« La liberté n’offre qu’une chance d’être meilleur, la servitude n’est que la certitude de devenir pire. » – Albert Camus

Freelance

Le terme freelance ou « travailleur indépendant » regroupe de nombreux métiers, et des statuts différents : profession libérale, comptable, artisan, négociant, consultant, journaliste, artiste… Nous ne verrons ici que leurs points communs : enregistrement du statut et régime social dans plusieurs pays. Tous les pays cités ont un régime d’impôt progressif sur le revenu. La fiscalité n’est donc pas un critère de comparaison efficace.

Devenir freelance

Certains freelances passent par des sociétés de portage. C’est presque obligatoire pour certains consultants travaillant avec de grandes entreprises qui agréent leurs fournisseurs. Le freelance étant salarié de la société de portage, nous ne sommes plus dans le cadre du statut qui nous intéresse. Sachons seulement que la France, qui n’autorise le portage que depuis 2008, est le pays le plus contraignant pour ce type de sociétés. Il est également possible de constituer une société et d’en devenir salarié. Cela ne vaut la peine que si plusieurs freelances veulent s’associer, ou si le chiffre d’affaires le justifie, car les choses deviennent alors nettement plus compliquées.

Le pays de référence du freelance reste le Royaume-Uni. Tout y est simple. Il suffit de télécharger le formulaire adéquat sur Internet. Les charges sociales sont fonction des revenus et progressives, mais ne dépassent pas 30%. Le Canada fait mieux encore : inscription ultra simple et pression sociale de l’ordre de 15%. En Espagne, il faut s’inscrire auprès des services fiscaux, puis de la sécurité sociale qui prélève directement les charges : 270 euros par mois quel que soit le revenu.

freelance

Statut de Freelance – Nuage des mots de l’articles.

Le statut en France

La France se démarque : il faudra aller faire la queue au greffe du Tribunal de commerce et payer la dîme, puis attendre le bon vouloir des greffières et des services fiscaux pour obtenir votre statut. La première chose que vous aurez est une facture de charges sociales, sauf si vous avez suivi le parcours du combattant pour obtenir une aide à la création d’entreprise. Hélas, la France ne se démarque pas que dans la complication administrative. Le niveau des charges, payées au RSI tous les trimestres, atteint 57% du revenu, et même si vous ne gagnez rien, vous paierez selon un minimum basé sur le SMIC. De plus le RSI recalcule les charges au bout de deux ans et réclame régulièrement des surplus dont la justification est parfois douteuse, mais dont il est très difficile de se défendre. En 2012 il y a eu des litiges importants avec 25% des assujettis.

Une autre de nos particularités tient au système des agences de gestion agréées, qui n’apportent aucun autre service que de tamponner la déclaration d’impôts du freelance après une soi-disant vérification. Ces agences coûtent entre 70 et 300 euros par an, et ne sont pas en concurrence : chaque métier a son agence dans sa région. Or, en l’absence du tampon de l’agence, le fisc revalorise de 25% votre bénéfice imposable.

Les incohérences

Plutôt que de simplifier ce système absurde, parasitaire et ruineux, la France crée des palliatifs et multiplie les statuts. Ainsi :

  • L’EIRL permet au freelance de séparer son patrimoine privé de celui qui sera destiné à son activité. C’est une fausse sécurité puisque dans la pratique, aucune banque ne finance une activité sans la caution personnelle de l’entrepreneur.
  • Le statut hybride d’auto-entrepreneur permet d’exercer en freelance en ne payant que 23% de charges sociales, pour un plafond de chiffre d’affaires de 32.600 euros, ou 81.600 euros pour les actes de commerce. Le résultat est d’avoir mis en concurrence des freelances qui paient de lourdes charges et facturent cher avec TVA et des auto-entrepreneurs.

Sans compter qu’il est tentant – au-delà de 32.600 euros – de se faire payer le surplus en liquide. Un autre effet d’aubaine fait que les entreprises qui naviguent à vue préfèrent embaucher des auto-entrepreneurs à des salariés. Il aurait mieux valu revoir à la baisse le régime de cotisation de tous les entrepreneurs et des salariés.

De plus, lorsque l’auto-entrepreneur gagne trop pour conserver son statut, il va plonger dans les affres des freelances classiques et ne survivra peut-être pas. La France adore les effets de seuil mortels.

Un autre cas particulier est celui des intermittents du spectacle, qui, contrairement aux autres freelances, font payer leurs périodes d’inactivité par les cotisations Assedic de tous les salariés. Le vrai indépendant prend des risques, il ne touche pas le chômage, c’est le prix de sa liberté.

Et demain ?

Or, la faible visibilité des entreprises dans un environnement mondial très incertain amène à une autre vision du travail que celle du patron et du salarié. La flexibilité, l’adaptation à la charge de travail, vont probablement pousser les entreprises à utiliser de plus en plus les services d’intervenants extérieurs.

Notre économie est de plus en plus tournée vers les services, où le statut de freelance prend tout son sens. Pourquoi grever l’avenir en nous privant des talents d’entrepreneurs et d’indépendants ? Si nous ne nous mettons pas très vite au diapason de nos voisins, les freelances français vont disparaître, remplacés en France même, par leurs collègues britanniques et espagnols qui coûtent moins pour gagner plus. Pire, beaucoup de services préféreront se délocaliser.

L’avenir appartient aux indépendants, à ceux qui prennent des risques, évoluent, s’adaptent et ne restent pas assis sur des rentes de situation.

Libres !!

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Christiane Chavane, in Libres !!, 2014