Introduction

Il y a environ un mois, je découvrais un excellent texte de Hans-Hermann Hoppe, tiré de son livre « Democracy, The God That Failed ». Grâce à la traduction de Stéphane Geyres et Damien Theillier pour l’Institut Coppet, le texte est accessible aux francophones ici.

J’ai alors voulu étudier dans quelle mesure ce texte pouvait s’appliquer, éclairer la droite française et imaginer quelles recommandations elle pourrait en tirer. C’est donc le but de cet article. Il résume une analyse plus poussée, que vous pouvez suivre via notre série sur le conservatisme et la liberté. Merci à Stéphane Geyres pour sa relecture et ses commentaires précieux.

La Droite française en 2018

La Droite française a été tour à tour royaliste, libérale, bonapartiste, républicaine, nationaliste, nationale-socialiste. Ce glissement le suggère, une réelle difficulté de nos « conservateurs » est dans leur perte de ligne idéologique commune et cohérente. La droite n’est plus que l’assemblage hétéroclite des personnes que le progressisme forcené de la gauche a repoussé alors qu’on attendrait d’elle une conviction claire et assise.

Néanmoins, s’il y a une chose sur laquelle ont l’air de s’accorder les différentes tendances de la droite, c’est sur la lutte contre l’ultra-libéralisme en France, qui serait cause de tous nos maux. Parfois, je me demande s’ils le font exprès ; ou sont ignorants ; ou sont malhonnêtes. Car comment justifier qu’avec 57% du PIB (la richesse qui serait générée par le secteur privé) absorbé par l’Etat, on puisse parler d’ultra-libéralisme et même de libéralisme tout court ?

Si j’ai abandonné tout espoir que la gauche dise ce qu’on voit et surtout qu’elle voit ce qu’on voit (cf. Charles Péguy), il serait temps que la droite (qui pourrait montrer ce que Bastiat dirait qu’on ne voit pas) s’avoue l’étatisme socialisant qu’elle prône. Sinon, où serait la droite, où serait la gauche ?

Courbe

Source Atlantico / Nicolas Goetzmann.

Conservatisme de statu quo ou de principes

Aujourd’hui, la Droite (dans sa majorité) est en fait socialiste. Elle ne remet jamais en cause la spoliation légale (pardon la « solidarité nationale ») : Tel le discours de Laurent Wauquiez (les Républicains) du 4 Janvier 2016: « Cette crise économique est aussi une crise sociale avec le sentiment d’une perte de sens de notre système de solidarité qui ne vient plus en aide à ceux qui en ont vraiment besoin. »

Il peut bien y avoir des luttes ponctuelles contre des « progrès » poussés par la gauche. Cela est sain de lutter contre la PMA, la GPA, le « mariage » homosexuel ou l’avortement. Cela mobilise à court terme.

Perdre et glisser

Mais ce qu’on constate, c’est qu’une fois la bataille gagnée par le camps du « progrès », car souvent il gagne, puisque c’est son terrain, la droite ne milite jamais pour abroger et revenir à la situation précédente qu’elle a échoué à conserver. Et glisse, encore.

Ce qu’on voit de ce glissement quant aux mesures sociétales se retrouve également sur les mesures économiques (si tant est que l’Etat ait la moindre légitimité dans ce domaine – Bastiat nous dirait que non).

En effet, la Droite française n’ose jamais remettre en cause le modèle « social » français. Elle appelle seulement à une plus grande « efficacité » de celui-ci, au lieu de contester le fond. Ainsi, la Droite ne remet pas non plus en cause l’ISF ou les droits de succession, qui sont des impôts sur des biens déjà imposés. Comme elle ne remet jamais en cause la logique de la « redistribution » effectuée par spoliation faussement légale des Français.

Sortir du faux conservatisme

La Droite doit sortir de ce « faux » conservatisme qui n’est que la conservation du statu quo quel qu’il soit, même celui venu par la gauche, pour aller vers le « vrai » conservatisme.

Hoppe nous dit que : « « conservateur » fait référence à quelqu’un qui croit en l’existence d’un ordre naturel, un état naturel qui correspond à la nature des choses, du monde et de l’Homme. Cet ordre naturel existe et peut être perturbé par des accidents et anomalies […]. Mais il n’est pas difficile de distinguer la forme normale de l’anomalie, l’essentiel de l’accidentel. Un peu d’abstraction supprime les contingences et permet à presque tous de voir ce qui est et ce qui n’est pas naturel et en accord avec la nature des choses. De plus, l’état naturel est en même temps l’ordre des choses le plus pérenne. L’ordre naturel est ancien et pour toujours le même (seules les anomalies et accidents subissent le changement), on peut donc le reconnaître partout et à tout instant. »

Le « conservateur » véritable soutiendra donc que l’ordre naturel est bon et qu’il doit être conservé. Mieux, il poussera au retour à l’ordre naturel chaque fois que les forces politiques nous en aurons éloignés. En ce sens, il est différent du faux conservateur car il ne veut pas le statu quo et préfère le changement pour aller vers ou assurer l’ordre naturel.

égalité de condition

Prenons l’exemple de « l’égalité de condition », confondue à dessein avec « l’égalité devant la loi » par les collectivistes.

Un conservateur sait que l’inégalité de condition fait partie de la réalité de la vie, même si cela peut être parfois surmonté. Chacun naît différent et cette inégalité est normale, naturelle. Le conservateur sait que c’est même de cette inégalité de chacun que naît le besoin des uns envers les autres, et dès lors la richesse issue des échanges libres et de la collaboration spontanée. On pourrait même dire qu’elle est juste dans le sens où personne n’a choisi cet état de fait et n’a commis de tort envers autrui par cette inégalité.

Il n’a jamais été du rôle de l’Etat de réduire ces « inégalités de condition ». Et il ne pourra jamais y arriver. On ne change pas la nature des choses.

Famille

La famille, grand ennemi de l’Etat !

L’Etat-Providence est anti-conservateur

Les « conservateurs » déplorent la perte de solidarité intergénérationnelle. Ils en accusent presque systématiquement le « libéralisme », qui n’y est pour rien.

Hoppe montre que cette perte de solidarité est due, non au libéralisme, mais au contraire à l’intervention de l’Etat qui, par ses allocations et ses prestations, remplace de facto les solidarités « naturelles » et incite les gens aux mauvais comportements qu’on observe.

Hoppe nous dit: « En dégageant les individus de l’obligation d’obtenir leur propres revenus, santé, sécurité, vieillesse, et l’éducation des enfants, le champ et l’horizon temporels de la responsabilité privée est réduit et la valeur du mariage, de la famille, des enfants et des relations entre pairs est amoindrie. Irresponsabilité, courte vue, négligence, maladie et même nihilisme sont promus, et responsabilité, anticipation, diligence, santé et conservatisme sont punis. »

En effet, pourquoi être solidaire avec ses frères, parents, enfants si, quoi qu’il arrive, vous recevez un chèque de l’Etat à la fin du mois ?

Solidarité amoindrie

Au contraire, si vous n’aviez aucune garantie de chèque de l’Etat à la fin du mois, quel comportement adopteriez-vous ? N’auriez-vous pas plutôt intérêt à tisser de plus forts liens de solidarité au sein de votre famille ? Ne seriez-vous pas plus enclin à respecter vos parents ou enfants si vous saviez que vous dépendiez premièrement d’eux pour votre survie ?

Il est absurde de dire que renforcer le système d’allocations renforcera la solidarité et permettra de lutter contre l’individualisme. C’est exactement le contraire qui se produit et se produira ! En renforçant le système d’allocations, vous incitez justement tous les comportements anti-sociaux.

C’est en effet l’Etat qui promeut une forme égoïste d’individualisme, en donnant à chacun une allocation quels que soient ses actes sociaux. On peut avoir le pire comportement contre sa famille et sa communauté, on sait qu’on n’en paiera aucune conséquence car l’Etat nous garantira le pain à la fin du mois. De fait, l’Etat détruit ces liens de solidarité en les rendant contournables et en se rendant indispensable.

l’Etat tire vers le bas

Mais pourquoi utiliserait-on les allocations de l’Etat plutôt que l’aide de sa famille ou de sa communauté ? Justement parce que l’aide familiale ou communautaire semble obliger, contraindre. Elle oblige à un comportement « civilisé ». On se doit d’être humble, respectueux quand on demande de l’aide. On doit aussi pouvoir s’efforcer de rendre la pareille. Si on demande de l’argent à sa communauté, on ne peut pas le dilapider à la vue de tous car on sait qu’on ne vous prêtera plus après un tel comportement. Les relations sociales sont tirées vers le haut, là où l’Etat tire vers le bas.

De là, il est facile de comprendre pourquoi on aura tendance à vouloir bénéficier de l’aide de l’Etat plutôt que de celle de sa communauté. Avec l’Etat, il suffit de remplir un formulaire et vous toucherez votre chèque; pas besoin de se mettre à genoux, de dire s’il-vous-plaît ou merci.

RSA

L’Etat fera tout pour casser les solidarités naturelles familiale.

Non-intégration et au non respect de la propriété

Les conservateurs (et même certains progressistes, c’est dire !) se plaignent du manque d’intégration des immigrés (le ravage est tel qu’on ne parle même plus d’assimilation). Pour lutter contre cela, ils militent pour la non-discrimination systématique alors que cette dernière incite systématiquement à la non-intégration.

En effet, sur un modèle similaire à ce qu’on observe pour les subventions et allocations, la non-discrimination n’incite pas les immigrés (et tous ceux qui ont des comportements alternatifs) à s’adapter à leur nouvel environnement. Ils peuvent continuer à cultiver leur différence sans crainte de représailles (contractuelles, il ne s’agit pas là d’inciter à la violence). Ils peuvent cracher sur la communauté majoritaire sans craindre de se voir exclure des circuits de l’emploi ou du logement. Car l’Etat veille, pour eux !

Ainsi, tous ceux qui militent pour une meilleure intégration (voire assimilation) des immigrés doivent militer pour l’abrogation de toutes les lois anti-discrimination (et les allocations de même).

Ainsi, les immigrés seront « contraints », s’ils veulent prospérer, de s’adapter à la communauté principale et de tisser avec elle des liens de confiance. Pour cela, il faudra faire montre de respect, d’humilité et de cordialité.

De plus, ces lois anti-discrimination vont à l’encontre du droit de propriété le plus fondamental.

Et en effet, Hoppe nous dit: « la propriété privée suppose la discrimination. Je possède ceci, cela, et non vous. Je suis autorisé à vous exclure de ma propriété. Je peux mettre des conditions à votre usage de ma propriété et je peux vous exclure de ma propriété. De plus, vous et moi, propriétaires privés, pouvons nous engager et conditionner notre propriété à une convention restrictive (ou protectrice) »

Putain

La prostituée de Babylone dans l’Apocalypse de Saint-Jean ou l’image de l’Etat.

Lutter contre l’Etat-Providence

Ainsi on pourrait suggérer aux partis de la droite française de suivre la feuille de route suivante (si elle veut être conservatrice bien sûr) :

  • Pro-Famille : La famille se solidifie quand elle ne compte que sur elle-même :
    • Arrêt complet de toutes les allocations : Allocations familiales, RSA, etc.
  • Pro-Valeur Ajoutée (et non travail, ce qui ne veut rien dire) : Il ne faut pas faire survivre artificiellement les entreprises médiocres mais leur capital doit être ré-alloué par les entrepreneurs et investisseurs de manière plus efficace vers les entreprises performantes :
    • Arrêt complet de toutes les subventions aux entreprises.
  • Pro-Vie : Il n’est pas normal que les personnes opposées à l’infanticide (ou selon l’euphémisme actuel anti-avortement) soient contraintes de payer la sécurité sociale qui finance les avortements :
    • Arrêt du caractère obligatoire de cotisation à la sécurité sociale et libéralisation de l’assurance santé.
  • Pro-Propriété : La droite doit exiger le plein exercice du droit de propriété :
    • Abrogation des lois anti-discrimination.
    • Abrogation des droits de succession.
    • Abrogation de l’ISF.
Veau d'or

L’Etat-Providence, nouveau Veau d’or des Français.

Voilà quelques premières idées, il y aurait encore beaucoup de choses à faire comme supprimer France TV et Radio France, supprimer les subventions aux medias, supprimer la (Ré)Education Nationale…

Si la Droite française s’attachait réellement à être conservatrice, elle devrait nécessairement commencer par militer pour les mesures sus-citées, ou leur équivalents. Ou plus encore.

Une dernière chose, à l’attention des croyants, rappelez-vous ce que veut dire « Providence » (Larousse: « Dieu, en tant qu’ordonnateur de toutes choses. »).

Ainsi quand vous soutenez l’Etat-Providence, c’est un faux Dieu que vous soutenez et vous ne voudriez pas être idolâtre, le voudriez-vous ?

 

Le Catholique Libertarien