Dans cet essai, June Arunga en appelle au capitalisme de libre marché en Afrique et se confronte à ceux qui refusent aux Africains de s’engager dans l’économie mondiale grâce à la liberté du commerce.
Sa vision est systématiquement favorable au libre-échange, alors qu’elle dénonce ceux qui soutiennent des « zones commerciales » désignées qui offrent des privilèges spéciaux (et parfois les violations des droits de propriété des populations locales) à des investisseurs étrangers ou aux élites locales privilégiées, niant aux autres la liberté de commerce ou d’investir sur une base égale.
Elle appelle au respect des droits de propriété des populations africaines et au capitalisme de libre marché non faussé par les privilèges et les pouvoirs de monopole.
Célébrer le commerce
Mon expérience est que la grande majorité, peut-être 90%, des désaccords proviennent du manque d’information d’un côté ou de l’autre du débat. Cela est particulièrement important quand les gens se déplacent d’un espace culturel à un autre.
Nous assistons à un grand élan de commerce en Afrique, entre Africains, après une longue période d’isolement les uns des autres à cause du protectionnisme, du nationalisme, et de l’incompréhension. Je pense que nous devrions célébrer cette croissance des échanges commerciaux.
Certains craignent l’augmentation du commerce, je pense qu’ils ont besoin de davantage d’informations. La mondialisation est une réalité et je pense que nous devrions l’accueillir favorablement. Elle a créé des transferts de compétences, elle a permis l’accès à la technologie du monde entier, et bien davantage encore.
Ecouter le terrain
Cependant beaucoup en ont été tenus à l’écart. La question est : pourquoi ? J’ai rencontré l’économiste suédois Johan Norberg, auteur de l’ouvrage éclairant Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste en 2002, et j’ai été frappée par la façon dont il traite l’information.
Il n’a pas rejeté les adversaires du libre-échange. Au contraire, il les a écoutés, il a considéré leur point de vue et vérifié leurs informations. Son intérêt pour l’information factuelle est ce qui l’a conduit initialement à choisir le capitalisme.
J’ai aussi été frappée par la façon dont il a saisi la perspective des personnes les plus touchées : les pauvres. Norberg a parcouru le monde en posant des questions. Il ne dit pas aux gens ce qu’ils doivent penser. Il leur demande ce qu’ils pensent. En demandant à des pauvres à qui l’on a donné l’opportunité de s’engager dans le commerce, soit en tant que commerçants ou marchands, soit en tant qu’employés d’entreprises impliqués dans le commerce international, il révèle les faits que les « sermonneurs officiels » omettent :
« Avec cet emploi dans une nouvelle usine votre vie est-elle meilleure ou pire ? Votre premier téléphone cellulaire a-t-il amélioré votre vie ou pas ? Votre revenu a-t-il augmenté ou diminué ? Comment voyagez-vous : à pied, en vélo, en moto, en voiture ? Préférez-vous conduire une moto ou marcher à pied ?…».
Norberg insiste pour observer les faits sur le terrain. Il demande aux personnes impliquées ce qu’elles pensent et si le libre-échange a amélioré leurs vies. Il veut entendre les perspectives individuelles.
Respect des états ?
Nous devrions nous demander ce que nos États nous font et pas seulement « ce qu’ils font pour nous ». Nos propres États nous font du mal : ils nous volent, ils nous empêchent de commercer, ils maintiennent les pauvres dans la misère. Les investisseurs locaux ne sont pas autorisés à jouer la concurrence en raison de l’absence de l’état de droit dans les pays à faible revenu.
Peut-être est-ce la raison pour laquelle ils sont des pays à faible revenu : parce que les gens n’y sont pas respectés par leurs propres États.
De nombreux gouvernements de pays pauvres se concentrent sur l’attractivité des « investisseurs étrangers », mais ils ne laissent pas leur propre peuple accéder au marché. L’ouverture du marché et de la concurrence à la population locale n’est pas à leur programme. Les populations locales ont l’intelligence, la compréhension, et les « connaissances locales ». Mais nos États en Afrique maintiennent leurs propres peuples en dehors du marché en faveur des étrangers ou des groupes d’intérêts spéciaux locaux.
Par exemple, les lourdes restrictions qui étouffent la concurrence locale dans les services, comme la banque et la fourniture d’eau, ignorent les capacités de nos propres peuples à utiliser leurs connaissances locales de la technologie, des préférences et des infrastructures.
Liberté du commerce
Ce n’est pas de la vraie « mondialisation » quand on accorde des faveurs spéciales aux « investisseurs étrangers » et que les habitants sont balayés et non autorisés à concourir. Si les « zones économiques spéciales » que les États ont mises en place pour attirer des « investisseurs étrangers » sont une bonne idée, pourquoi nos peuples ne pourraient-ils pas en bénéficier ? Pourquoi sont-elles considérées comme des zones spéciales de privilège, plutôt que comme partie intégrante de la liberté du commerce pour tout le monde ?
La liberté du commerce devrait se traduire en libre concurrence pour servir les populations, et non pas en privilèges spéciaux pour les élites locales qui ne veulent pas de concurrence ou pour des investisseurs étrangers qui obtiennent des audiences privées avec les ministres.
Ce n’est pas du « libre échange » quand les entreprises internationales peuvent obtenir des faveurs spéciales de l’État ou quand les entreprises locales voient leur accès au marché bloqué par leur propre État. Le libre-échange exige l’état de droit pour tous et la liberté pour tous de s’engager dans la plus naturelle des actions : l’échange volontaire.
Laide étrangère
Notre prospérité en tant qu’Africains ne viendra pas de l’aide étrangère ou de l’argent facile. Nous avons eu beaucoup de cela en Afrique, mais cela n’a pas eu d’impact positif sur la vie des pauvres. Ce genre d’« aide » engendre la corruption et sape l’état de droit. Elle vient « liée » à l’achat de services auprès de gens spécifiques dans les pays qui envoient l’aide. C’est de la distorsion de relations commerciales.
Mais le pire de tout, « l’aide » déconnecte les gouvernements de leur propre peuple, parce que les gens qui paient la facture ne sont pas en Afrique, mais à Paris, Washington ou Bruxelles.
Le commerce peut être distordu et rendu non libre par les élites locales qui ont l’écoute de tel ministre par le biais… – eh bien, vous savez comment. Le commerce peut être faussé par l’octroi de droits de monopole, à l’exclusion de concurrents locaux et étrangers. Par ailleurs, le commerce est faussé et non libre lorsque des élites étrangères obtiennent des droits de monopole de la part des États locaux grâce à des deals d’aide liée, en collusion avec leurs propres États : des deals qui excluent les concurrents locaux et étrangers.
Toutes ces « régulations » restreignent nos marchés et notre liberté. Nous nous retrouvons à acheter des biens et services qui peuvent ne pas être de la meilleure qualité ou au meilleur prix, parce que nous n’avons pas la liberté de choix. Ce manque de liberté nous étouffe et perpétue la pauvreté.
On ne nous vole pas juste la possibilité de prix plus bas et d’une meilleure qualité, cependant. Nous sommes privés de la possibilité d’innover, de faire usage de notre esprit, afin d’améliorer notre situation grâce à notre propre énergie et notre intellect.
À long terme, c’est le plus grand crime à notre encontre. Le protectionnisme et les privilèges perpétuent non seulement la faillite économique, mais la stagnation de l’intellect, du courage, du caractère, de la volonté, de la détermination et de la foi en nous-mêmes.
Créer la prospérité pour les masses
Nous avons besoin d’information. Nous avons besoin de parler aux gens sur le terrain. Nous avons besoin de vérifier les mêmes faits. Dans la plupart des cas, ils ne sont pas secrets, mais personne ne prend la peine de regarder. Les preuves sont là pour montrer que le capitalisme de marché libre, la liberté du commerce et des droits égaux sous l’égide de l’état de droit créent la prospérité pour « les masses ».
Nous avons besoin du capitalisme de libre marché, qui crée l’espace pour nous afin de réaliser notre potentiel. L’économiste péruvien Hernando de Soto, dans son livre Le mystère du capital, montre comment les pauvres peuvent transformer le « capital mort » en « capital vivant » pour améliorer leur vie. Le manque de capital n’est pas inévitable.
Nous, en Afrique, avons tant de capital, mais la plupart ne peut pas être mis à profit pour améliorer nos vies. Il est « mort ». Nous devons améliorer nos droits de propriété pour rendre notre capital abondant, pour en faire du « capital vivant » qui engendre la vie.
Nous avons besoin de la propriété, c’est-à-dire que nous avons besoin que nos droits soient respectés. Nous avons besoin d’égalité devant la loi. Nous avons besoin du capitalisme de libre marché.
June Arunga
June Arunga est une femme d’affaires et productrice de films venant du Kenya. Elle est la fondatrice et PDG d’Open Quest Media LLC et a travaillé avec plusieurs entreprises de télécommunication en Afrique. Elle a fait deux documentaires pour la BBC sur l’Afrique, The Devil’s Footpath (Le sentier du diable), qui a retracé son voyage de six semaines et de 8000 km du Caire à Cape Town, et Who’s to Blame? (À qui la faute ?) qui présente un débat / dialogue entre June Arunga et l’ancien président ghanéen Jerry Rawlings. Elle écrit pour AfricanLiberty.org et est co-auteur de The Cell Phone Revolution in Kenya (La révolution du téléphone cellulaire au Kenya). June Arunga a reçu son diplôme de droit de l’Université de Buckingham au Royaume-Uni.