« Valeur marchande » vs « valeur non marchande »

Le PIB est ce qui s’appelle en langage courant, le « Produit Intérieur Brut ». Il s’agit d’un paramètre statistique dit « macroéconomique » qui rapporte la « production » réalisée au sein du pays en valeur (dit PIB nominal) ou en volume (PIB réel corrigé de l’inflation). Le fait que le produit intérieur soit « brut », signifie que pour obtenir cet agrégat, il est utilisé des éléments pas des plus représentatifs d’une production marchande et où il n’est pas intéressant de savoir s’il y a appréciation, dépréciation, voire destruction, de la production marchande créée.

Ainsi il est additionné aux valeurs « marchandes » des entreprises, des « valeurs non marchandes » de l’état et de ses acolytes, en sachant que ces dernières ne peuvent se réaliser qu’au détriment des premières. C’est ce que Frédéric Bastiat désignait par « ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas » : en confisquant des ressources aux entreprises, on voit ce que l’état prétend produire, et personne ne pourra voir ce que les entreprises auraient pu produire si elles n’étaient ainsi dépossédées.

Le PIB, qui se veut être une mesure de la richesse produite, est un paramètre bien accommodant pour les politiciens mais qui cache bien des malversations intellectuelles et une certaine corruption de la lecture de l’économie.

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Carte des PIB par pays.

En premier lieu, il convient de considérer que cette addition de « valeurs marchandes » et « non marchandes » (dépenses de l’état, des collectivités locales et de la sécurité sociale) s’effectue sur des valeurs monétaires d’échange libre et volontaire pour ce qui est le privé, mais et contraint et forcée pour ce qui est le public, au cours d’une année.

Peut-on additionner ce qui est obtenu par la recherche libre d’un prix optimum entre un vendeur et un acheteur, où chacune des deux parties en présence, consommateur ou producteur, peut refuser l’échange, et ce qui l’est par une « dépense publique », qui ne résulte que de décisions arbitraires d’un tiers, où ni le consommateur, ni le producteur ne sont mis en présence pour décider du prix du produit ou du service et donc mis en situation de pouvoir refuser l’échange mais sont pourtant obligés de payer ?

Vous obtiendrez sûrement le même résultat d’incertitudes en additionnant des légumes et du métal… à la fin vous aurez une masse totale, mais qui ne fera que constater cette masse : cela ne trompera personne sur la valeur réelle en produits comestibles et non comestibles. Certes, il est toujours possible de voir midi à sa porte et assimiler abusivement une dépense publique à une production. Mais tout ce qui est intitulé « recettes fiscales » provient déjà de ce qui s’appelle la valeur ajoutée. Même la TVA payée par le citoyen, au titre de consommateur final, se retrouve dans la valeur ajoutée des entreprises au chapitre « salaires ».

Toute la fiscalité est formée par la spoliation de la « valeur marchande ». Il n’y a scientifiquement aucun autre mécanisme de création de richesse que celle issue de la production libre et volontaire du privée. Ce n’est pas parce que l’état a fait main-basse sur la « production de monnaie » qu’il peut se définir le moteur de l’économie. Cette spoliation entraîne de fait une dévalorisation même des efforts effectués par la société marchande, et une destruction irrémédiable de la production supplémentaire de « valeurs marchandes » qui ne pourront pas être générées en étant faussement remplacées par les « valeurs non marchandes ».

Légalité n’est pas légitimité

Ce que les parasites définissent comme une « valeur non marchande » provient sans contestation possible de la rapine fiscale et sociale : le vol légalisé par l’état et la démocratie à travers la fiscalité consiste pour la majorité sortie des urnes à violer la propriété d’autrui. Il s’agit bien d’un vol et d’un viol car il est extorqué et abusé politiquement de l’intimité d’autrui par la force. La fiscalité est la négation du pouvoir d’accepter la capacité des hommes à se prendre en charge. Or le pouvoir et ses abus n’ont d’existence que par la naïveté de son peuple.

Que ceux qui sont choqués comprennent qu’une production ne peut exister sous forme de « valeur » que si elle ne fait pas l’objet d’une contrainte, qu’elle peut se marchander librement, c’est-à-dire que le vendeur et l’acheteur sont en mesure d’aller jusqu’à refuser l’échange, selon leur libre choix. Comment attribuer une valeur à quelque chose dont personne ne souhaite payer le prix et qui fausse dès lors tous les autres prix ? Attention, à ce stade, ne nous emballons pas : ce n’est pas parce qu’une valeur est déclarée « non marchande » qu’elle n’a aucune utilité pour la société. Il ne lui a simplement pas été permis d’être « marchande ».

L’esclave était contraint de travailler comme un chien pour son maître, c’est-à-dire que le second n’acceptait pas de payer les efforts du premier tout en profitant de ceux-ci pour les valoriser. L’esclavage a été aboli pour permettre à chacun de signer des contrats marchands, c’est-à-dire consentis qui peuvent être acceptés ou refusés. Esclavage aboli ? Pas si sûr en fait, car légitime n’est pas légal et légal n’est pas légitime. Il n’est toujours pas légitime que quelqu’un soit placé dans une « obligation légale » de voir une partie de ses efforts spoliées par un tiers, fût-il l’état, pour servir autrui sans son consentement. À l’instar de l’esclavage, qui était légal mais pas légitime, la fiscalité est légale mais pas légitime.

Le seul modèle légitime d’éthique économique entre personnes physiques et/ou morales au sein d’une société ne peut être que l’échange libre et consenti, quel que soit le domaine, y compris le régalien. L’échange consenti est une négociation entre celui qui produit le bien ou le service et celui qui le consomme. Seule une personne physique ou morale est apte à savoir quelle est la valeur des efforts qu’elle doit réaliser pour satisfaire ses besoins. La régulation économique ne peut se situer qu’à l’échelle individuelle du producteur et du consommateur. L’intervention d’un tiers dans un échange ne peut qu’apporter des perturbations à cette régulation économique naturelle.

Et l’échange forcé est un vol, qui se traduit par la prédation des efforts d’autrui, qu’il soit producteur ou consommateur. La fiscalité, par le fait qu’elle est non consentie par l’individu, est indubitablement assimilable à un vol légalisé, même si le politicien s’en défend en offrant des pseudo services. Se retrancher derrière la légalité ne peut légitimer le fonctionnement de l’état comparé à celui similaire d’une mafia. Un vol ne sera jamais légitime, qu’il soit illégal ou qu’il soit légal.

Hazlitt

Quand son argent est pris par un voleur, on ne reçoit rien en retour…

L’esclavage se faisait sans le consentement de l’esclave auquel il était volé ses efforts de production : il ne pouvait refuser le travail qui lui était demandé. Ce n’est pas parce que la fiscalité est issue de la légalité de l’état que celle-ci est légitime. La fiscalité résulte d’hommes de pouvoir qui usent et abusent de leur pouvoir pour expliquer qu’elle est nécessaire pour proposer des services dont l’utilité est hypothétique.

La réalité, c’est que taxes et impôts ne sont que des extorsions, et que le pillage fiscal ne peut en aucune façon être évalué comme une régulation économique. L’état, en plaçant la légalité au dessus de la légitimité, corrompt les principes naturels de l’économie et le sens de la vie en société fondée sur des échanges pacifiques.

Car derrière l’état, il y a des hommes… inévitablement faillibles. Pourquoi détiendraient-ils une capacité à réguler l’économie alors qu’ils ne sont pas à la source des efforts qui bâtissent l’économie ? Et ils sont d’autant plus faillibles que leurs propres revenus dépendent de la fiscalité. Demander à un voleur de cesser de voler est une chimère : il n’en aura jamais assez et volera toujours ceux qui ont ce qu’il n’a pas tant qu’on le laissera faire. Le politicien demande toujours plus d’efforts à ceux qui produisent les richesses. Il se croit légitime mais il ne l’est évidemment pas.

L’état vous affirme ainsi qu’il utilise les produits de son butin fiscal à bon escient en les additionnant aux productions sur lesquelles il n’a pas encore fait main basse. Appréciez l’inversion des valeurs dans l’esprit du commun des mortels au quotidien : ce qui résulte de la « valeur marchande » est plutôt dénigré et d’origine douteuse alors que ce qui est « valeur non marchande » est plutôt considéré et louable. Ainsi plus l’état démontre jour après jour ses exactions morales et plus le peuple en redemande : le citoyen imagine que moins d’efforts individuels pris en charge par l’état serait favorable à tous.

Mais c’est oublier que l’état ne fait aucun effort : en parasite, il se sert sur les efforts individuels. Nous sommes dans le syndrome de Stockholm : la victime du vol se considère comme le coupable et redevable envers son bourreau. Nous sommes encore loin de prendre le chemin du concept nietzschéen de la réévaluation des valeurs. L’état est cette fiction qui se veut résoudre les problèmes qu’il a créés en toute impunité en les attribuant aux autres.

Qui vole un œuf vole un bœuf

En effet, à défaut d’effectuer un retour d’expérience des actions nuisibles de l’état, les politiciens ont pris pour habitude d’augmenter leurs budgets en se fondant sur une hypothétique croissance du PIB… avec une astuce qui n’est pas de se fonder sur celle du PIB constaté l’année précédente, mais sur l’année qui arrive. La belle boule de cristal que voilà ! Une fois de plus, les politiciens jouent aux apprentis sorciers avec des « prévisions » jamais en phase avec leurs réalisations, entraînant les malheurs des con-tributeurs / con-tribuables, sans distinction de richesse, sans possibilité pour ces derniers de reprendre la main. En utilisant le PIB comme indicateur de création de richesses, l’état se sert de la confusion entre l’argent qui sert aux échanges et la richesse véritable, que sont les services et produits, pour mieux manipuler les foules naïves.

PIB

PIB par habitant en 2017.

L’état-voleur fait le pari dans un premier temps que ses victimes vont gagner plus et que cela l’autorise à anticiper plus de dépenses. Vous noterez au passage que s’il est demandé aux entreprises de tenir une comptabilité rigoureuse à l’euro près, les politiciens par contre font preuve de grande légèreté et d’approximation quand il s’agit des comptes publics.

Dans un second temps, lorsque l’état constate son déficit budgétaire et qu’il ne peut réaliser la totalité des dépenses supplémentaires qu’il avait envisagées, il en impute la faute à ses victimes en contractant de la dette publique au lieu de revoir ses dépenses… qu’il a déjà engagées ! Remarquez qu’en se permettant d’utiliser le PIB comme base de déficit budgétaire et d’endettement, l’état s’attribue sans scrupule la totalité de la production, qu’elle soit « marchande » comme « non marchande ». Il explose ainsi ses propres bases de ressources qui devraient pourtant se limiter au montant de la collecte des impôts et taxes au niveau de l’état.

Connaissez-vous un seul banquier qui accepterait de vous prêter en ayant additionné le montant de vos ressources avec celles de vos parents, grands-parents, sœurs, frères, tantes, oncles et cousins ??? Si vous l’avez, merci de me transmettre ses coordonnées. Et pourtant, c’est la pratique de l’état qui imagine qu’il est le détenteur des ressources des citoyens et des entreprises qui sont sur le sol national.

Plus le mensonge est gros, plus ça passe

Aussi, vous pouvez déjà entrevoir l’impasse économique dans laquelle s’engouffrent tous les pays par de tels agissements. Au-delà de toute théorie du complot, c’est tout bonnement de la corruption économique. C’est commode de réussir à illusionner les peuples sur une création de richesse par l’endettement et le déficit en repoussant la faillite à l’année suivante. Cet état de fait est caractéristique d’escroquerie en bande organisée définie par le terme de « cavalerie bancaire ». Les états ne pourront pas rembourser sans faire des manipulations monétaires qui conduiront à la faillite des populations.

Le communisme a bien sûr échoué, mais le keynésianisme ne fait et ne fera pas mieux. C’est juste une question d’échelle de temps. Vous pouvez limiter la souffrance d’un cancer par des moyens tels que la morphine, mais le cancer continue de vous ronger. La seule conclusion à laquelle nous devons arriver, pour rejoindre Ludwig von Mises, est que l’interventionnisme politique est réellement la nuisance qui fait le malheur des peuples, que ce soit dans sa version militaire par les guerres ou dans sa version pacifique, par la corruption économique au niveau de chaque état.

Le retour d’expérience qui devra être tiré par l’humanité de la catastrophe monétaire à venir est que les politiciens devront être cantonnés à la conservation des droits et définitivement exclus de la moindre action économique. L’économie est naturellement humaine, et elle ne peut que s’exprimer par des échanges libres, pacifiques et consentis. Pas besoin de tiers politiciens y mettant leur nez. C’est à la société des hommes de sortir de leur condition d’esclave et de faire preuve de leur refus de continuer dans une voie sans avenir. Faudra-t-il arriver à cet état du pire pour que cela se réalise ?

Le PIB est un paramètre statistique sans véritable information de bilan de la richesse. Il ne doit en aucune façon servir à bâtir un budget étatique quel qu’il soit ou en tirer des conclusions d’évolution d’une croissance supposée. Le constat actuel, c’est que les politiciens ne peuvent jamais s’arrêter dans leurs dépenses et qu’ils ne sont que des prédateurs économiques. De telles nuisances à la Société sont évidemment à proscrire. Ce devrait être le sens de la loi : limiter l’abus de pouvoir, en particulier celui des gouvernants.

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Monnaie, svp, présentez-nous vos papiers !

Il sera évidemment toujours possible d’envisager de parler de « valeur non marchande », mais cela doit être réservé à la production d’œuvres sociales où seul le don individuel de la personne physique ou morale intervient. Répétons-le : la seule régulation économique est celle qui est issue de la libre décision individuelle. C’est le véritable propriétaire de la valeur issue de l’effort qui doit décider de l’usage « marchand » ou « non marchand » qu’il en fait.

Or l’état, qui rappelons-le ne signe jamais le moindre contrat social avec ses citoyens, non content de spolier arbitrairement une bonne partie de leurs revenus, s’approprie impunément la totalité de la production privée pour masquer son endettement tout en ne remboursant jamais le capital. Pour mémoire, n’oublions pas que ce capital est pris sous forme d’obligations. Pour faire simple, à l’échéance, l’état étant dans l’incapacité d’apporter le moindre capital, est placé dans « l’obligation » de reprendre de nouvelles « obligations », inscrivant dans ses comptes uniquement les intérêts de cette dette.

De telles pratiques, légales mais non légitimes, entretiennent inévitablement les théories du complot bancaire et les fantasmes idéologiques. Elles renforcent les abus de pouvoir en affranchissant paradoxalement les gouvernants de toute faute envers cette corruption économique qui s’étalent pourtant au grand jour.

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Le modèle français est dans l’impasse – J-L. Caccomo

Le PIB, impasse fatale

En conclusion prenons un exemple chiffré pour démontrer l’absurdité du PIB : une famille (le pays) obtient des revenus (obtient un PIB) de 100 (de 100%) et s’oblige à donner en argent de poche (s’est contraint à une fiscalité) de 5 (équivalent recettes sur les 48% du PIB) à ses enfants (à l’état, collectivités locales et sécurité sociale) pour leurs menues dépenses (pour les dépenses publiques). En réalité, l’état et ses affidés dépensent plus de 57% du PIB provoquant un déficit, contrairement aux enfants qui se limitent à ce que leurs parents leur ont donné. (C’est magique, on arrive à donner l’illusion de produire 11pt en plus alors même qu’on prend 5pt en impôts à ceux qui produisent !)

Mais en adoptant le principe de calcul du PIB, on dira que la famille a créé une production intérieure brute de 100 répartie en 95 (production marchande) + 5 (production non marchande). C’est simple à ce stade de comparaison : comprenons que les enfants ne reçoivent que la redistribution issue de la production des parents sur le montant que ces derniers ont décidé de leur allouer. Vous noterez que nous n’avons pas évoqué combien d’enfants devaient se répartir ce budget.

Les parents peuvent ajuster à la hausse ou à la baisse ce budget, mais les revenus seront toujours de 100. Pour le pays et le PIB, cela est un tout petit peu plus subtil : c’est comme si les enfants décidaient de ce que leurs parents doivent leur allouer. Commencez-vous à entrevoir les difficultés ? Les parents ne peuvent que finir sur la paille… et les enfants avec ! Et donc pour un pays, c’est exactement la même chose…

Alors moralité ? Seuls ceux qui font des efforts et gagnent les fruits de ce labeur sont en mesure de décider de la manière dont ils peuvent et doivent les dépenser. Il ne peut exister de contrat social implicite qui ferait que les enfants (les politiciens et récipiendaires de toute nature) pourraient faire main basse et décider la redistribution à la place de ceux qui ont fourni les efforts. Or les Sociétés actuelles fonctionnent bien sur un mode de corruption économique ayant inversé le sens et la définition des choses. Elles ne peuvent qu’aller dans le mur !


Bellegarrigue