Abus de rapport textuel

Le rapport de la député affriolante Aurore Bergé fait pas mal parler de lui, par exemple dans cet article où est publiée une réaction au caractère déclaré « déconnecté du réel » des enseignants.

Oxymore.

Oxymore ambulant.

La première chose qui semble étonnante mais en même temps tellement caractéristique de ce fol pays crépusculaire qu’est la « France », c’est le fait même qu’une (paire de) député(s) produisent un soi-disant « rapport » pour éclairer le gouvernement sur l’état de l’enseignement. Au passage, peu importe que le rapport soit sur ce sujet ou sur un autre, c’est un point annexe.

L’idée même qu’un député puisse avoir une quelconque capacité à « rapporter » la réalité d’un de nos monstres, d’un tel mammouth, montre soit combien les politiciens ne prennent pas la mesure de la complexité de la réalité étatique, comble pour un rapport sur la réalité, soit combien ils sont dans le jeu, les joutes puériles et la façade envers le bon peuple que nous sommes. Je crois les deux vrais.

Audit soit qui mal y pense

Si on devait pencher pour une véritable prise de température, comme si le diagnostic était inconnu, n’importe quel dirigeant un peu sérieux commanditerait un audit. Cela se ferait par un cabinet spécialisé, pas par une jeunette improvisée dont la compétence semble être surtout vestimentaire. Et vu le temps que cela prend pour une grande entreprise, cela prendrait des mois et coûterait une petite fortune.

Or si on a la petite, on n’a pas la fortune, et les tunes en ce moment ne vont pas fort. De ce point de vue, il est vrai que l’option pour le rapport-à-la-va-vite présente au moins l’avantage de l’économie relative et d’une dépense publique moindre.

Et de toute manière, il est clair que l’objectif d’un tel rapport n’est pas dans la finesse de ses conclusions, mais bien dans la simple manœuvre et esbroufe politicienne destinée à occuper l’espace et à se faire remarquer. Le rapport Bergé a peu de chances de finir dans les annales – enfin, pas celles-là.

J’veux l’marché à la place

Avoir recours à un rapport pour savoir si le service est rendu par un mammouth, c’est symptomatique d’un pays collectiviste qui a oublié que le service est rendu à des individus qui pensent. C’est oublier que tous les services de ce monde, les vrais, ne passent pas par le rapport d’une bergère pour savoir si les moutons clients en sont satisfaits : le chiffre d’affaire et les profits suffisent largement.

Il est vrai que ce type de raisonnement suppose – horreur – que le « service public » de l’enseignement – pardon, celui de « l’éducation » – serait avant tout un service, dont nous serions clients au lieu d’en être les « usagers », comme dirait la grandiose SNCF.

Autrement dit, si notre Jupiter ou son Aurore avaient réellement à cœur la qualité de l’enseignement de nos chères têtes blondes, ou brunes d’ailleurs, il poserait la question aux parents, voire mieux : il transformerait le mammouth en entreprise(s) mise(s) sur un marché de services de pleine concurrence. Mais peu leur importe, on est juste dans le spectacle, comme d’habitude.

Déconnecté, c’est branché

L’article paru dans Agoravox n’est d’ailleurs pas du tout sur cette ligne : vu d’une enseignante, puisque c’est la profession de l’auteur, cela aurait été étonnant de lucidité. Non, notre prof se vexe parce que la député qualifie les profs de « déconnectés du réel », prétextant en retour que les députés et politichiens le sont certainement bien plus que nos fonctionnaires en place sur le terrain.

Pour ma part, je pense que les deux ont raison, ou tort, je vous laisse choisir. Il est évident que les profs sont déconnectés, puisque d’une part ils ne sont confrontés à aucun moment dans leur carrière à la vie sociale et surtout économique et de plus ils sont mutés par le mammouth de manière sauvage et arbitraire et se retrouvent le plus souvent dans des environnements où ils n’ont pas grandi, en ignorant les codes, les problèmes et les enjeux. Pas besoin d’un rapport pour l’identifier.

Quant à notre députée, comme leur immense majorité, elle n’a jamais été en entreprise, n’a aucune formation sérieuse et vient d’une famille du monde du spectacle. Passant sur son zigzaguement politique, je copie ici un extrait de sa bio selon Wikipedia, ça vaut le détour en matière de « branché » bien déconnecté :

Girouette.

Beau mariage de girouette.

« Elle fait ses études à Sciences Po Paris, où elle obtient un master affaires publiques (promotion 2009), fait des stages auprès de députés européens, notamment auprès de Roselyne Bachelot au Parlement européen, puis est embauchée par une agence de communication, Agence Publics d’abord, l’agence qui a organisé tous les grands meetings de Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle 2012, puis chez Spintank, auprès de Nicolas Vanbremeersch, et Hopscotch, en tant que directrice de clientèle.

En 2007, elle rencontre Nicolas Bays, alors député socialiste, dans les couloirs du Parlement européen et se marie avec lui en juin 2009 à Wingles. Le couple choisit comme témoins Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé et des Sports, et Pierre Moscovici, alors député. »

Quand je vous dis que la politique est un pur spectacle… dont on nous force à acheter les billets…

 

Euclide