« Obliger un homme à contribuer financièrement à la propagation d’opinions qu’il ne partage pas ou exècre est immoral et tyrannique. » – Thomas Jefferson
Multitude des subventions
La formule de Frédéric Bastiat, « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde« , s’exprime pleinement à travers la multitude des subventions. Entreprises industrielles, commerciales ou agricoles, partis politiques, instituts et fondations (y compris « libérales »), presse, syndicats, associations laïques, confessionnelles, artistiques, philosophiques, sportives, caritatives, festives, écoles privées ou publiques, tous se tournent vers l’État, les collectivités locales ou les institutions européennes pour détourner les taxes à leur avantage. Le caractère immoral ne réside même pas dans le montant des sommes escamotées, mais dans le parfait sentiment d’impunité et de bonne conscience des bénéficiaires. Or en dernière instance, subventionner, c’est corrompre.
L’associatif métastase
L’innovation, la création naissent exclusivement de l’initiative privée. Comme pour tout ce qui échappe à l’État, les politiques veulent se donner l’impression d’en être le soutien, sinon l’origine, en distribuant l’argent des autres tout en s’en attribuant la gloire.
« Le Mouvement associatif », puissant lobby regroupant 600 000 associations, d’obédience socialiste, a obtenu le 14 février 2014 la conclusion d’une charte d’engagements réciproques avec l’État et les collectivités locales. À cette occasion, le Premier ministre a décrété que le Mouvement associatif serait « grande cause nationale pour 2014« . C’est le triomphe du « vivre ensemble aux dépens des autres » par la prolifération de ce que nous appellerons les « associalistes » pour les distinguer des rares associations libres et indépendantes de l’État.
L’associalisme, route de la servitude
S’attaquer au siphonage de l’argent des contribuables au profit de ce réseau dense de parasites, c’est mettre en cause un système verrouillé jusqu’au sommet de notre droit positif : les subventions sont consubstantielles à notre « République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Afficher social à la place de socialiste a permis de tendre vers le même but en détournant l’attention. Ces quatre qualificatifs incantatoires balisent notre « route de la servitude » depuis 1946. Les justifications du racket énoncées dans les statuts ou les objets des demandes reposent sur un nombre limité de poncifs convenus : solidarité, humanitaire, entraide, intérêt général, intérêt public ou social. C’est le sempiternel chantage aux bonnes intentions : la subvention est un puissant vecteur de conformisme et d’uniformisation qui sacralise le rôle de l’État, justifie les prélèvements obligatoires et contrôle l’initiative.
Chacun profitant du système, les rares indignations sont sélectives : le lecteur du Figaro s’offusque du financement de l’Humanité mais pas de celui de son journal. Une association subventionnée, une ONG, une école ou une entreprise ne peuvent alors prétendre à une quelconque indépendance : elles dépendent bien de l’État et de son système de spoliation.
Cette collectivisation de l’initiative privée par les financements publics repose sur trois justifications, voire préjugés : le premier est la contribution à « l’intérêt général », le deuxième tient à la capacité présumée de l’État à influer sur l’économie en agissant sur les prix, les niveaux et la rémunération des facteurs de production et le dernier repose sur le mythe de la gratuité, très vendeur en période électorale.
Or, découplée de la réalité économique, la subvention fausse la concurrence, bloque les nouveaux entrants, pousse à la surproduction et oriente les efforts vers une recherche technique ou artistique approuvée d’avance, politiquement compatible. L’entrepreneur ne se concentre plus sur les innovations qui vont lui permettre de satisfaire sa clientèle et rendre sa structure plus efficiente, mais sur un dossier acceptable par les pouvoirs publics pour profiter de l’effet d’aubaine.
Enfin, la subvention engendre l’irresponsabilité : les trois quarts des organisations bénéficiaires présentent des activités aux résultats comptables négatifs voire très négatifs, les dons ne représentent que 1,5% des budgets et les subventions poussent à la surproduction – lorsqu’elles atteignent 70% des revenus agricoles, par exemple.
L’urgence, c’est le boycott
Le sevrage d’une drogue est toujours douloureux. Il en sera de même pour le corps social et ces organisations qui survivent grâce à l’assistanat. On l’a vu lors du déclenchement du mouvement des bonnets rouges : avec la suppression de subventions européennes, la colère s’est détournée contre l’écotaxe et s’est calmée avec l’annonce de financements.
« Le plus grand soin d’un bon gouvernement devrait être d’habituer peu à peu les peuples à se passer de lui » rêvait Alexis de Tocqueville. Sans même relever le probable oxymore – bon gouvernement – l’histoire nous a appris de ne rien attendre des gouvernants. Ils distribuent leur drogue pour rendre structures et individus toujours plus dépendants d’eux. Et comme tous les politiques se tiennent solidairement par la barbichette, la société civile doit se libérer radicalement. Le personnel politique français, démagogue et corrupteur, se donne l’impression d’agir sur les secteurs économiques et fait une charité facile en distribuant l’argent des contribuables : plus d’un milliard deux cents millions par an pour le seul État.
Un rapport d’une « mission d’audit de modernisation » de 2007 portant sur les aides publiques aux entreprises, constatant leurs effets désastreux, prône toujours plus de cohérence, de « régulations » et de contrôles… Mais la seule réforme efficace sera celle qui reposera d’une part sur la suppression de toute subvention et d’autre part sur la possibilité pour les entrepreneurs, quels que soient leurs choix juridiques d’organisation, de se constituer et d’entretenir un capital.
L’urgence est de sortir de l’indignation stérile ou du rêve d’impossibles réformes : la société civile doit boycotter toute structure recevant des financements publics, en distinguant les vrais entrepreneurs des capitalistes de connivence et les associations libres des structures associalistes. Enfin, le Label « Bastiat » a pour vocation de promouvoir toute organisation saine et indépendante des pouvoirs publics, la garantissant « libre de toute subvention« .
Alain C. Toullec, in Libres !!, 2014