L’écologie, ça existe – oui, môssieur !

Vous me direz : il enfonce des portes ouvertes, nous savons tous fort bien que l’écologisme est de gauche ! Certes, mais là n’est pas mon propos car cette série d’articles n’est pas consacrée à ce qui est de gauche mais bien fondamentalement à la récupération par tous les collectivistes des principes et de la doctrine marxiste.

Est-ce parce qu’ils manquent cruellement d’imagination ? d’idées ? d’intelligence ? est-ce plus simplement parce que cette doctrine est primitive, facile à aborder, facile à vendre à un électorat en manque d’instruction ? Je n’en sais rien et pour tout dire je m’en fous : je ne fais qu’analyser et constater !

EcoChrist Rédempteur

Christ Rédempteur de l’Escrologie ?

Les sciences de la nature existent, elles sont enseignées à l’université, elles sont fascinantes et j’ai moi-même un intérêt sincère pour ces disciplines. En se plongeant dans les sciences de la nature, la première évidence est que chaque objet considéré se présente spontanément, simplement devant nos yeux. Plus encore, les effets observables des dynamiques sous-jacentes invisibles parce que trop petits pour être observés à l’œil nu, comme des réactions chimiques ou physiques, nous incitent à aller plus loin et plus profondément.

Généralement empiristes, ceux qui pratiquent ces sciences correspondent en l’esprit peu ou prou du criticisme de Kant qui qualifie l’expérience comme la manifestation du « maître qui s’offre véritablement à nous ». Il convient de se confiner à observer et à décrire le développement et l’organisation des propriétés empiriques des objets dans le cadre des mêmes principes qui gouvernent la perception objective du monde : les principes scientifiques.

Locke n’affirmait pas autre chose au sujet de la nécessaire méthode empirique (voir à ce sujet « An Essay Concerning Human Understanding ») et, plus près de nous, Russell puis Carnap précisèrent la démarche en y ajoutant l’axiomatisation. En somme, il s’agit d’observer puis de décrire des faits, de définir une méthode et d’interpréter à l’aide d’outils critiques sans jamais sortir du cadre de la science.

Comme c’est aussi le cas en Histoire, les faits sont naturellement neutres et s’ils peuvent servir une idéologie, ce n’est alors plus du tout dans le même cadre ou la même classe, comme l’écrirait mon cher Comte-Sponville. L’écologie est bien entendu une science de la nature.

Or vint l’écologie politique !

On ne peut nier qu’elle s’est constituée pour une partie en réaction à des questions concrètes, des interrogations fondées sur des faits comme la pollution industrielle, les conséquences de la valorisation du territoire, comme la déforestation, le détournement des cours d’eau, ou que sais-je. Ceci, entendons-nous bien, est indubitable et il est à la fois sain et intelligent de s’y attarder.

Sénat

Sénat à Rome

Mais pour une autre partie, et non la moindre, l’écologie politique s’avère l’application d’une doctrine moins se réclamant d’une base scientifique solide que d’une sorte de religiosité et de romantisme qui culminent en une aspiration morale, pure question de valeurs ; un désir d’harmonie sinon d’amour des hommes, des bêtes et des plantes encore que « l’amour des hommes », j’en doute de plus en plus. En d’autres termes, l’écologie politique se conçoit, au mieux, comme l’organisation sociale de l’amour béat pour la nature et, au pire, à une doctrine dédiée à l’ingénierie sociale.

Nous remonterons aux racines de l’écologie politique dans le paragraphe suivant, mais il faut noter que déjà les hippies des années 60-70 prônaient un changement de société, eux dont l’idéologie écolo plutôt naïve a été récupérée par les jeunes urbains qui militent pour un « retour » à la terre et à la culture agricole (même réduite aux terrasses et aux toits des villes) soutenu, encouragé et forcé par le recours à la législation.

Ingénierie économique et sociale, donc, qui prétend défendre quelque nature originelle et glissant joyeusement vers la technophobie et le conservatisme le plus réactionnaire bien qu’ils s’en défendissent. À ce stade, il est piquant de souligner que les « progressistes » sont devenus les plus « conservateurs » sur l’échiquier politique classique : il est urgent de progresser … vers le passé ! Bref.

Brun-rouge, donc.

On a coutume de se reporter uniquement aux racines marxistes et nazies de l’écologie politique, mais c’est une grave erreur : sans remonter aux débats anciens sur la place de l’humain dans la cosmogonie, il est nécessaire de fixer l’industrialisation de l’occident comme point de départ historique. Car c’est l’instant où l’action de l’homme modifie suffisamment la nature pour que des effets observables, mesurables et modélisables apparaissent et éveillent l’intérêt des scientifiques comme des politiques.

Erntedankfest

Deutsches Erntedankfest

On trouvera par exemple une liste de références dans un ouvrage collectif publié sous la direction d’un certain Marc Abeles (« De l’écologie scientifique à l’écologie politique », dans Le défi écologiste, 1993, L’Harmattan) qui a la particularité de comporter plusieurs cas dont le fond dépasse indubitablement le cadre des sciences de la nature.

Tous versent dans le catastrophisme, honnissent le capitalisme, certains parlent de « socialisation de la nature », la plupart donnant à cette écologie un ton politiquement très offensif.

Ce mouvement sera en partie à l’origine de structures plus importantes, robustes et écoutées qui ont les moyens financiers et intellectuels nécessaires, comme le Club de Rome, pour poser des passerelles entre le monde scientifique et le monde politique en s’appuyant fortement sur les médias mais aussi les programmes officiels de l’éducation nationale, des mouvements de jeunesse, etc.

Si on se contentait d’aborder le phénomène sous l’angle de la philosophie politique, on pourrait s’émerveiller (sans pour autant y adhérer) d’un système efficace qui sache gérer une planète avec la nature au centre de son analyse.

Mais si on l’aborde sous l’angle de l’objectivisme rationnel, l’écologie politique remplit presque complètement les critères d’un système totalitaire : un parti unique, celui de la nature (même si plusieurs partis politiques peuvent coexister) ; une idéologie d’Etat (peu importe qui soit au pouvoir, c’est l’écologie qui doit être au sommet des préoccupations) ; un appareil répressif (que l’on songe à l’insistance pour la création du « crime contre l’environnement ») ; une économie centralisée (coucou Marx) ; un monopole sinon la monopolisation des moyens de communication (tout se communique à l’aune de l’écologie) ; une institutionnalisation de la doctrine (c’est le virage énergétique, la dé-carbonisation de l’économie, « verdir » ceci-cela) et entretenir une révolution permanente (à ce sujet, je conseille la lecture de Sigmund Neumann).

Mais surtout rouge !

Brun-Rouge

Arbre au Point Vert Brun-Rouge

Revenons aux classiques : on trouve sans équivoque des racines marxistes à l’écologie et on lui trouve également des racines fascistes, plus précisément nationales-socialistes, mais ce n’est pas très intéressant de s’attarder sur ces dernières parce qu’elles ne diffèrent pas fondamentalement des marxistes – au delà d’une haine qui est transversale chez les marxistes et verticale chez les fachos (pour le marxisme, c’est la lutte des classes, dans le cas du nazisme, c’est la supériorité d’une « race »).

Nous verrons cependant que, pour des raisons évidentes, c’est bien la nature marxiste qu’a retenue l’écologie politique. On trouve les racines nazies dans la loi de l’époque (voir « Das deutsche Tierschutzrecht » Berlin, Dunker & Humblot, 1939), rédigée à la suite d’un discours très connu d’Adolf Hitler en 1933 dans lequel il affirme que : « Dans le nouveau Reich il ne devra plus y avoir de place pour la cruauté envers les animaux ».

La loi rassemble toutes les dispositions juridiques ainsi qu’une introduction exposant les motifs philosophiques et politiques d’un projet de très grande ampleur : l’Allemagne nazie sera le phare des nations en la matière ! En résumé, il s’agit d’une instrumentalisation de l’écologie afin de justifier les théories de pureté de la race, du lien originel à la nature, aux forces transcendantes qui ont beaucoup nourri la part d’occultisme contenue dans le nazisme.

Je pourrais encore citer d’autres sources, antérieures et « académiques » mais ce serait superflu : il y a une tradition écolo-politique allemande, les nazis l’ont matérialisée dans la loi et dans la philosophie, c’est tout ce qui importe. Il va de soi que ceci ne signifie pas que l’écologie politique soit intrinsèquement nazie, nous parlons de sources de l’écologie politique.

Pour ce qui est du marxisme, je vous renverrai à Pierre Charbonnier qui affirme que « La première chose à remarquer, c’est que la recherche d’une relation à la nature qui serait indépendante de la médiation par la marchandise est un élément fondamental de la critique « culturelle » du capitalisme héritée du marxisme » (Pierre Charbonnier, « De l’écologie à l’écologisme de Marx », in. Revue « Tracés » n° 22, pp. 153–165).

En résumé, il s’agit également d’une instrumentalisation de l’écologie afin d’illustrer et de dénoncer la lutte des classes, l’exploitation industrielle par des riches opprimant des pauvres.

La science? Tiens, fume!

Température ?

Temperatuur Über Alles

Racines doubles, donc, et indubitablement collectivistes dont seule subsiste actuellement la version marxiste et ce qu’espèrent ses militants est bel et bien l’événement d’une société mondiale verte, totalitaire et marxiste.

Fondateur de la revue Écologie politique, Jean-Paul Deléage l’avoue, le scande, l’affirme : « […] l’écologie politique ne peut tirer son fondement de la science, fût-elle écologique ». Tout son argumentaire repose sur la critique du libéralisme et il confie à l’écologie politique d’intervenir activement dans les affaires publiques afin de remettre en cause le capitalisme. Mais dans une version fantasmée sous la forme marxiste, à savoir l’affirmation qu’il s’agit exclusivement de l’utilisation sauvage des ressources naturelles ; il convient en outre de remédier poids salarial exorbitant de l’expansion rapide d’une classe moyenne, hors occident, qui serait impossible à soutenir ni pour les employeurs ni pour les États.

Ce qu’il désire n’est rien moins que l’éradication de toute une classe sociale ! Pour arriver à ces fins, il conviendra dès lors de définir des nécessités qui peuvent êtres étayées par la science mais sans que ce soit une condition nécessaire (vide supra) écologique, et les traduire en normes contraignantes : ce n’est rien d’autre qu’une prise de pouvoir pour façonner un monde nouveau…

Les plus perspicaces auront reconnu l’injonction de Marx dans la Onzième thèse sur Feuerbach selon laquelle il ne s’agit plus seulement de comprendre le monde, mais de le transformer après avoir mis à bas les structures économiques, politiques et sociales libérales réelles ou fantasmées (qui sont en fait plutôt chrétiennes-démocrates depuis la fin de la seconde guerre mondiale, mais faisons simple).

Jusqu’à présent, aucun mouvement politique de gauche n’a réussi à mettre en œuvre ce dessein, d’où à la fois une récupération pour une partie de l’échiquier socio-politique ou une réorientation voire une redéfinition des concepts comme pour l’éco-socialisme (la lutte des classes et la lutte pour l’environnement ayant été fusionnées).

Il n’en demeure pas moins que le fond est toujours la relation aux questions dites sociales, et le combat est à mener sur le front idéologique soutenu par la sauvegarde de la planète – rien de moins ! En d’autres termes, si tu n’es pas avec nous, tu es un assassin de la planète – ne riez pas, je n’invente rien !

Les habits verts de l’Empereur

En conclusion, l’écologie politique ne naît pas du néant et elle hérite de près de deux siècles de marxisme, soit des luttes sociales contre l’exploitation et l’aliénation. En passant, les nazis n’affirmaient pas autre chose, à ceci près que les exploiteurs et les aliénateurs n’étaient pas les riches mais les Juifs, entre autres. D’un point de vue philosophique, la différence est minime mais cette composante est moribonde – reste la rouge.

L’écologie politique moderne est un véhicule, il assure la continuité des revendications marxistes de « justice sociale » et de la contestation de la rationalité économique capitaliste. L’écologie politique moderne a cependant dépassé – ou expurgé ? – Marx en ce sens qu’elle s’est écartée du thème du progrès matériel infini (après l’avènement de la société communiste, naturellement) et c’est la raison pour laquelle le marxisme traditionnel n’est plus suffisant pour analyser et comprendre leur système.

Les verts ont des racines rouges teintées de brun, c’est l’évidence historique, épistémologique et philosophique. Mais on errerait grandement en se limitant au marxisme classique : ce n’est plus Marx qui les inspire mais bien Obi Marx Kenobi, son héritier devenu mentor.

L’avenir qu’ils veulent imposer n’est pas celui de Marx, qui envisageait tout de même une société d’abondance, mais celui du manque, de l’absence, de l’impossibilité même de progrès ; c’est une régression voulue, assumée, dirigée, imposée afin de « sauver la planète » … et quiconque ne veut pas sauver la planète est et sera toujours un ennemi.

En dernière analyse, il importe peu que la lame de la guillotine soit rouge ou brune, car elle tranchera impitoyablement.

 

Nord.