Philosophie morale
Dans son acception philosophique, au-delà du sens vulgaire d’autolâtrie, l’individualisme désigne une philosophie morale. Pour ses tenants, chaque personne humaine possède une valeur supérieure aux intérêts d’une quelconque collectivité qui les aurait vus naître, famille, clan, nation, communauté religieuse… Certes, nous sommes tous héritiers d’un projet parental et d’un milieu social. Nous développons comme nous pouvons ces données de notre condition humaine, mais elles ne sont pas une fatalité. Par exemple, j’aime la culture française, c’est la mienne. Je ne lui appartiens pas. Dire « ma famille » ou « mon pays » sont des expressions justes. Elles signifient le sens de la relation. Ces collectivités sont à nous, pour nous aider à grandir ; nous ne sommes pas à elles. Il n’existe pas d’êtres humains en dehors d’une société, mais nous sommes en droit de critiquer ces sociétés, de les quitter, voire même de nous retourner contre celles qui entravent notre projet de vie.
Les collectivistes soutiennent le contraire. Dans sa version faible, le collectivisme fait état d’une dette que chacun aurait contractée envers ces entités qui l’ont formé. Elles nous auraient mis au monde, élevés, éduqués, à titre d’instrument et d’investissement, pour les servir ensuite. Mais servir qui, au juste ? Le village ? Le pays ? Dieu ? Nous sommes les enfants de plusieurs milieux. Tous pourraient revendiquer un pourcentage, voire l’exclusivité, de l’adulte que nous sommes devenus. Les religieux diront : Dieu premier servi ; d’autres, la nation ; d’autres encore, la famille, le clan, la tradition…
Si l’on écarte l’idée de dette, trop confuse, le collectivisme devient un simple relativisme. Certaines valeurs s’imposent aux individus – ou lui sont imposées. Chacun peut mener sa vie, tant que son activité conforte, ou en tout cas est compatible avec les intérêts, toujours jugés supérieurs, de la collectivité. Ces intérêts changent, bien sûr, en fonction des partis qui se sont proclamés les représentants de cette collectivité. Un temps en France, le mot d’ordre fut « Il faut servir le Roi », puis « la Révolution », « la Patrie » (toujours en danger), « la République », et maintenant, tout simplement, « notre Pays ».
La constante de tous ces discours est le sacrifice. Il ne s’agit pas de s’entendre sur des règles qui assurent la bonne interaction des individus entre eux et qui tissent des relations horizontales, mais d’instituer la verticalité du pouvoir. Le collectiviste se fait le porte-voix de ces notions abstraites que je viens de citer, écrites avec des majuscules, au nom desquelles il peut réclamer votre allégeance, votre argent, et votre vie.
C’est dans ce cadre qu’il convient de penser la question migratoire. Étonnamment, elle divise ceux qui se disent libéraux. Or, un libéral conséquent ne saurait être qu’individualiste. Il ou elle se consacre à des projets : fonder un foyer, développer une entreprise ou une association, défendre une cause, humanitaire, sociale, environnementale, ou entrer en religion. Être libre ne veut rien dire si ce n’est la liberté de s’engager. Mais cet engagement est une décision personnelle. Le libéral répond à une vocation, pas à un ordre de mobilisation. La question migratoire, pour qui se dit libéral, se limite donc à un choix de personnes établissant des relations entre elles.
Immigration choisie
Procédons par exemples et par stéréotypes. Si je veux inviter ma copine ukrainienne ou mon amant brésilien, pour quelle raison, autre que le pur arbitraire du pouvoir, dois-je demander la permission à un petit fonctionnaire grisâtre au fond d’un consulat ? Cette Ukrainienne ou ce Brésilien ne sont-ils pas autant personnes humaines que le Lyonnais ou le Breton, qui n’ont pour me retrouver qu’à prendre un billet de train ?
Si l’on admet qu’il est légitime que j’invite ces amis lointains à vivre en France, pourquoi pas des employés, un comptable indien, par exemple, ou un informaticien américain ? Et si eux deux, pourquoi pas une centaine d’autres, qui feront tourner mon usine, sans que j’aie besoin de la délocaliser, ou laboureront mes champs ? Quelle règle cohérente permettrait aux uns ce qu’on refuse aux autres ?
Un libéral ne peut vouloir qu’une immigration choisie. Mais contrairement aux collectivistes de droite et de gauche, le libéral maintient que ce n’est pas aux gouvernements de faire le choix. C’est à chacun de nous.
Ici se déverse une pluie d’objections. Je ne vais pas y répondre si elles prennent la forme de statistiques et de prévisions. Le fait que chacun avance les siennes et qu’elles se contredisent montre leur inutilité. Mon propos n’est donc pas de ressasser les arguments sur le surcoût qu’imposerait l’immigration à la Sécurité sociale, l’Éducation nationale et autres organismes publics, ni d’évaluer la pression sur les salaires, ni le bénéfice économique que génère nécessairement l’arrivée de nouveaux producteurs/consommateurs – lorsqu’on les autorise à travailler. Je ne me soucie pas non plus d’évaluer les changements culturels que causerait cet afflux d’étrangers.
Je me propose plutôt d’examiner en amont de ces statistiques si les principes qui fondent la philosophie libérale et qui, en particulier, autorisent les libéraux à prôner l’économie de marché, sont applicables à la question migratoire. Exprimé autrement : quelle cohérence pourrait avoir un discours libéral qui réclamerait l’intervention de l’État pour interdire à des hommes et des femmes adultes et consentants de s’associer, vivre ensemble, et travailler dans un même lieu ?
Retour aux sources
Toute la philosophie libérale repose sur cette évidence que l’avenir est inconnaissable – sauf à très court terme et dans les circonstances les plus banales (une collision inévitable sans coup de frein). Nous ignorons les conséquences de nos actions, et nous commettons souvent le plus grand tort à nous-même et aux autres en croyant agir pour le bien. L’interventionnisme d’Etat dans l’économie et les relations sociales – qui doit contracter avec qui, entreprises, particuliers et étrangers – est donc pour un libéral moralement inacceptable et économiquement contre-productif.
Moralement inacceptable, car puisqu’une autorité ne saurait garantir le succès d’un projet, elle n’a pas d’argument pour en faire supporter le coût à ceux qui le rejettent, ou voudraient le voir gérer autrement. La morale utilitariste (le plus grand bien du plus grand nombre) échoue. Rien n’assure qu’un bien quelconque sera atteint, ou bénéficiera au plus grand nombre, ou alors seulement à court terme, en masquant le coût à régler plus tard. Il est même discutable pour des individualistes qu’on puisse physiquement contraindre un adulte sain d’esprit à une action, même lorsqu’elle est très probablement à son avantage – un traitement médical, par exemple. Ne reste donc, si cette autorité est politique, que la force nue. Vous ne voulez pas de ce projet, je vous l’impose quand même, et vous en paierez le prix. Un libéral ne pense pas ainsi.
L’interventionnisme est également contre-productif, car il existe un autre moyen que la coercition pour engager des projets. Ce moyen consiste à laisser les gens s’organiser eux-mêmes. Ceux qui souhaitent participer se retrouvent, définissent leur contribution, acceptent les pertes éventuelles, et recueillent les fruits du succès. De tels projets peuvent être culturels (défendre la langue française), commerciaux, religieux, caritatifs, associatifs… Certes, toute entreprise empiète au-delà du périmètre de ceux qui y participent. C’est la question des externalités. Elle est réglée, même imparfaitement, par les droits de propriété.
Cette façon de coordonner les interactions humaines, fondée sur le consentement, présente d’immenses difficultés. Les critiques les ont repérées depuis longtemps. La libre association des êtres humains offre néanmoins un double avantage, qui rend ce régime préférable à toutes les alternatives connues. D’abord, en réduisant les risques par la dispersion des projets. Des millions de personnes ne se retrouvent pas embarquées contre leur gré dans une aventure politique, militaire ou industrielle calamiteuse. Ensuite, cette dispersion des projets augmente la probabilité de découvrir ceux qui aideront les êtres humains à mieux vivre (quelque définition qu’ils donnent de ce « mieux vivre » – rien n’empêche, par exemple, en régime libéral que certains fondent une société communiste ; s’ils y trouvent une grande qualité de vie, des millions de gens l’adopteront, et plus encore, et peut être le communisme se répandra ainsi sur la terre sans violence, ce qui serait parfaitement en accord avec une vision individualiste et libérale du monde).
Application pratique
Admettons, ce qui n’est pas seulement libéral, mais de bon sens, que nul ne sait, y compris nos gouvernants, si l’immigration est une « chance pour la France », ou bien sa corruption. Le risque serait immense d’ouvrir grand les frontières. L’opinion le refuserait. La règle de prudence que nous venons de poser serait enfreinte.
Nos gouvernants pratiquent donc une autre politique. Ils filtrent les requérants d’asile. Ils distribuent au compte-gouttes les permis de travail. Des pays comme l’Australie, le Canada, peut-être demain, le Royaume Uni, dressent même une liste de conditions pour l’octroi de ces permis. Les étrangers qui ne cochent pas toutes les cases sont déboutés. Ce faisant, ces gouvernements méconnaissent l’autre règle, la dispersion des expériences.
Car sur quels critères établir ce catalogue de conditions ? Une justification du type « nous laissons entrer ceux qui possèdent les compétences dont le pays a besoin » est purement collectiviste. Elle sacrifie les désirs individuels aux besoins supposés du pays. L’homme ou la femme avec qui je veux vivre, les étrangers que je souhaite accueillir, ceux avec qui je veux travailler, dont les compétences me sont utiles, mais qui ne sont pas sur la fameuse liste, sont ignorés.
Qui est bienvenu ?
Dans un monde libéral, qui ne serait pas une construction intellectuelle anarcho-capitaliste, les mesures que je viens de décrire consistent seulement à retirer à l’État la responsabilité d’émettre des visas et des permis de travail. Les frontières nationales ne sont pas effacées. La comparaison est certes déplaisante entre le mouvement des êtres humains et celui des marchandises. Le discours politique cependant use de tels rapprochements. Je rappellerai donc que les importations n’arrivent pas dans notre pays sans qu’une firme ou un particulier ne les ait désirées. Il faut de même que ce désir d’être ensemble existe entre un national et un étranger pour que ce dernier franchisse la frontière.
Il faut pour l’étranger être attendu. Ce peut être par des amis, une université, un hôtel ou une entreprise. Dans le cas de voyages d’agrément ou d’affaires, l’invitation est facile à obtenir. Pour répondre à une crise humanitaire, on espère que des associations mettront en place l’accueil de milliers, voire de centaines de milliers de victimes, récoltant des dons, aménageant des logements, ouvrant des centres de soins et des écoles. Un État ne doit pas prendre cette initiative. Un État doit agir au nom de tous, c’est sa seule légitimité. Or une partie de la population rejetterait surement un afflux massif de réfugiés, payé par ses impôts. Mais quels valides arguments cette population pourrait-elle opposer à ceux qui invitent chez eux ou dans des centres qu’ils administrent et financent, des milliers ou des centaines de milliers de migrants ?
La générosité et la compassion ne sont pas les seules raisons de faire venir des étrangers. Les gens se retrouvent dans un même lieu aussi pour travailler. J’anticipe volontiers que des agences de recrutement chercheront partout dans le monde les hommes et les femmes dont les entreprises en France apprécieront les qualités et les compétences. Ces étrangers ne viendraient pas en France pour chercher du travail, ils l’auraient déjà. Le jour de leur arrivée, ils auraient un emploi, et sans doute un logement (réservé en ligne depuis leur lieu de départ, ou prévu par leur employeur), pour eux, et s’ils le souhaitent, leur famille. Le problème que cause les immigrants en France, s’il y en a un, n’est pas dû à leur nombre, mais à leur mauvaise intégration.
Il faut s’entendre sur ce que signifie « intégration ». Le migrant qui, au terme d’un long périple, il y a un demi-siècle ou plus, s’installait dans un nouveau pays conservait peu de liens avec son milieu d’origine. Inexercé à la pratique épistolaire, inhibé par le prix du téléphone international, financièrement exclu du transport aérien, il finissait, ou ses enfants, par rompre avec le passé. Ne restait que le pays d’accueil. Aujourd’hui cependant, internet, Skype, les vols à bas coût, maintiennent ouvertes toutes les relations. C’est très bien. Vivant depuis des lustres à Londres, si j’y avais élevé mes enfants, j’aurais insisté qu’ils ne deviennent pas de petits Anglais et soient biculturels. Pourquoi tous les migrants ne le seraient-ils pas ? Car ce qui importe n’est pas que ceux avec qui nous vivons et travaillons soient les porteurs de notre culture, mais qu’ils en aient une (ce qui n’est pas toujours le cas), qu’ils connaissent la nôtre suffisamment pour communiquer, et qu’ils soient tout simplement dignes de confiance, c’est-à-dire respectueux du droit de propriété, comme nous l’attendons de tout être humain.
La possibilité ouverte de trouver un emploi en France (ou dans n’importe quel pays libéral, comme je le décris) élimine la pratique détestable des immigrants de se faire passer pour requérants d’asile, persécutés chez eux, menacés de mort, parce que ce mensonge est le seul moyen d’atteindre des conditions matérielles décentes. Ceux qui n’ont pas d’autre souci que d’échapper à la guerre ou la famine, et ne souhaitent pas s’installer définitivement dans un autre pays, peuvent être accueillis dans des camps de réfugiés où leur sécurité est provisoirement assurée, et ce n’est pas nécessairement dans un pays riche.
Puisque par construction, nous admettons qu’il restera un État et ses frontières, la police refoulerait seulement ceux qui entrerait sans invitation aucune sur le territoire national. Ils n’auraient rien qui les y appelle. Ni tourisme, ni travail, ni refuge.
Objections anti libérales
Les objections fusent. Toutes portent sur le caractère générique du collectivisme. J’y réponds ici sans ordre précis.
Un afflux de travailleurs étrangers pèsera sur l’emploi et les salaires des nationaux
C’est possible. Encore une fois, nous ne pouvons pas prévoir quelles retombées entraînent nos décisions. Les Britanniques, qui n’ont pas craint l’arrivée de « plombiers polonais », connaissent moins de chômage que les Français. Les conséquences économiques de l’immigration sont celles de toute importation. Employés et entreprises qui ne sont pas assez productifs cessent leur activité. Les syndicats s’en plaignent. Les libéraux observent seulement les préférences des consommateurs pour des produits importés. Certains consommateurs bouderont peut-être les magasins qui emploient une main d’œuvre immigrée, c’est leur droit, mais gageons qu’ils seront une minorité.
Une augmentation massive de population submergera les services publics, écoles, hôpitaux et capacité de logements
Il faut être un fonctionnaire pour tenir un tel propos. Imaginez un vendeur qui dirait au patron : « Les clients menacent de passer commande ». Les clients ici sont ces étrangers attendus en France, détenteurs d’un contrat de travail, ou pris en charge par des associations. Autant de consommateurs et utilisateurs de services publics, payant leurs impôts et cotisations sociales, même si pour beaucoup leurs revenus seraient au bas de l’échelle. Mais ils ne sont pas responsables de la mauvaise allocation des ressources de la Sécurité sociale. Solvables, ces immigrés le seraient de plus en plus, car les employeurs auront choisi ceux promettant le plus grand potentiel de développement, ou qui permettront à d’autres de se développer. L’époque n’est plus où l’on faisait venir des tourneurs-fraiseurs du Maghreb, supposés le rester toute leur vie.
C’est l’occasion de noter comment une politique d’immigration choisie par un gouvernement se distingue de celle que préféreraient les gens eux-mêmes. Un État accordera des permis, disons, à des informaticiens et des chimistes étrangers, hautement qualifiés, surement pas à une aide-ménagère. Une jeune informaticienne ou chimiste française, hautement qualifiée, qui souhaite fonder une famille, se verra donc en concurrence avec ces étrangers, et si elle ne peut faire venir une aide-ménagère qu’elle ne trouve pas en France, elle devra retarder, ou renoncer à sa vie professionnelle (l’aide d’un conjoint ne change pas le problème). Les particuliers savent mieux qu’un ministre avec qui travailler pour le bénéfice de chacun.
L’immigration changera la culture, les mœurs, et l’identité même du pays
Encore une fois, cela pourrait arriver. La France a une histoire, c’est-à-dire qu’elle n’a pas cessé de changer. Le pays n’est pas celui de l’Ancien Régime, ni de la Belle Époque, ni même des Trente Glorieuses, qui ne sont pas si loin de nous. Mais ces appellations sont de pures abstractions, inventées par des universitaires, apprises dans les écoles, qui ne renvoient à une aucune réalité commune. Un fermier sous Louis XV et un fermier-général, un ouvrier en 1900 et un aristocrate du Faubourg Saint-Germain, un travailleur à la chaîne et un bourgeois d’Auteuil, n’ont pas vécu en ces périodes-là une même expérience.
Les sociétés sont mortelles, mais leur patrimoine peut se transmettre. La Grèce et Rome restent vivantes dans notre compréhension du monde, dans notre langue, notre système juridique et nos institutions. Les envahisseurs, tout barbares qu’ils furent, ne détruisirent pas cet héritage, au contraire. Mais l’absence d’héritiers l’abolirait. À coup sûr. Selon les courbes démographiques, l’outil le plus fiable des sciences humaines, l’Europe comptera bientôt plus de grands-parents que de petits-enfants. De même que l’artisan sans descendance léguait autrefois son fond à un apprenti plutôt que de le voir disparaître, nous avons le choix de mourir sans héritiers, ou d’accueillir de nombreux apprentis, en espérant que bien des choses de nous survivront en eux.
La main invisible, tout simplement
La conjonction des décisions individuelles transforme la collectivité, et d’une façon que personne ne voulait. Qui achète des produits sur Amazon dans le but d’éliminer les commerces en ville et enrichir Jeff Bezos ? Mais chaque acheteur contribue à ce résultat. Et sans le vouloir, chaque acheteur fait en même temps grandir une plateforme sur laquelle des milliers d’autres commerçants déverrouillent de nouveaux marchés. Peu de ceux qui inviteront des étrangers en France seront conscients de changer son tissu social. Pourtant ils le feront, sans le vouloir, sans que nul ne puisse prévoir les conséquences, et c’est ainsi que l’humanité a progressé depuis que les hommes ont appris à faire du feu, sans comprendre le bouleversement dans l’évolution qu’ils provoquaient.
Pour les libéraux, la main invisible est à l’œuvre ici. Elle ne conduit pas seulement l’économie, mais toutes les affaires humaines. Comme disait un grand barbu, les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font. Heureusement. Elle a plus d’imagination qu’eux. De la multitude de leurs décisions individuelles surviennent de merveilleux prodiges.
Christian Michel
Londres, août 2018