Tort pille
L’affaire NDDL a peine réglée par la lamentable baguette magique d’Edouard Philippe, voilà que le dossier revient par la fenêtre sous la forme d’une exigence fort intéressante du CD44, révélée par la presse régionale, qui nous apprend que :
« Ancien propriétaire de 895 hectares de terres prévus pour la construction de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le Conseil Départemental de Loire-Atlantique a officiellement demandé à l’Etat leur rétrocession, ce lundi 12 février, précise l’AFP. »
« Je sollicite au nom du Département de Loire-Atlantique la rétrocession de l’ensemble des parcelles cédées qui étaient situées dans le périmètre de la déclaration d’utilité publique », écrit le président du Conseil Départemental. »
On peut imaginer que la motivation première du CD44 est de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement pour des raisons avant tout bassement politiciennes – sachant que les raisons politiciennes sont toujours basses et minables – mais néanmoins cette demande met le doigt sur une question pertinente et assez fondamentale, qui mérite qu’on s’y attarde un instant.
Vol au-dessus d’un nid (larvé) de coucous
Premier scandale, et coutumier du fait, l’état avait réquisitionné les terrains en vu du NDDL. C’est facile de faire des projets pharaoniques quand on commence par voler les propriétaires de leurs terres au lieu de les acheter au prix du marché, comme aurait fait tout entrepreneur honnête.
Si cet aéroport avait été une bonne affaire, c’est-à-dire s’il y avait eu une forte demande, ou du moins « suffisante », les promoteurs du projet auraient pu espérer gagner assez d’argent pour en premier lieu investir et justement dédommager les propriétaires en leur payant leurs terrains à un prix correct. Quand déjà l’état pique les terres avec autorité et arbitraire, c’est déjà un mauvais signe, puisque cela veut dire que la rentabilité et donc le besoin ne sont pas au rendez-vous.
OK, ici, l’état a pris les terrains à une collectivité locale, le CD44. Mais celui-ci les avait saisis tout pareil, peu importe ses motivations d’alors ; donc le raisonnement reste le même : pour un propriétaire lésé, rien ne change que ce soit une collectivité ou un machin national qui lui pique son terrain, pas plus que les pseudos motivations à le faire.
Sur la piste… des propriétaires
Et donc voilà qu’une fois le projet abandonné, un politicien trouve le moyen de nous rappeler que ces terrains furent volés et qu’il s’agirait non pas de les restituer à la collectivité locale, comme le CD44 l’imagine, mais plutôt – évidemment – aux propriétaires privés lésés à l’origine. Clairement, le CD44 n’a aucune légitimité à reprendre « possession » de ces terrains, pas plus que n’importe quelle entité publique : la propriété des terrains ne peut être qu’entre des mains privées, point barre.
On a tellement perdu cette perspective, on a tellement pris pour acquis que le public a un bien-fondé à exproprier les gens pour mener à bien ses petites affaires et autres magouilles que les journaleux ne pensent même pas à remonter la filière. Pourtant, l’occasion était belle de se demander comment ces terrains avaient pu finir entre les mains de « l’état » et pourquoi ils pourraient, comme souvent, y rester éternellement. Mais nos journalistes ne sont pas habitués à contester les choses en place et à bousculer le jeu du pouvoir, c’est trop risqué pour leurs subventions.
Voler la vœux-dette
Pourtant, imaginez un peu ce que l’exercice d’une juste restitution des biens dérobés permettrait d’envisager en ce pays – et la liste ne sera que brève, tant il y aurait d’exemples à prendre.
La SNCF pourrait rendre les terres que les centaines de kilomètres de voies désaffectées gaspillent depuis des lustres, avec la « petite ceinture » au sein de Paris à 10.000 euros du m2 comme sommet. Les centaines de bureaux de postes de campagne inutiles ou sous-exploités pourraient sans doute héberger bien des gens. Les terrains militaires seraient également d’excellent candidats au retour.
Le scandale de NDDL et de son aéroport qui aura volé les foules sans que le moindre avion décolle illustre l’incapacité de tout politique à se substituer à l’entreprise pour (ne pas) mener à bien des projets qui trouvent le « bien commun » par le succès commercial. Cette incapacité, démontrée encore et encore en théorie comme en pratique, devrait motiver la restitution systématique de tous les terrains détenus par un machin public à leurs légitimes propriétaires, ou à défaut devrait motiver une mise aux enchères qui permettrait au moins d’éponger la dette.
Comptons sur les journalistes pour ne pas rebondir sur cette affaire pour pousser cette idée.
Euclide