« Dans des conditions idéales, notre législation devrait nous conduire à donner le meilleur de nous-mêmes, en faisant toujours appel aux plus hautes motivations de notre nature. » – Ron Paul

Grossesse épineuse

L’avortement est un sujet épineux car la grossesse est un état particulier qui touche l’essence de la vie et son mystère. Il s’agit a priori d’un conflit entre deux valeurs fondamentales : le droit de la mère de disposer librement et sans contrainte de son corps et le droit à la vie de tout être.

La plupart des partisans pro-avortement ne reconnaissent pas le droit à la vie. Ils considèrent qu’un individu existe et ne peut prétendre à des droits qu’à partir du moment où il voit le jour. À l’inverse, les partisans anti-avortement revendiquent le fait que vivre est un droit fondamental qui s’acquiert dès le stade embryonnaire.

Bien qu’une solution juridique au conflit pourrait se trouver via la hiérarchie des droits, (le droit de jouir librement de soi suppose le droit de naître et d’exister), sur une question qui fait appel aux croyances et valeurs morales personnelles, il eut été sage que l’État ne s’en mêlât pas en laissant le choix à chacun, en conscience, d’y répondre et d’agir en conséquence.

avortement

L’avortement, réflexion épineuse en nuage.

Or les États ont légiféré. La plupart des pays de l’Union européenne ont adopté une position intermédiaire entre celle des partisans pro- et anti-avortement. Ils ont adopté un jugement à la Salomon. Ils ont coupé de façon complexe et tortueuse le bébé en deux, imposant de fait à tous une morale sans équilibre. Ces législations faites d’arrangements, de compromis, posent problème, tant sur les comportements induits que sur le respect de la liberté de conscience.

Sur les comportements induits

Ne pensez pas, l’État pense pour vous ! « Je pense, donc je suis » disait Descartes. Dès lors que l’État définit pour moi les limites de ma pensée et de mes choix, comment me définir ? En décrétant quand et comment une femme serait en droit d’interrompre sa grossesse, et pour ce faire en l’assistant matériellement, l’État l’a libérée de l’effort nécessaire de réflexion et de responsabilité morale auquel elle est soumise comme être pensant. En découlent des comportements qui ne font qu’accentuer le problème au lieu de le résoudre.

Ainsi, en toute logique, l’arrivée de nouveaux moyens contraceptifs accessibles, tels que la pilule nouvelle génération et la pilule du lendemain, auraient dû résoudre le problème de l’avortement. Or c’est l’inverse qui a eu lieu. Le taux d’avortement dans les principaux pays d’Europe n’a cessé de croître ces vingt dernières années, atteignant une progression de l’ordre de 8,5% par an dans certains pays comme l’Espagne. [1] Cette intrusion de l’État a eu pour effet de banaliser et donc d’encourager l’avortement, au lieu d’inciter à la prévention.

Sur le respect de la liberté de conscience

Paradoxalement, les pro-avortement, supposés porte-paroles de la liberté de choix, se sont peu préoccupés du respect de la liberté de conscience quand ils ont imposé à l’ensemble de la communauté la prise en charge des frais liés à l’avortement. On aurait pu pourtant s’attendre à ce qu’un acte aussi contesté et rejeté par les principales religions soit tout simplement considéré (hors indication médicale) pour ce qu’il est : une chirurgie de confort devant être financièrement assumée par celle qui en fait la demande.

Le motif de cette prise en charge était d’éviter les avortements sauvages par des femmes qui n’ont pas les moyens de les financer. En prenant en charge l’interruption volontaire de grossesse, les États n’ont fait qu’ajouter un conflit moral supplémentaire à la question de l’avortement. Ils ont opposé liberté individuelle et solidarité imposée, comme si cette dernière ne pouvait pas s’organiser sans eux. Pourtant, rien n’empêcherait la création de caisses privées venant en aide aux femmes en détresse, caisses qui seraient financées par des personnes partisanes du droit à l’avortement.

Plus largement, une société libérale laisserait les familles se constituer librement et permettrait l’émergence de nouvelles solutions au problème de l’avortement. Une de ces alternatives se trouve dans la libéralisation, ou la facilitation, des possibilités d’adoption. Les conditions pour adopter sont actuellement draconiennes, et les modalités pour l’adoption sont lourdes et fastidieuses. Elles découragent bon nombre de personnes qui souhaitent y avoir recours.

Cette situation est d’autant plus paradoxale que la plupart des demandes d’interruption de grossesse proviennent de jeunes femmes qui ne peuvent assumer matériellement l’éducation d’un enfant. La plupart de ces femmes n’ont actuellement que deux choix : avorter ou abandonner l’enfant qu’elles ont mis au monde, ceci sous X. En cas d’abandon, elles n’auront pas le droit de savoir par qui cet enfant sera adopté et perdront tout contact avec lui.

Il n’est ainsi pas difficile de comprendre pourquoi l’interruption volontaire de grossesse reste la solution que les femmes préfèrent choisir, l’option de l’abandon sous X étant à la longue, humainement et émotionnellement, la plus difficile à assumer.

La déréglementation de l’adoption faciliterait son accès et laisserait les individus choisir le type de relation qu’ils souhaitent entretenir les uns avec les autres. S’en suivrait l’apparition de nouvelles relations entre géniteurs, parents adoptifs et enfants. Des options qui seraient peut-être plus satisfaisantes pour une femme qu’un abandon sous X ou qu’un avortement.

L’avortement est affaire de femmes

S’agissant d’un sujet qui est au cœur de la transmission de la vie humaine, il est normal et naturel qu’on continue à discuter et à échanger sur la question de l’avortement. Tenter d’interdire par des textes de loi l’expression des anti-avortement sous prétexte que cela serait culpabilisant pour les femmes me paraît fallacieux. Derrière l’avortement, il y a une réalité crue, qui est ce qu’elle est : l’arrêt d’un processus de vie. Cacher cette réalité-là ne va en rien la modifier, de la même manière qu’interdire l’avortement n’empêchera pas les femmes d’y avoir recours.

À défaut d’avoir trouvé un consensus, il serait bon que les États abandonnent l’idée même de traiter d’avortement. Qu’ils respectent la liberté d’expression et la liberté de conscience des femmes, celle d’agir selon leurs propres valeurs morales et éthiques. Vivement qu’on les laisse être ce qu’elles sont naturellement : les seules « maîtres » à bord.

Libres !!

Couverture de Libres !!

 

Isabelle Broussy, in Libres !!, 2014

[1] Institut de politique familiale, Rapport : L’avortement en Europe et en Espagne, www.ipfe.org