Série Mai 68
Général de Gauche ?
Il y a 50 ans eurent lieu les « événements » de mai 68, année bissextile qui a commencé un lundi, qui a vu du 3 mai au 16 juin se faire bousiller les rues des capitales et les neurones d’une jeunesse en colère dont la révolte contre l’ordre du moment a surtout servi à affirmer l’État, puisque les élection françaises de juin 68 furent un raz-de-marée de soutien au Général, dont il n’est pas exagéré d’affirmer qu’il était sclérosé et à bout de souffle (il avait déjà qualifié la guerre d’Algérie « d’événements », ce qui est au minimum discutable).
Comment ne pas désirer distribuer rétrospectivement des coups de pieds à cette jeunesse dont la nullité intellectuelle n’avait d’égal que la pauvreté culturelle, elle qui adoubait les larmes aux yeux et une émotion dans le slip les pires dictateurs rouges avec la bénédiction d’un philosophe germanopratin dont le strabisme n’était pas qu’oculaire ?
Que ce soit principalement le crétinisme marxiste qui a grandement facilité l’apparition de cette jeunesse contestataire ne devrait étonner que les ignares les plus bornés encartés à la France insoumise. Nous avons là des gens fiers de l’obscurantisme passéiste qu’ils nomment progressisme alors qu’ils sont devenus tellement conservateurs que le plus ancien musée du monde hésiterait à leur accorder une période d’essai à un poste de madame-pipi.
Idéaux et débats
Oh certes, à défaut d’être neuve leur doctrine était révolutionnaire en 1968 et le collectivisme fondamental qu’ils professaient leur a surtout servi à se regrouper pour casser du flic, tant il est vrai qu’il vaut mieux être en nombre pour titiller le manieur de bâton caparaçonné payé avec les impôts de papa-maman.
Aujourd’hui gris et bedonnants, ils éructent sur les médias subventionnés qu’il faudrait encore plus d’impôt et citent Robin des bois tout en ignorant qu’il ne volait pas les riches pour donner aux pauvres, mais à l’État pour rendre aux individus ce qu’il leur avait spolié. Ils veulent encore aujourd’hui imposer un débat à ce sujet, mais quel débat ?
Il y a débat ? Il n’y en a aucun, précisément, car il est inacceptable de voler les autres et cela est vrai quelles que soient les motivations – cela ne souffre pas débat. L’impôt est toujours un vol et tout projet de société qui repose sur l’impôt, c’est-à-dire 99% des projets politiques de 1968 jusqu’à nos jours, est tout simplement scandaleux, inepte et moralement indéfendable.
Mais puisque le riche l’est uniquement grâce à l’exploitation du pauvre, il est légitime de voler le riche et en l’absence de mécanismes de coercition suffisamment puissants et acceptables, on s’attachera à mutualiser la spoliation tant il est vrai qu’il y a plus de pauvres que de riches et que, finalement, il vaut mieux prendre un peu à tout le monde que beaucoup à quelques-uns qui, de toutes manières, auront toujours les moyens d’aller voir ailleurs si le progressisme se porte bien.
Le rouge et le pas-rouge
Ils étaient et sont toujours manichéens d’ailleurs, ils savent ce qui est bon (c’est eux) et ce qui est mal (c’est les autres – Help me Obi-Sartre Kenobi !) et ils ont la prétention d’obliger, de forcer, d’imposer et d’interdire, ces cuistres dont le slogan était jadis « il est interdit d’interdire ».
Par quelle aberration d’ordre psychiatrique a-t-on pu passer de la volonté bienvenue de libérer les individus à les enchrister dans une législation de plus en plus restrictive, contraignante, impossible à respecter ? Comment ces colombes au regard clair avisant l’horizon où brillait une lointaine liberté ont-elles pu accoucher d’une gauche si réfractaire, figée, cramponnée à des acquis comme Harpagon à sa cassette et hostile à tout jamais aux timides propositions réellement libérales qui émergent, çà et là, du marasme vaseux qui constitue désormais la pensée politique faussement occidentale ?
Par toutes sortes d’artifices légaux soutenus par une fiscalité féroce, ils sclérosent le travail, la recherche, la littérature et les arts, ils sont pour l’interdiction de la chasse et de la pêche, l’interdiction des jolies filles en F1 / Tour de France / Salon de l’Auto, ils interdisent de rouler en voiture, interdisent des produits sous prétexte d’un principe de précaution qui n’est rien d’autre que l’affirmation légale de leur ignorance profonde et de leurs partis-pris doctrinaires car, dame !, il faut sauver la planète – rien de moins !
Aucun débat – les vrais – n’est plus possible, il faut agir et de préférence en restreignant, en coupant, en limitant, en bloquant, en réglementant. En castrant, en volant, en spoliant, en coupant court à toute discussion, car il en va de la défense des « acquis » quand ce n’est pas de l’humanité toute entière.
Que le con serve !
Ils sont devenus les pires des conservateurs sans même s’en rendre compte et ils sont à l’évidence et depuis un bon moment dans la même position que les caciques des années 1960, qui se battaient à mort pour que rien ne change et dont on est en droit aujourd’hui d’apprécier à sa juste valeur l’intelligence politique qui fut d’avoir permis mai 68, car pour que rien ne change, il fallait que tout change !
Que la jeunesse ait été un régiment d’idiots utiles à l’ordre mondial du moment m’apparaît aujourd’hui presque comme une évidence. Oh bien sûr, il y a eu des ratés, on ne peut pas tout contrôler : le communisme et ses avatars ont fait des millions de morts, le socialisme réel a réellement permis la faillite de tous les pays ou mouvements qui en ont fait l’expérience, on a parfois soutenu l’insoutenable au nom de l’internationalisme et de la libération des peuples opprimés, on a soutenu le Chacal sans comprendre que c’était le Guépard qui menait la danse.
Ils avaient les mains sales, mais c’était pour la cause et moi j’ai la nausée. Ils sont convaincus d’avoir changé le monde et aujourd’hui ils militent pour que plus rien ne change. Mais se disent toujours progressistes.
Quelques lettres de noblesse
Et pourtant il y avait effectivement en mai 68 des choses à faire évoluer. Le progrès social était bel et bien à la traîne des progrès scientifiques et le droit consacrait alors des obligations moralement indéfendables. Il interdisait l’homosexualité et conférait à la femme un statut et des droits spécifiques et la quête pour une réelle égalité devant la loi fut sans doute le moment le plus noble de ces mois de revendications à coups de pavés (2.000 blessés et sans doute sept morts, en France).
Je sais gré à Boris Gobille d’avoir écrit ce rai de clarté : « Au moment où il survient, Mai 68 a quelque chose de proprement inouï : non pas tant parce qu’il n’a pas été anticipé et que son ampleur surprend, mais parce qu’il fait entendre publiquement des paroles auparavant refoulées, réduites au silence ou même pas imaginées, et parce qu’il inscrit sur la scène du visible et dans l’arène publique, des acteurs, des sujets, des enjeux et des pratiques qui n’y avaient pas droit de cité jusqu’alors. » (« Mai 68 », La Découverte, 2009).
Mais qu’en ont-ils fait, ces sbires, de ces principes ?
Tout ça pour ça !
Ils ont imposé 52 genres possibles sur Facebook et plus d’une centaine dans certaines universités ! Fait d’une institution rétrograde comme le mariage un combat primordial, pour peu qu’il s’agisse d’individus de même sexe – pour faire simple. Rendu impossible de s’affirmer sans entrer dans une case qui leur convienne. Miné le travail et l’entreprise au prétexte qu’il s’agirait par nature d’une aliénation et d’un système oppressif.
Ils ont voulu l’autogestion contre le grand capital et n’ont jamais rien appris depuis le fiasco de Lip. Ils ont rendu une doctrine criminelle présentable et désirable parce qu’elle serait la seule force d’opposition à un grand capital largement fantasmé et de connivence. Ils ont travesti le sens des mots, ils ont réinventé la grammaire et accouché d’une monstruosité inclusive et débile.
Ils ont mis à l’index des textes parfois anciens qui n’avaient pour seul tort d’avoir décrit Jules César en homme blanc hétérosexuel. Ils ont inventé des délits et des crimes qui n’en sont pas, ils fustigent l’homme ou la femme qui s’assume et le vit très bien, ils voient l’immonde dans telle ou telle pratique innocente bien que parfois agaçante.
Ils ont complètement éradiqué le principe de la responsabilité individuelle au profit d’une victimisation constante et universelle qui confère à l’individu, selon la case dans laquelle il se retrouve, des droits divers et variés sans aucune forme de contrepartie obligataire.
Ils ne voulaient pas de maîtres…
Mais qu’ils s’occupent donc de leurs affaires ! Qu’ils nous lâchent la grappe ! Qu’ils nous laissent vivre !
Car en dernière analyse il ne reste que nous, libéraux classiques et libertariens, pour affirmer qu’il est nécessaire d’être libre. Eux, la liberté, il l’ont abandonnée depuis longtemps, elle leur fait même peur.
J’entends parfois certains revendiquer qu’il faudrait, comme en 68, interdire d’interdire … Mais, pauvres fous, c’est précisément ce slogan écervelé qui est le fondement du totalitarisme moderne, cette norme sociale tellement ancrée que son étude relève de la psychanalyse plus que de la sociologie !
Il n’y a pas lieu d’interdire quoi que ce soit, il n’y a pas lieu de contraindre, il n’y a pas lieu d’exiger : il y a lieu d’être respectueux d’autrui en tant qu’individu, de respecter sa propriété privée honnêtement acquise et son droit inaliénable à la mise en valeur de ses ressources y compris de son corps qui est la toute première des propriétés.
Il y a lieu de ne pas impliquer ses propres valeurs morales dans le jugement que l’on porte et qui se traduit toujours en loi pour peu qu’un tribun parle bien et qu’une majorité le suive – la tyrannie démocratique existe, n’en doutez pas !
… et on s’est tous fait mettre !
Mai 68 a accouché d’une société liberticide, totalitaire, complètement à l’opposé des slogans libérateurs dont certains auraient pourtant pu être repris par votre serviteur. Quand ils ne prennent pas la poussière au Parti socialiste ou chez les verts, les anciens soixante-huitards sont aujourd’hui pour la plupart des insoumis complètement soumis à leur chef et à sa doctrine.
Et la jeunesse n’a toujours pas compris que leurs bons sentiments sont l’antichambre d’un enfer rouge ou brun dont les exemples antérieurs ne manquent pas. Ils étaient des pions jadis, ils le sont toujours ; ils n’ont pas compris que tout a changé pour que, justement, rien ne change. Qu’on leur a laissé le loisir de tout changer pour qu’en dernière analyse, la société qu’ils voulaient instaurer ne soit pas fondamentalement différente de la précédente : sclérosée et figée.
Ils sont aujourd’hui ceux qui empêchent le changement en se parant de la vertu du progressisme mais ils soutiennent presque sans réserve la pensée la plus rétrograde au prétexte que celle-ci est portée par d’éternels opprimés …
Non, non, décidément rien n’a changé !
Nord