Des impôts, des impôts…
Je viens de terminer un livre que je vous recommande chaudement pour quand vous aurez fini de digérer votre dernier cuissot de bébé communiste : il s’agit de « L’Apparition d’instruments limitant la concurrence fiscale dommageable » (Charles-Eloi Gerval, Éditions universitaires européennes, Saarbrücken, 2016).
Issu d’un mémoire de Master, ce livre se présente comme un guide et une réflexion critique sur le thème de la lutte contre la concurrence fiscale (forcément !) déloyale des États. Pourtant le titre est prometteur, j’ai d’abord cru en considérant la couverture qu’il pouvait s’agir d’une réflexion sur la concurrence fiscale que nous-autres, libertariens, voyons d’un très bon œil.
Las ! Il n’en n’est rien et pour paraphraser un grand Limousin né à Pantin : il est plus économique de lire Gerval que Sartre car on a en une seule fois la nausée et les mains sales. Car il s’agit d’un texte à l’issue de la lecture duquel on comprend parfaitement que l’auteur a bien assimilé Karl Marx qui affirmait que « [il] n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts et toujours plus d’impôts. »
Mais ce n’est pas de ce livre dont je veux vous entretenir aujourd’hui, tout au plus a-t-il servi de déclencheur, une source d’inspiration et je songeais depuis un bon moment à vous livrer quelques éléments de réflexion au sujet de l’impôt en tant qu’outil. L’objectif : en finir avec le capitalisme, c’est-à-dire avec la liberté, c’est-à-dire avec nous, puisque nous sommes des empêcheurs de socialiser en rond.
Stratégie anti-capitaliste
L’argument ? L’éthique … enfin la leur, constructiviste, collectiviste et coercitive. Le moyen ? La loi & l’impôt.
Dans un premier temps, on s’emploiera à accuser et à avilir tout ce qui touche de près ou de loin aux droits de propriété, on affirmera que tel domaine est dangereux (au hasard : la finance, dont si peu de gens sont capables de donner une définition à peu près correcte), voire nocif. On affirmera que la consommation est imposée, obligatoire même pour exister. On soulignera que la concentration de la richesse nuit à la collectivité (vous savez : la fumeuse histoire du gâteau !). On huera la spéculation, tout en se félicitant bien entendu d’avoir revendu à bon prix la petite bicoque qu’on a acheté il y a 20 ans, voire celle que tata Jacqueline a eu le bon goût de nous laisser en héritage.
Bien mieux : on affirmera que la propriété, en plus d’être un vol, détruit l’environnement et que les limites de la croissance ont déjà été dépassées, instillant ainsi la peur primale de la mort, de la disparition des biotopes, de la planète. On élaborera une théorie qui conclura à l’immoralité de la propriété individuelle, on lui conférera un caractère prédateur, une voracité sans bornes et on inventera des chiffres et des cataclysmes. On stipendiera des prophètes qui iront clamer que l’humanité va disparaître, que le cataclysme est déjà engagé, qu’il faut réagir et anéantir la cause de ce drame en le touchant là où « ça fait mal », l’argent.
On proposera la gratuité de toute une série de choses qu’on aura au préalable déclarées « de base », « nécessaires », etc. Et on étendra des propositions à certains aspects de la vie qui ne sont pas forcément essentiellement nécessaires comme les transports (forcément en commun), les approvisionnements (pourquoi a-t-on besoin de 10 enseignes différentes qui vendent la même chose et se font concurrence ?).
Et c’est là que tout à coup on se rend compte qu’il va falloir financer tout ça … et que le vieux Karl tient peut-être le bon bout avec son affirmation suscitée. Ne pourrait-on pas faire d’une pierre deux coups ?
Tue taxeras !
Alors on proposera des taxes sur tout et n’importe quoi, on frappera d’un impôt tous les éléments d’une chaîne de valeur voire même d’une chaîne de production (c’est Paul Jorion, il me semble, qui proposait non pas uniquement de taxer les robots mais aussi les composants, les logiciels, les algorithmes … tout vous dis-je !).
On aura recours à la loi, ce qui n’est pas nouveau, puisque la spéculation a été interdite par l’article 421 du Code pénal français jusqu’en 1885, afin d’euthanasier les rentiers comme l’exigeait leur idole Keynes : il n’y a pas d’autre solution pour sortir de la crise selon Jean-Marc Vittori et c’est un devoir civique selon Danièle Blondel.
Entre nous, ce dernier point est peu ou prou déjà à l’ordre du jour quand on emprunte à des taux négatifs et que le rendement des obligations ou des formules d’épargne classiques descendant en-dessous de l’inflation. Et puis on reste dans le sujet puisqu’en définitive, on peut comparer ces conditions d’emprunt à un impôt, puisque les épargnants perdent, mécaniquement, du pouvoir d’achat en transférant des actifs (leur épargne) à un débiteur (l’État) dont la promesse de rendement à terme reste en-deçà de l’inflation, toutes choses étant égales par ailleurs.
Prendre impôt litique
L’impôt sous toutes ses formes est au cœur de la stratégie socialiste, c’est l’outil privilégié – préféré même à une révolution que seuls quelques idiots envisagent encore sérieusement. Et c’est un outil politique puisqu’il ne sert qu’à précipiter la fin du capital ou plutôt de la rareté du capital par une répartition massive de richesse captée par la force et largement redistribuée selon le seul critère, absolument arbitraire, de l’équité sanctionnée par la doxa du moment.
Et on placera à la fois le cœur de la solution ainsi que l’acmé de la cause au-delà des considérations et des frontières nationales : le salut ne viendra que d’une entité politique supranationale, détentrice du monopole de la coercition et des autres attributs classiques de l’État.
On prendra bien soin également de signaler le complot de l’étranger (il sera forcément américain et peut-être judéo-maçonnique pour les plus audacieux) avec une insistance toute particulière sur les « paradis fiscaux », occultant le paradoxe dramatique qui fait, mécaniquement toujours, de nos contrées occidentales et européennes des enfers sans nom.
On aura recours à des associations d’idées, de concepts et peu importe si on mélange les genres, au diable la rigueur intellectuelle, fi de la sémantique : on inventera mots, locutions, tournures, peu importe ! Il sera nécessaire de dissocier « capitalisme » et « moral », ce qui créera automatiquement une catégorie d’individus hostiles facilement identifiables desquels il faudra s’occuper en temps voulu.
On imitera les religions en liant « transfert de patrimoine » à « vertu » et en laissant cours aux plus intenses délires apocalyptiques afin que des Saint-Jean modernes réussissent à vendre une Jérusalem céleste remise au goût du jour, c’est-à-dire la société socialiste dont on sait par ailleurs que rien n’a jamais été tentée dans l’histoire de l’humanité pour son avènement – on nous prend vraiment pour des cons.
Service ou Servitude…
Alors l’impôt deviendra le produit d’une quête voire un acte cathartique – l’individu se débarrasse de sa propriété dans un geste expiatoire, il donne pour faire vivre autrui, il est serein et heureux. En ce sens, la répression financière dictée par des préoccupations politiques et non pas économiques, pourrait rapidement devenir un instrument à part entière des gouvernements pour nous réduire à l’état se serfs et de marionnettes.
Vous souriez ? Mais sachez pour ne prendre qu’un seul exemple que le bon Jean-Baptiste Colbert (à l’époque ministre de Louis XIV), voyait dans l’art – oui : l’art ! – de l’imposition ce qui consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris.
Alors je vais vous dire : si pecunia non olet, il est nécessaire de préciser que atqui ut fortum est !
Nord