Entrepreneur entre preneurs
Je suis un entrepreneur délinquant. Pourtant, jamais je n’ai trahi un de mes contrats, jamais je n’ai porté préjudice à un client, pas plus que j’ai nuit à quiconque dans l’exercice de mon métier.
Les étatistes pourraient même se féliciter d’avoir des individus comme moi, qui entreprennent. J’ai créé plusieurs dizaines d’emplois, j’ai payé des sommes folles à l’État français, en taxes, impôt sur les sociétés et autres petites choses qui viennent gonfler le pactole de la spoliation habituelle. J’ai formé des gens à un nouveau métier, et je me félicite d’avoir donné goût à quelques uns d’entreprendre à leur tour.
Alors donc, comment cela est il possible, me demanderez-vous logiquement ?
Je n’ai pas les diplômes me permettant d’exercer le métier que j’ai pratiqué pendant 12 ans, avec un relatif succès.

#Entrepreneur ? Vraiment ?
Autodidacte. Autonome.
Engagé dans la Grande muette à 17 ans, je n’ai pas passé de baccalauréat, je ne suis donc titulaire que d’un seul diplôme d’État, le BEPC (brevet des collèges). Un peu court pour prétendre à un métier qui demandait, selon les exigences de la préfecture, une licence de droit, ou une licence dans les domaines de management/gestion.
Lorsque j’ai décidé de quitter ma carrière militaire, c’était pour entreprendre, mon goût me poussait irrésistiblement en ce sens, et je sentais qu’il était temps de me lancer. Le métier qui m’attirait m’était fermé par la loi.
Mais c’était sans compter sur ma détermination.
J’ai donc récupéré mes économies réalisées pendant mes années de service sous l’uniforme, et je suis allé me former quelques mois dans la capitale. N’ayant pas des années à perdre en études fastidieuses, chères et inutiles, j’avais fait le choix d’une formation privée pour me donner les bases, en sachant que celle-ci, bien qu’excellente, n’était pas le moins du monde diplômante et ne me permettrait pas de créer mon entreprise, du moins légalement.
J’étais le seul non diplômé à cette formation, ce qui attirait sur moi les regards les plus perplexes, la curiosité la plus condescendante de mes nouveaux collègues.
Quel est ce fou qui ignore les règles établies ? Un libéral acharné, autodidacte, et têtu comme un breton.
Ubu toi-même
Les mois passèrent et les regards changèrent, si je n’avais pas l’esprit scolaire, j’avais une certaine folie qui faisait la différence, une curiosité évidente et la capacité de travailler pour comprendre. C’est ainsi qu’un collègue me proposa de m’aider, et je sautais sur l’occasion.
J’aurais donc un « gérant de paille », un « prête-nom », pour monter mon entreprise, sans autre contre-partie que la confiance réciproque entre nous. J’appris d’ailleurs que dans le milieu c’était courant, on me donna d’ailleurs une liste de dizaines de personnes qui proposaient, moyennant finance, ce petit service. Un marché existait bien pour contourner la législation.
Pour berner l’administration, le montage juridique était assez simple. Je donnais 5% des parts de l’entreprise au gérant de droit, et l’affaire était réglée. Il ne percevait aucune rémunération, ne pesait sur rien dans la gestion de l’entreprise. J’étais nommé le directeur, et je devenais gérant de fait. C’est moi qui signais tous les documents, tous les contrats, sans exception.
Bien sûr, c’est moi seul que les banques ont vu pour financer mon projet. Bien sûr, c’est moi seul que les URSSaf, l’IGF, l’Inspection du travail, le Fisc, etc. … ont vu pendant leurs contrôles, et il était évident que j’étais bien le seul et unique gérant. Ca ne dérange personne quand il s’agit de récupérer de l’argent, et surtout pas l’administration.
Situation ubuesque, ridicule au possible.
Connivence des conservatismes
Pendant des années, je me suis intéressé aux condamnations de multi-diplômés qui avaient escroqués des clients, commis des fautes grossières.
L’État a décidé qu’un diplôme était une preuve de probité qui devait protéger le pauvre client. Aucun avocat, aucun notaire, aucun huissier, aucun énarque ne devait donc jamais passer devant un tribunal correctionnel, ce serait chose impossible si cette pseudo-logique était respectée.
C’est donc ainsi que l’État exclut des potentiels entrepreneurs de métiers qu’ils feraient pourtant à merveille s’ils en avaient juste l’occasion. Quand bien même ils ne le feraient pas correctement, le marché les sanctionnerait très vite, et la justice ferait toujours son travail, comme elle le fait avec les quelques grands diplômés fautifs. La liberté d’entreprendre ne se conçoit pas sans la responsabilité et le jugement des clients.
Ce protectionnisme n’a que l’inconvénient de fermer des débouchés au profit de ceux qui ont suivi le cursus étatique. Il est difficile d’extrapoler les conséquences pour les clients, mais il n’est pas fou d’imaginer que les clients seraient eux-mêmes bien plus responsabilisés dans les choix des professionnels si l’offre n’était pas restreinte par la volonté du législateur.
Cheveu dans la soupe
J’ai coutume de parler des coiffeurs pour faire comprendre la bêtise du dispositif.
Pour couper des cheveux, il faut un diplôme d’État. Peu importe le talent de l’individu, pour tailler une frange, il faut avoir fait un CAP. On pourrait imaginer que des écoles privées forment les coiffeurs, et que certaines deviennent naturellement plus réputées que d’autres. Le client choisirait alors en conscience son service selon, entre autres, ce critère.
Bien sûr cette logique s’applique à n’importe quel domaine, que les coiffeurs ne se sentent pas ostracisés.

Norbert Tarayre.
Et puis pour ceux qui s’intéressent un peu à la cuisine, et aux émission TV qui en parlent, ils savent qu’un des tous meilleurs candidats de Top Chef, devant des cuisiniers diplômés et parfois étoilés, et sous un jury de professionnels réputés mondialement, est un autodidacte : Norbert Tarayre.
Pour terminer, et confirmer ce que je disais précédemment, j’ai embauché des diplômés jusqu’au Master, et des non diplômés, sans distinction, selon le feeling que j’avais.
Dans l’exercice de leurs fonctions, je ne voyais aucune différence, et les clients pas plus. Le meilleur commercial que j’ai eu et que l’entreprise a formé en interne n’était titulaire que d’un Baccalauréat.
Laissons donc le marché faire, la pleine concurrence des écoles, et faisons confiance à chacun d’assumer ses choix.
Que les professionnels de la législation arrêtent de prétendre savoir maîtriser et réguler le marché : ils n’y connaissent rien et les conséquences sont néfastes pour tous.
Erwan