« Aujourd’hui comme jadis, l’ennemi de l’homme est au fond de lui.
Mais ce n’est plus le même : jadis, c’était l’ignorance ;

aujourd’hui, c’est le mensonge. » – Jean-François Revel

La liberté irait de soi ?

La liberté est quelque chose de très fragile. On peut avoir l’impression qu’elle va de soi. Et pourtant… Il a fallu des siècles, et beaucoup de débats philosophiques, pour parvenir à une idée relativement consensuelle de l’existence de libertés fondamentales, inscrites dans la nature humaine. Et dans les faits, la liberté est très loin de régner partout dans le monde, ni même de faire l’unanimité quant à sa définition.

Aujourd’hui encore, y compris dans un pays comme la France, peut-on prétendre ou affirmer que la liberté est toujours respectée ? La liberté d’expression, par exemple, est-elle vraiment acquise et évidente ? Ne connaît-elle pas, par moments, quelques régressions ? Et que dire du droit de propriété, dans un État devenu obèse qui cherche à se financer partout où il le peut, quitte à aller parfois très loin dans la confiscation dans le seul but de sa propre sauvegarde ?

Se pose donc le problème de sa défense. Pour cela, rien ne vaut la réflexion, philosophique et pratique, la connaissance, qui reste la base et l’explication. Expliquer, expliquer, expliquer.

Expliquer

Expliquer, expliquer, expliquer – Nuage des mots de l’article.

Tant d’ignorance, de malentendus, voire même d’ennemis de la liberté, surplombent la société qu’on ne se rend plus forcément compte, chacun dans son coin, au jour le jour, dans le confort éventuel de sa petite vie, ou dans les soucis qui la rongent peut-être, à quel point cette liberté chérie est fragile. Même avec un esprit très libre et un sentiment de profonde indépendance, beaucoup de caractère et un cœur vaillant, qu’advient-il lorsque le monde est en ébullition et qu’on se trouve entraîné, malgré soi, dans les grands tourments de l’histoire ?

Dans ces conditions, qui peut dire que demain, face à un monde désemparé et où l’ignorance règne trop souvent en maître, chacun de nous ne peut se trouver emporté à son tour par de tels événements ? Même, sans aller jusque-là, ne constate-t-on pas, chaque jour, la difficulté de faire entendre raison à tous ceux qui, éventuellement de bonne foi, saccagent les libertés au nom de considérations abstraites, politiques, parfois pratiques mais à courte vue ?

C’est vrai dans l’éducation, où la tendance est à combattre toute forme d’élitisme ou de tout ce qui serait susceptible de s’y apparenter de près ou de loin ; dans le domaine de la justice, où le laxisme prédomine et où l’on fait trop souvent bien plus cas des droits du coupable (ses « libertés ») que de celles de la victime ; chez les entrepreneurs, tellement ponctionnés et parfois même presque haïs, que certains préfèrent renoncer ou fuir à l’étranger ; et dans des tas d’autres domaines dont je ne m’attarderai pas à tenter de dresser ici une liste exhaustive.

Mais ce n’est pas tout. Si j’ai toujours pensé que l’ignorance tue et que la connaissance à la fois de l’histoire, de l’actualité, des réflexions philosophiques et dans de nombreux autres domaines, est la base même de la sauvegarde de nos libertés, c’est au jour le jour, à travers le quotidien, qu’il convient aussi de ne point s’endormir.

La liberté s’apprend

La liberté nécessite, certes, certainement de la force de caractère, contrairement à ce qui pourrait s’avérer intuitif. Car elle est avant tout un état d’esprit, c’est quelque chose qui s’apprend. Elle est avant tout dans la tête, suppose un minimum de réflexion, de prise de recul et de prise de conscience (de son existence, de sa relativité, de sa fragilité, de son caractère périssable, de la non-unanimité la concernant, de la possibilité réelle de la perdre).

Parmi les ennemis de la liberté, il y a tous ceux qui rêvent de renverser notre civilisation, ou de « changer l’homme ». Sans aller jusque-là, ose-t-on même toujours défendre ses idées en toute quiétude ou débattre simplement en toute sincérité face à des censeurs de la pensée qui ont tôt fait de catégoriser les gens et caricaturer leur pensée, rendant toute expression parfois vaine puisqu’on n’est pas invité à s’exprimer, étant diabolisé ?

Donc oui, plus que jamais, il est primordial d’expliquer, expliquer, expliquer, de la manière la plus sereine possible, en quoi il est important d’être vigilant, de réaliser que la liberté ne va pas de soi, méritant d’être défendue dans toute sa diversité et toute sa plénitude. Cela passe par la discussion au quotidien, par des ouvrages comme celui-ci, par le débat, par les médias, par les petits actes de tous les jours, par le raisonnement, par la sincérité.

La défense de la liberté nécessite, en outre, une certaine exemplarité. C’est par elle, et avec la manière, qu’on pourra se distinguer du quidam primitif et hostile et convaincre. Par l’apaisement, amener peut-être l’autre à réfléchir, dans bien des cas, à sa propre réaction.

Face aux clichés, manipulations, caricatures, formules choc, face à la désinformation, au mensonge, à la force de l’idéologie, une seule forme d’action véritablement efficace : expliquer, argumenter, démontrer, faire preuve de pédagogie, pour un seul et même but : convaincre. Et défendre ainsi la belle idée de liberté, si chère, si fragile.

C’est donc en faisant preuve de curiosité, en apprenant, en s’informant, en faisant appel aux faits et au bon sens, ainsi qu’à la rigueur d’esprit, plutôt qu’aux clichés ou argumentaires tout faits et autres slogans réducteurs, qu’on est à même de transmettre à son tour, de faire réfléchir puis faire adhérer aux idées de liberté ceux, nombreux, qui n’ont pas forcément pris conscience de ce qu’est la véritable liberté.

Ni « justice sociale », ni « loi de la jungle »

Devant l’attrait de concept généraux et attrayants, mais en réalité biaisés et sujets à récupération politique, tels que la « justice sociale » et, au contraire, à l’assimilation du libéralisme à la « loi de la jungle », il s’agit de replacer les choses dans leur juste dimension.

Le processus est forcément lent, il nécessite de la patience, mais aussi de l’engagement, de l’engouement, de la sincérité, de l’écoute, de la discussion et de l’intérêt pour l’autre, de la persévérance. Sans oublier le caractère positif des idées à partager, leur côté pratique, se référant aux expériences concrètes et encourageant à aller dans le sens de l’épanouissement.

Sans heurter son interlocuteur, sans chercher à avoir raison à tout prix, encore moins faire preuve d’arrogance, ni imposer en force ses idées. Il s’agit d’illustrer en quoi l’individu est unique, moteur et acteur de sa propre vie et de son accomplissement, libre de ses choix et aussi vecteur à son tour de ce même état d’esprit positif, qui pourra conduire peu à peu le plus grand nombre à se réaliser dans ce qui apparaît comme la seule, la véritable liberté.

Libres !!

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Johan Rivalland, in Libres !!, 2014