« Méfiez-vous des effets de mode. » – Professeur Marcel Legrain – Chef du service de néphrologie Pitié-Salpêtrière et ancien Président de la Commission d’autorisation de mise sur le marché des médicaments
Sujet sensible
Le débat sur l’automédication est un sujet sensible car des enjeux contradictoires sont en cause. C’est un débat entre quatre acteurs : l’État, le malade, le soignant et l’industrie pharmaceutique.
Le malade
Le malade souhaite se soigner au plus vite et au mieux : il va donc naturellement chercher ce qui est susceptible d’être le plus efficace, au vu des symptômes qu’il présente. La plupart du temps, si ceux-ci sont « ordinaires » (céphalées, rhinite), l’automédication est la règle : en effet, qui n’a jamais pris du paracétamol ou de l’aspirine de lui-même ? Dès lors que cette symptomatologie lui paraît sortir de l’ordinaire, le malade ira solliciter l’avis d’un spécialiste (médecin la plupart du temps).
Le soignant
Le soignant, lui, s’est formé en école ou en faculté afin d’apprendre le maximum sur le corps et son fonctionnement, ses dysfonctionnements (ou pathologies) et les remèdes à ces maladies. A priori, au vu de la complexité du sujet, il en connaît plus que la moyenne des gens et donc son avis est censé être plus pertinent que celui de votre voisin, par exemple. Il va ainsi prodiguer conseils et soins contre rémunération. Dans la plupart des cas (mais pas tout le temps), ce praticien n’aura aucun intérêt direct, personnel, dans la vente de produits pharmaceutiques, apportant au patient une indépendance et l’absence de connivence avec l’industrie pharmaceutique et son réseau de revendeurs.
L’industrie
L’industrie pharmaceutique, comme toute entreprise, cherche le profit, la rentabilité. Dans cette optique réaliste, elle va tendre à produire et à vendre le plus possible et au meilleur prix (mais pas toujours, voir plus loin). Elle a donc intérêt à ce que, en principe, ses produits soient utiles, pertinents, fiables, afin de fidéliser le consommateur. Dans les faits, il en va souvent autrement, tant l’aspect économique l’emporte sur toute autre considération.
Et la plupart de ces firmes surfent sur la vague éphémère de la mode du moment, mode qu’ils ont largement contribué à lancer, en fonction de leur production qui, de fait, est inégale en qualité. Il est à noter deux aspects importants venant étayer cette affirmation : d’une part, cette industrie n’investit qu’environ 5% de son chiffre d’affaires dans la recherche, contre environ 20% de ce même montant dans la publicité et la promotion.
L’effet de mode
Par ailleurs, certaines lois protectionnistes interdisent l’exploitation de certaines molécules pendant un certain nombre d’années par des industries concurrentes et, par conséquent, le prix de la plupart des nouveautés ne reflète que rarement le coût de production. N’était-ce pas le Professeur Marcel Legrain, Chef du service de néphrologie à la Pitié-Salpêtrière, Président de la Commission de l’A.M.M. qui répétait à l’envi à ses étudiants : « Méfiez-vous des effets de mode » ?…
Comme un pourcentage non négligeable de médecins sont, à juste titre, de faibles prescripteurs (voir plus loin), l’industrie pharmaceutique a tout intérêt à pousser de plus en plus de gens à l’automédication, par le biais de la promotion tous azimuts (medias, forums « santé », etc.). La réalité montre, grâce à quelques rares revues spécialisées indépendantes (Prescrire), que plus de 96% de la production de cette industrie ne présente que peu ou pas d’intérêt médical pour le patient, soit du fait d’une efficacité douteuse, voire nulle (placebos), soit à cause d’un rapport bénéfices / risques peu évident ou péjoratif (Mediator par exemple).
Ce qui explique que de plus en plus de médecins prescrivent peu de médicaments (un, deux, voire trois) dans 99 % des cas. Il en est ainsi, par exemple, de la grande fable toujours vivace des vitamines, dont la réputation énergisante est totalement usurpée.
L’intervention de l’État
L’intervention de l’État dans ce sujet complexe ne fait qu’aggraver les choses, déterminant ce qui est autorisé ou pas, en vente libre ou bien uniquement sur ordonnance et ce qui est autorisé à la vente. Les nombreux cas d’évidente connivence entre l’industrie pharmaceutique et le pouvoir politique (vaccin contre la grippe H1N1, Mediator, etc.) devraient nous inciter à la plus grande méfiance à l’encontre des directives d’un « Ministère de la Santé ».
Ainsi, l’achat forcé contre l’avis de la plupart des Français (seuls 5 millions d’individus se sont fait vacciner), de 60 millions de doses vaccinales contre le virus H1N1 sur le dos de nos cotisations de sécurité sociale, l’interdiction tardive du Mediator (en dépit d’études sérieuses ayant prouvé sa toxicité cardiaque plus de sept ans avant l’interdiction), la bien triste affaire du sang contaminé, sont autant d’arguments illustrant que cette méfiance est de mise.
La position libertarienne
La position libertarienne en matière d’automédication est simple et, comme toujours, logique. Pour éviter tous ces travers, il convient de libéraliser purement et simplement le marché du médicament, ce qui pousse à une automédication totale, libre et également responsable. Responsable parce que les individus prennent alors pleine conscience des enjeux, des limites de chacun des acteurs de cette partie à quatre.
L’État, dans cette affaire, ne fait qu’ajouter une surcouche de complexité inutile et toxique.
Alain Crémades, in Libres !!, 2014