« Peu importe que le chat soit blanc ou noir ; s’il attrape la souris, c’est un bon chat. » – Deng Xiaoping, 1962
La Chine s’enrichit
Voilà quinze ans d’observations qui s’achèvent et au moment de quitter cet immense et incroyable pays qu’est la Chine, je suis effrayé de mon retour en France, chacune de mes récentes expériences m’ayant rendu très nerveux. Je suis étonné de lire commentaires et jugements de notre presse, nos médias affichent une haine ouverte contre l’empire du Milieu, une jalousie à peine voilée. L’arrogance française et son passé en étendard est tout aussi grande que l’arrogance chinoise dans sa réussite fulgurante.
Nous ne nous en rendons pas compte car l’Hexagone baigne dans des certitudes inculquées depuis plus de trente ans. Nous sommes bardés de vérités absolues comme nos projets pour l’emploi qui se succèdent sans suite dans le néant. Pendant ce temps-là, la Chine dite communiste fourmille d’imagination et de raisons pour occuper son monde. Les gens s’enrichissent aussi vite que les Français s’appauvrissent.
Bien sûr, ce que chacun gagne n’est pas donné d’une main puis repris de l’autre, ce que chacun gagne reste bien dans la poche de chacun. L’argent va dans le circuit de consommation et d’épargne. Les taxes sont présentes là où les biens ne sont pas indispensables, ou dans des produits que rien ne vous oblige à acheter. Dès lors la première valeur du pays devient l’individu et sa propension à montrer de quoi il est capable. Et cet individu a des valeurs ancestrales et des racines ancrées à jamais, il sait préserver, économiser tout aussi bien qu’il sait dépenser.
Le Milieu en pire ?
Pourquoi en France serions-nous différents ? Aurions-nous inventé un système subtil plaçant notre pays au-dessus du monde lui-même ? En réalité la France est une machine en guerre contre son propre peuple sous le prétexte égalitaire du partage – lequel n’existe pas en Chine sous la contrainte de l’État, pourtant à l’usage, les Chinois sont bien plus généreux avec les autres que les Français, les « pingres égoïstes ».
Ici, tout est raison pour payer des impôts et des taxes et cela souvent au travers d’artifices complexes inventés uniquement pour protéger des emplois non rentables qui ne créent pas de profits. Avant de créer son propre emploi, le Français devra toujours payer, et dire le contraire est un mensonge, il faut commencer à débourser pour sa retraite, ses assurances et tout cet ensemble mal pensé d’obligations.
Si le second peut s’expliquer, le premier reste une idée suffisamment absurde pour empêcher tout développement naturel. Ainsi il est préférable de payer des « droits » à une personne sans emploi, plutôt que d’exonérer réellement un créateur d’emploi. Le jeune Chinois qui se décide a générer son propre emploi aura une seule contrainte, celle de réussir : « Se mettre en situation de confort, gagner des clients, consommer, épargner, aider ses parents, créer une famille et d’ici trois ans espérer avoir atteint son objectif : être un entrepreneur libre de faire des profits. »
D’abord Chinois, libres de grandir
La nouvelle France tente de vendre ses vues « socialistes » au monde pendant que la Chine vend ses produits. On ne sait plus créer, nos esprits s’éventent pendant que la Chine s’invente du bonheur. Le plus près des deux – du sens de la liberté d’entreprendre – est celui qui a le droit de profiter des résultats de son travail et celui qui n’a plus un seul garde rouge pour surveiller les faits et gestes de son compte en banque.
L’État tricolore du désespoir continue de former ses ouailles, en faisant exactement ce qu’il reproche à l’État chinois : l’éradication des esprits libéraux de ses bibliothèques et de ses enseignements, à chaque nouveau livre qui entre dans la culture accessible en Chine, une œuvre libérale est remplacée par un livre socialiste dans nos propres magasins.
L’État chinois a inventé quant à lui un concept [1] bien plus subtil que notre gauche et notre droite – leurre pour nous, petits poissons. Pour former ses jeunes, il les envoie apprendre de par le monde, à devenir des businessmen, des créateurs et donc des exemples pour tous et toutes. Tous les moyens seront bons, car l’objectif commun ne se discute pas, il fait partie de l’âme de chacun de ces 1,5 milliards d’individus que composent ces 36 nationalités réunies sous le nom de République Populaire de Chine. Quelle que soit la religion, l’origine ou la langue, ils sont d’abord Chinois, libres de grandir.
En France, plus socialiste que le socialisme, on crache même sur le drapeau car le système en place fait qu’il n’y a aucun devoir. Oui, la Chine est sévère avec le crime, comment maintenir l’ordre avec une telle population ? La démocratie française n’a démontré qu’une seule chose, elle protège mieux les criminels que les honnêtes gens du pays, c’est vraiment le communisme dans toute son horrible splendeur.
Le projet d’une société socialiste parfaite
Plutôt qu’un devoir de précaution, la France n’aurait-elle pas maintenant à réfléchir sur un devoir de respect d’elle-même ? Dans cette fédération du centre du monde où peu à peu tout devient possible – alors que le pays dit de la Liberté se ferme à tout ce qui ne rime pas avec la pensée unique – il y a un objectif qui prime et que nous ne pouvons pas comprendre : « être Chinois, d’abord ». Ce n’est pas un jugement, ni une option discutable, c’est un fait du monde dans sa configuration d’aujourd’hui.
L’État français, lui, reste stoïque, il forme des armées de fonctionnaires, ses diplômés ont des premières questions bien apprises pour leurs éventuels futurs employeurs : ma sécurité, ma retraite, mes vacances, mes avantages, mes droits. Résumé en une seule phrase : « Facilitez-moi la vie mais moi, je pourrirai la vôtre ». Nous en sommes certains maintenant, il n’y aura pas de formation pour les devoirs. Il n’y a pas de prédisposition non plus pour la création, la France a un grand désir de ne ressembler à rien. Incolore et inodore, elle veut imposer ses privations de libertés individuelles, élaborer le projet d’une société socialiste parfaite, utopique, et qu’un troupeau d’âmes vides coure vers sa perte.
Pendant que nous nous liquéfions, la Chine retourne aux études, aux principes, à ses philosophies, nous renvoyant à des écrits de Voltaire qui savait le sens du mot Liberté, à propos de Confucius : « Il est, à la vérité un très bon homme, ami de la raison, ennemi de l’enthousiasme, respirant la douceur et la paix et ne mêlant point le mensonge avec la vérité. » L’incroyable se réalise, en tendance, la France a déjà perdu ce que la Chine est en train de gagner : la Liberté.
Christian Brunet-Lévitan, in Libres !, 2012
[1] Deng Xiaoping, « Yi Guó Liang Zhi », « Un pays, Deux systèmes »