitales » dès 1949, et embrassa à la place le concept d’économie « sociale de marché ».

Ludwig Erhard

Ludwig Erhard.

Élément décisif, une décennie plus tard, en 1959, les sociaux-démocrates ouest-allemands, contraints par l’érosion du soutien des électeurs, adoptèrent un nouveau programme pour leur parti, dans lequel toutes traces évidentes d’un passé marxiste furent ostensiblement absentes, et qui a parlait de la socialisation seulement comme mesure de dernier recours, insistant plutôt sur l’importance des politiques visant à « corriger les défaillances » des marchés. En conséquence, en 1966, pour la première fois, le Parti social-démocrate entra au gouvernement fédéral comme partenaire secondaire au sein d’une grande coalition avec l’Union chrétienne-démocrate. De 1969 à 1982, une petite coalition entre les sociaux-démocrates, devenus de véritables partenaires, et le Parti démocratique libre, prit la suite. Et depuis 1982, les Démocrates libres ont été à nouveau des partenaires secondaires de l’Union chrétienne-démocrate, comme ils le furent de 1949 à 1957 et de 1961 à 1966. Le processus d’homogénéisation idéologique avait ainsi bouclé la boucle : conservatisme, libéralisme et socialisme avaient été homogénéisés, et les libéraux eurent en réalité présidé et participé à la destruction finale de leur propre héritage idéologique.

Socialement désirable

Dans les pays plus éloignés du Rideau de fer, tels que France, Italie et Grande-Bretagne, et aussi après la chute des régimes autocratiques de Salazar et Franco respectivement au Portugal et en Espagne, le processus d’homogénéisation idéologique fut moins prononcé ou pris un peu plus longtemps ; mais finalement, partout en Europe de l’Ouest, le même schéma finit par émerger, [5] et dans les années 1980, l’uniformisation idéologique de l’Europe occidentale était presque achevée. Le terme « Europe occidentale », tel que défini par tous les partis, en était venu à signifier démocratie multipartite et économie sociale de marché : une économie de marché basée sur la propriété privée, réglementée et « corrigée » par un gouvernement démocratique selon sa définition de « socialement désirable » (ou « indésirable »).

Commun

Les Ordolibéraux – Libéralisme à l’allemande – Patricia Commun.

Et le résultat « socialement désirable » incluait typiquement non seulement la nationalisation, ou monopole étatique, de la défense et de l’administration de la loi et du droit (armée, police et tribunaux), cela incluait aussi la nationalisation de tout ou presque de l’enseignement et de la culture (écoles, universités, bibliothèques, théâtres, opéras, musées), de la circulation et de la communication (routes, rivières, côtes, voies ferrées, aéroports, compagnies aériennes, courrier, téléphone, radio, télévision et ondes), et de la monnaie et des banques (une devise nationale fiduciaire, une banque centrale et un cartel bancaire à réserves fractionnaires).

Cela signifiait la nationalisation de la plupart des ressources naturelles (pétrole, gaz, minéraux), et la monopolisation ou la cartellisation de la plupart des commodités (eau, électricité, gaz, ordures et assainissement), et le plus gros de l’assurance (prévoyance, assurance maladie, chômage). Cela signifiait que le gouvernement prenait systématiquement en charge, et subventionnait, l’agriculture et le logement ; qu’il a accordait une protection spéciale contre la concurrence du marché à une myriade d’industries « vitales » (telles que les mines, le charbon, l’acier, l’automobile, les avions, les ordinateurs et les textiles) ; et que dans l’exécution de toutes ces tâches, le gouvernement deviendrait le plus grand employeur du pays, le plus grand propriétaire immobilier, et le plus grand capitaliste, et que ses dépenses absorberaient généralement environ la moitié du produit national d’un pays.

À suivre…

 

Hans-Hermann Hoppe

[1] Cet effondrement arriverait même plus tôt s’il était accordé aux immigrants d’Europe de l’Est le droit de voter, puisque la plupart d’entre eux, ayant passé leur vie sous un socialisme complet, sont économiquement analphabètes, avec des notions d’état-providence profondément ancrées dans leur endoctrinement mental.

[2] Les réformes italiennes et allemandes se heurtèrent à la défaite et à l’occupation militaires, et furent menées en grande partie à l’encontre et à l’abri de d’une opinion publique prévalant tendant à gauche. L’influence temporaire de Luigi Einaudi ne fut pas due à la force de son parti politique, mais plutôt au fait qu’il représentait une rupture propre d’avec le fascisme autant qu’un retour à la bourgeoisie pré-fasciste de l’Italie commerciale du Nord. Déjà éminent en tant qu’auteur économique et politicien, Einaudi avait démissionné de la vie publique après la prise de contrôle fasciste, et avait passé les dernières années de l’ère fasciste en exil en Suisse. Ludwig Erhard, vierge de toute association avec les socialistes nationaux, mais sans nom ni base de pouvoir politique à proprement parler, fut en fait nommé à son poste de tsar économique par les forces militaires d’occupation, et mis en œuvre son programme initial de réforme par décret administratif, sans contrôle ni contrainte d’aucune procédure démocratique. De manière proche, l’influence de Jacques Rueff manquait d’une base de parti, mais résulta de sa relation personnelle avec de Gaulle et des pouvoirs renforcés que de Gaulle avait créés pour sa présidence sous la constitution de la Vème république. 

[3] Les partis socialistes étaient les moins populaires en Suisse, et le sont demeurés depuis, avec un taux de votes favorables typique aux alentours de 25%.

[4] Significatif de l’opinion publique étatiste-socialiste dominante est le fait que même l’Union chrétienne-démocrate nouvellement fondée et conservatrice de l’Allemagne de l’Ouest, dans son programme de Ahlen en 1947, déclara que « le système économique capitaliste n’a pas rendu justice aux intérêts vitaux du peuple allemand dans l’état et la société » et en conséquence exigea des politiques de socialisation à grande échelle.

[5] Le meilleur indicateur de l’uniformisation idéologique à travers toute l’Europe occidentale est le déclin des partis communistes et la montée simultanée des socialistes et des partis démocratiques. Comme en Allemagne de l’Ouest, après une relative performance électorale juste après la Seconde Guerre mondiale, les partis communistes en Autriche, en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves furent rapidement réduit à l’insignifiance. Les résultats au Portugal et en Espagne post-autocratiques furent similaire. En France, le déclin systématique du parti communiste commença à la fin des années 1950 ; en Italie, il commença au cours des années 1970 ; et les années 1980 ont vu la dé-marxification du Parti travailliste britannique. En parallèle, la popularité des ailes social-démocrates réformées du mouvement socialiste alla régulièrement grandissant ; et pendant les années 1970 et 1980, les partis sociaux-démocrates atteignirent le sommet du pouvoir pour la première fois non seulement en Allemagne mais aussi en Autriche, en Espagne, au Portugal, en Grèce et en France.